Confessions d'un homme dangereux

Confessions d'un homme dangereux
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Confessions d'un homme dangereux
Confessions of a Dangerous Mind
États-Unis, 2002
De George Clooney
Scénario : Charlie Kaufman
Avec : Drew Barrymore, George Clooney, Rutger Hauer, Julia Roberts, Sam Rockwell
Durée : 1h53
Sortie : 11/06/2003
Note FilmDeCulte : ****--

Pile et face: Chuck Barris, le jour, trouve la gloire en tant qu'inventeur d'émissions télévisées à succès après des années de galère. La nuit, le même Chuck est agent pour la CIA. Balloté entre ses deux existences, Barris, cloîtré dans sa chambre d'hôtel, en vient aux confessions.

THE SUN ALWAYS SHINES ON TV

Pour son premier film en tant que réalisateur, George Clooney s'est entouré d'une équipe quatre étoiles: le scénariste le plus couru du tout-Hollywood (Charlie Kaufman), un cast de potes complices et brillants (Sam Rockwell, Drew Barrymore, Julia Roberts ou Brad Pitt et Matt Damon pour de simples cameos) et le chef opérateur des Rois du désert, Newton Thomas Sigel. De cette association en acier, il résulte un sentiment de maîtrise absolue et de grande maturité assez rares pour un premier essai: ce seul élément annonce des perspectives souriantes pour l'ami George. A partir d'un script qui compte probablement parmi les plus classiques (ou plutôt raisonnables) de son auteur, Clooney exploite habilement la mise en abyme permanente qui nourrit doublement son film: le regard a posteriori d'un Barris faisant sa biographie (impliquant des libertés aux contours indistincts) et la dichotomie naturelle de son existence. Le principe Barris se base sur l'illusion, sur les fantasmes. En se branchant avant quiconque sur les envies du public, Barris a créé des émissions mères de la télévision, celles qui permettent le quart-d'heure de gloire warholien et trouvant un écho plus actuel que jamais. C'est en cela que Barris institue le fantasme de célébrité comme schizophrénie innée de l'homme de la rue, plongé dans l'illusion d'un paraître où il tient la vedette. C'est en cela, de même, que Clooney plonge Barris dans la même mise en scène fantasmagorique, où les décors de plateaux télévisés se dérobent derrière ceux d'une existence bigger than life (tueur pour la cia). A cette occasion, les seuls reproches que l'on peut faire au film apparaissent peu à peu: le vertige n'est jamais aussi profond qu'il pourrait être, l'ensemble très maîtrisé manquant probablement d'un soupçon de folie. De plus, l'usage à l'expressivité survitaminée des couleurs alourdit un peu le jeu entre réalité et déréalisation.

VU A LA TELE

Comme souvent chez Kaufman, l'esthétique du double est au coeur des conflits dramatiques. Au-delà de la double vie (fantasmée ou non) de Chuck Barris, les reflets parsèment le récit: Drew Barrymore en girl next door face à la femme fatale Julia Roberts, la médiocrité d'une chambre d'hôtel miteuse contre une gloriole aux couleurs pastel (s'opposant là encore à la froideur visuelle des scènes de meurtre), des dispositifs de jeux se répétant à l'infini (jusqu'à l'auto-pléonasme du Game Game) et des passages télévisés devenant meurtres en directs, effaçant les dernières traces qui permettent de distinguer fantasme et réel. La télévision devient boîte de Pandore illusoire, faux reflet que Barris s'échine à rendre authentique. A partir de cette perte de repère, la question du vrai ou faux devient paradoxalement secondaire, tandis que la chair des personnages imprime de plus en plus la pellicule. En ce sens, la générosité dont Clooney fait part envers ses acteurs est remarquable. Outre un Rockwell charismatique qui assume son personnage jusqu'au bout des ongles, Drew Barrymore trouve probablement là un de ses meilleurs rôles et Julia Roberts incarne à la perfection un rôle inattendu, fournissant au film une de ses scènes les plus intenses, et rappelant à l'occasion la grandeur d'un potentiel trop souvent inexploité. Doté d'un sens visuel déjà très affuté, utilisant le cadre ou ses mouvements de caméras toujours à bon escient, Clooney livre une copie quasi sans faute, néanmoins un peu trop carrée pour un projet imprégné d'une folie qui exige une certaine spontanéité. Une réserve discrète pour un film en forme de promesse-carillon.

par Nicolas Bardot

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