Atomik Circus, le retour de James Bataille

Atomik Circus, le retour de James Bataille
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A Skotlett City, trou perdu au beau milieu du désert, on prépare ardemment le micro-crochet du Festival de la tarte à la vache. La belle Concia fait ses vocalises, son père, Bosco, prépare son bistrot pour l’événement, les autres participants répètent leurs numéros… Coïncidence, l’impresario Allan Chiasse, suite à des ennuis de voiture, est obligé de faire halte dans le village et flashe sur la "belette". C’est le moment que choisissent le petit ami de Concia, James Bataille, pour s’évader de la prison où il était retenu, et des extra-terrestres malveillants pour envahir la Terre…

LES REDUCTIBLES GAULOIS?

Pour sûr, Atomik Circus, le Retour de James Bataille va être un film facile à détester. A l’image de ses petits frères spirituels Blueberry et Immortel (ad vitam), le premier long métrage des frères Poiraud est un OFNI commercialement suicidaire dans le ciel ronflant du cinéma populaire hexagonal. Débarquant comme un alien dans un jeu de quilles dans une passade relativement plate et atonique de la production nationale (Ripoux 3, L’Américain, People - Jet Set 2… aujourd’hui San Antonio), Atomik Circus résonne déjà comme l’un des plus incroyables malentendus entre les ambitions de producteurs inattentifs et la personnalité très (trop?) marquée de réalisateurs passionnés. Avant même de parler du film, il y a donc lieu de s’inquiéter quant à l’impact que de tels dérapages ne manqueront pas d’avoir sur l’avenir des grosses productions gauloises. En effet, au vu du produit fini (non sans qualités, nous y reviendrons) et à moins d’un miracle, il y a fort peu de chances qu’Atomik Circus squatte le box-office suffisamment longtemps pour justifier la prise de risque financière du géant TF1. Aussi démesuré que cela puisse paraître, l’entreprise modeste de réhabilitation du film de genre, menée - chacun à leur manière - par les Poiraud, Kounen, Laugier, Gans, Noé, Bilal et autres Boukhrief, et que l’on aurait mauvais jeu de ne pas soutenir, menace progressivement de n’être plus qu’un enthousiasmant souvenir.

MON PRODUCTEUR FAIT "NO !!!"

Une mise en péril qui pourrait bien se confirmer dans le cas d’un échec aussi cinglant que le fut celui de Blueberry. L’affaire serait même "politique", si l’on en croit un article paru dans l’Express du 19/07/04, et pourrait aller jusqu’à "une redistribution de l'organigramme des filiales cinéma de TF1". Disproportionné? Sans doute. N’empêche que la volonté affichée de TF1 de sauver les meubles dans la dernière ligne droite, en laissant stratégiquement les journalistes sur le seuil des projections de presse (rien pour les quotidiens, hebdos et mensuels généralistes, accès privilégié pour une poignée d’élus spécialisés, dont le magazine Mad Movies), en retouchant grossièrement l’affiche afin de mettre en avant un casting trois étoiles, et en s’imposant sur le montage des bandes-annonces, largement orientées comédie, est suffisamment représentative d’un climat général pour que l’on s’en inquiète. Plutôt que de se faire une raison, d’accepter qu’Atomik Circus ne soit pas un film de prime time, et d’utiliser intelligemment la singularité du projet afin de le laisser rencontrer sereinement son public, TF1 a fait le choix potentiellement kamikaze "de capitaliser sur l'attente que suscite le film […] pour élargir la cible, quitte à ce qu'il y ait des déçus ensuite. Il faut attirer le plus de monde possible les deux premières semaines". Choix compréhensible cependant: l’état actuel franchement catastrophique de la distribution – la valse des copies se trémousse ces derniers temps sur un tempo effréné (exemple récent: plus une seule copie de Casablanca Driver n’est aujourd’hui disponible à Paris) – ne permet aucunement de miser sur un bouche-à-oreille, certes périlleux, mais jouable.

BENNY VERSUS JASON

Aussi est-ce à l’aune de cette somme de malentendus qu’il convient d’aborder le bébé des frères Poiraud. Garder en tête les appétences du duo infernal, leur sincérité, leur démarche, leurs envies. Evidemment, les meilleures intentions du monde ne remplaceront jamais un bon film, et crier au chef-d’œuvre s’agissant d’Atomik Circus serait mentir. Impossible de fermer les yeux sur les nombreuses scories qui plombent le métrage et l’empêchent de prendre son envol. A savoir: un scénario charcuté par un tournage trop court et une mauvaise prise en compte des moyens disponibles, des performances d’acteurs inégales (joli come back inspiré de Vanessa Paradis, Poelvoorde fait de l’excellent Poelvoorde, Marielle du bon Marielle, mais la plupart des seconds rôles se content d’exhiber leurs "gueules"), un rythme (volontairement?) boiteux… Il y a à boire et à manger dans Atomik Circus et l’on y risque tout autant la cuite que l’indigestion. A trop vouloir en faire, les Poiraud se prennent les pieds dans le tapis de la réalité financière. Elément révélateur: le héros, James Bataille, n’aura jamais l’occasion de prendre la dimension iconique annoncée par le sous-titre (allègrement dégagé de l’affiche, par ailleurs, mais toujours présent en banc-titre). Absent de la moitié du film, le personnage a été amputé d’une bonne partie de ses scènes (Bataille n’a plus qu’un seul véritable combat dans la version finale… un comble!) et se voit de fait évincé par un Poelvoorde au mieux de sa forme en impresario vulgaire et libidineux. Et le pauvre Jason Flemyng de se trouver obligé de faire de la figuration de luxe.

JAMES BATAILLE’S FLYING CIRCUS

Il y a pourtant beaucoup à sauver dans Atomik Circus. Une spontanéité et une liberté de ton absolues, tout d’abord, se traduisant par une envie fervente de pousser jusqu’au bout et sans complexe les pires délires décérébrés. Des personnages comme le clodo Brody et son clebs édenté Toby, ou encore le groupe de teutons mariachis Los Perros Negros, témoignent d’un esprit potache délibéré, assumé et irrésistible. De même, la tentation du gore, aidée par une photo léchée, même si pas toujours bien soutenue par une caméra tout à l’épaule parfois peu lisible, autorise plusieurs séquences réjouissantes et/ou surprenantes ("Elle s’est fait sucer la tête!"). Ensuite, on aurait tort de limiter le film à ses très claires intentions récréatives. Une forme de poésie onirique et surréaliste, emportée par le tempo narratif bancal, se révèle par petites touches. L’apport du génial groupe de rock frenchie The Little Rabbits, compagnon de longue date des Poiraud (clips et court métrage), en est une. Dès l’ouverture, par l’entremise de la cotonneuse et godardienne voix-off du chanteur Federico, c’est la porte du rêve enfantin (et de son pendant naturel, le cauchemar) que l’on pousse. Par la suite, la bande originale, si elle grignote dangereusement dans la structure du scénario, permettra de soutenir ce sentiment feutré au détour d’un "cha-cha-cha" fantasmé ou de trompettes à la Morricone, jusqu’à un plan final d’une étrange beauté. Drôle de voyage, donc, que cette virée par Skotlett City. Dire que l’on aurait préféré y séjourner dans de meilleures conditions n’enlève rien à l'affection que l’on éprouve envers les Poiraud. Dire que l’on prie très fort pour s’être trompé (les chiffres de démarrage ne sont pas brillants – deux fois moins que People il y a deux mois sur une combinaison de salles comparable – mais ce n’est pas encore la dégringolade redoutée) et que l’on espère les voir repartir sur autre chose (une série B à la Corman aux Etats-Unis, aux dernières nouvelles) relève de l’évidence.

par Guillaume Massart

En savoir plus

Les différents sites internet créés à l’occasion de la sortie du film ont bénéficié d’un soin tout particulier. Outre une cohérence d’univers entre les sites et le long métrage des frères Poiraud, on pourra également contempler des dessins de préparation, écouter des extraits de l’excellente bande originale et consulter le blog de Concia. Jolie idée.

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