Black Swan
États-Unis, 2010
De Darren Aronofsky
Scénario : Mark Heyman, John McLaughlin
Avec : Vincent Cassel, Barbara Hershey, Mila Kunis, Natalie Portman, Winona Ryder
Photo : Matthew Libatique
Musique : Clint Mansell
Durée : 1h43
Sortie : 09/02/2011
Nina est une ballerine du New York City ballet cocoonée par sa mère et obsédée par la technique parfaite. Lorsque Thomas Leroy, maître de ballet de la compagnie, décide de créer une nouvelle version du Lac des Cygnes, il la choisit pour interpréter le rôle double d’Odette/Odile.
MIROIRS
Deux ans après avoir suivi la déchéance d’un catcheur à la retraite (The Wrestler), Darren Aronofsky nous fait visiter l’esprit torturé et obsessif d’une ballerine en pleine ascension, lorgnant ainsi vers son premier long métrage, Pi. Film de danse enveloppé dans un thriller psychologique dans la droite lignée des Chaussons rouges de Powell et Pressburger, Black Swan utilise et digère parfaitement tous les clichés et références de ces deux genres. Mère frustrée et surprotectrice empêchant sa fille de grandir, mentor exigeant prompt au harcèlement, idole déchue suicidaire, rivale aux allures de double antithétique, doppelgängers surgis de l’ombre, autant de figures emblématiques maintes fois utilisées qui s’entrechoquent et interagissent pour nourrir la folie de Nina. Une folie qui n’est jamais ouvertement mentionnée, qui semble même être ignorée par les autres personnages, mais qui habite le métrage de part en part grâce à la mise en scène et à l’imagerie développée.
Car le sujet du film se situe ici. Ce n’est pas Le Lac des Cygnes mais bien la naissance du Cygne noir. Ce n’est pas la jolie danse ou les qualités techniques de Nina qui importent, mais bien la danseuse elle-même, sa lutte constante, sa volonté de reconnaissance, sa quête de la perfection dans un monde qu’elle ne contrôle plus. Pour ce faire le réalisateur laisse de côté les plans d’ensemble fixes, propres à la captation de spectacle, pour nous livrer des plans séquence tournoyants accentuant la perte de repères de la ballerine et nous plongeant dans sa subjectivité. Il garde sa caméra à l’épaule, filme les personnages au plus proche, nous montre les frémissements de peau, les transformations du corps et ses mutilations. Une imagerie propre à sa filmographie et au thriller qui sied à merveille au monde de la danse. Le tout accentué par un montage dynamique qui alterne sans cesse entre fantasme et réalité.
SWAN QUEEN
Totalement crédible en danseuse professionnelle grâce à un entraînement intensif d’un an, Natalie Portman s’efface complètement au profit de son personnage, livrant une performance renversante qui mérite grandement tous ses éloges. Elle explore toute la palette de sentiments contradictoires qui habitent Nina, passant en un clin d’œil de l’un à l’autre de façon très subtile et sans jamais tomber dans la facilité. Le reste du cast s’en sort également à merveille. Voix grave, yeux charbonneux, mèches claires et cheveux lâchés, Mila Kunis est étonnante en ballerine sexuée impulsive qui compense une technique approximative par une approche très sensitive et charnelle de la danse. Quant à Vincent Cassel, il signe certainement ici l'une de ses meilleures prestations anglophones avec le personnage de Thomas, maître de ballet arrogant et prédateur. Antithèse de la mère protectrice, il n’a de cesse de pousser Nina hors de sa zone de confort pour la transformer en cygne noir.