Astérix - Le Domaine des Dieux
France, 2014
De Alexandre Astier, Louis Clichy
Scénario : Alexandre Astier d'après Le Domaine des Dieux
Avec : Alexandre Astier, Guillaume Briat, Roger Carel, Alain Chabat, Artus De Penguern, Lorànt Deutsch, Laurent Lafitte, Géraldine Nakache, Elie Semoun
Durée : 1h25
Sortie : 26/11/2014
Nous sommes en 50 avant Jésus-Christ ; toute la Gaule est occupée par les Romains… Toute ? Non ! Car un village peuplé d'irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à l'envahisseur. Exaspéré par la situation, Jules César décide de changer de tactique : puisque ses armées sont incapables de s’imposer par la force, c’est la civilisation romaine elle-même qui saura séduire ces barbares Gaulois. Il fait donc construire à côté du village un domaine résidentiel luxueux destiné à des propriétaires romains. : « Le Domaine des Dieux ». Nos amis gaulois résisteront ils à l’appât du gain et au confort romain ? Leur village deviendra-t-il une simple attraction touristique ? Astérix et Obélix vont tout faire pour contrecarrer les plans de César.
LA GAULE EN 3D
Après 8 longs métrages animés et 4 films live, Astérix est de retour sur grand écran avec une évolution esthétique de taille. Le dernier dessin animé, Astérix et les Vikings, datant de 2006, était un film d'animation traditionnelle 2D, très proche du graphisme de la bande dessinée ; ce Domaine des Dieux est entièrement conçu en 3D, c'est-à-dire en images de synthèse. Louis Clichy, qui a fait ses armes notamment en tant qu'animateur chez Pixar, est à la tête de la réalisation de ce projet novateur en France, et ce qui frappe d'emblée, c'est à quel point ce challenge est réussi : alors que l'on pourrait hurler au non-respect du style d'origine, ces personnages ronds et ces décors en profondeur fonctionnent particulièrement bien et semblent, étonnamment, très naturels dans cet univers que l'on connaît pourtant par cœur.
La patte du co-réalisateur et scénariste, Alexandre Astier, est bien entendu très présente dans ce nouvel épisode des aventures des irréductibles Gaulois. On lui doit entre autres tout le travail d'adaptation, mais aussi le choix de l'album adapté, choix particulièrement inspiré puisque Le Domaine des Dieux, publié en 1971, est sans conteste l'un des meilleurs albums de toute la série. Astier, comme toujours très attaché aux règles d'écriture et de composition de scénarios, a su trouver une matière première de rêve dans cette bande dessinée dont le découpage en trois actes est déjà très marqué, et dont il a pu non seulement garder l'esprit mais aussi renforcer la structure. Le film est ainsi l'une des adaptations les plus fidèles à la BD d'origine ; mais Astier, bien que laissé visiblement assez libre, a probablement dû brider son imagination pour se plier au cadre imposé, Uderzo et les Éditions Albert René exerçant toujours un contrôle très poussé sur "leur" création.
Si Astérix : Mission Cléopâtre avait réussi à séduire un très large public grâce à la transposition bienvenue de l'humour de Goscinny dans l'univers comique des Nuls, ici l'humour Astier donne évidemment le ton général mais n'est pas non plus là pour phagocyter tout le film. Même si la présence de plusieurs voix de comédiens fortement connotés "Kaamelott" (Guillaume Briat en Obélix, Lorànt Deutsch, Alain Chabat, Elie Semoun, Géraldine Nakache, Lionnel Astier, Joëlle Sevilla et quelques caméos vocaux supplémentaires) pourra en gêner certains, il serait malhonnête de limiter le casting à ces choix, d'autant que d'autres rôles importants ont été confiés à des comédiens hors "bande Astier" ; on pense notamment à Laurent Lafitte, qui interprète ici Duplicatha, le chef des esclaves, dans un style dialogué en complète rupture avec la caractérisation caricaturale du personnage. Ce qui produit un contraste plutôt drôle et malin sur le papier, mais peut-être trop en décalage avec les autres acteurs pour que ce soit parfaitement convaincant. Mais c'est surtout la voix d'Astérix, Roger Carel, sorti de sa retraite pour l'occasion, qui offre la présence vocale la plus marquée, puisqu'elle permet d'assurer une réelle continuité entre ce nouvel opus, esthétiquement très différent et "moderne", et le personnage de tous les dessins animés précédents. La référence passera inaperçue aux oreilles des plus jeunes, mais pour les autres renforcera l'impression d'être devant "un vrai Astérix".
Astier a rajouté quelques éléments à la BD originale, on pense par exemple à l'histoire du couple et de leur enfant, très classique et pas forcément toujours très inspirée, mais efficace dans la progression narrative, ou encore quelques péripéties concernant Obélix ; mais la plupart des points forts du scénarios sont en fait fondés sur des idées déjà présentes dans le matériau de base conçu par René Goscinny. C'est le cas de toute la réflexion écologique (la destruction de la forêt sous les yeux terrifiés d'Idéfix), politico-économique (l'appât du profit incontrôlable occasionné par "l'occupation" romaine), ou encore sur la lutte sociale (les revendications des esclaves ou des légionnaires). Intéressant d'ailleurs que, pour ce projet destiné à sortir Astérix du premier âge de l'animation, Astier ait choisi d'adapter l'album qui explore le plus la notion de modernité. Pour le reste, comme Alain Chabat l'avait fait dans son film en 2001, le scénariste convoque lui aussi quelques références actuelles de pop-culture, du Seigneur des Anneaux en passant par King Kong... sans oublier son propre Kaamelott. Imparfait mais superbement rythmé et solidement construit, cet Astérix - Le Domaine des Dieux est techniquement quasiment irréprochable, ce qui constitue une réussite française indéniable ; mais il est aussi, et surtout, un excellent divertissement familial qui ne prend pas son public pour des sangliers.
En savoir plus
Astérix - Le Domaine des Dieux est disponible en dvd chez M6 Vidéo.
Bonus :
Making of (13')
Interview d'Alexandre Astier et Louis Clichy
Astérix et le Domaine des Dieux : les voix
Astérix et le Domaine des Dieux : l'animation 3D
Scènes coupées (storyboards)
Documentaire : "La potion d'Astérix" (55')
Commentaire audio d'Alexandre Astier et Louis Clichy
Bande-annonce
Teaser