Alien (Director's cut)
États-Unis, 1979
De Ridley Scott
Scénario : Dan O'Bannon
Avec : Veronica Cartwright, Harry Dean Stanton, Ian Holm, John Hurt, Yaphet Kotto, Tom Skerritt, Sigourney Weaver
Durée : 1h56
Sortie : 12/11/2003
Un vaisseau fend lentement l’espace. Ses couloirs sont vides et sombres, l’équipage est plongé dans une profonde léthargie. Un réveil impromptu et une créature fortement belliqueuse vont perturber leur univers.
ESPACE, FRONTIERE DE L’INFINI
Une chose frappe à la vision de la version remasterisée d’Alien; son indéfectible modernité. Là où d’autres œuvres de science-fiction passent, trépassent et paraissent datées, le second film de Ridley Scott jouit d’une patine qui l’a fait résister au temps. Tant dans sa plastique, essentiellement composée de riches décors superbement mis en images, que dans sa mise en scène. Monument de terreur spatiale, Alien apparaît comme un film ardemment contemporain. Qui irait se douter que vingt-quatre années séparent la première exploitation et la ressortie, avec un montage légèrement modifié et doté de pistes son nettoyées, calibrées et amplifiées? Indéniablement, le portrait de ces astronautes convoyeurs de l'espace - cupides invétérés, sales et ronchons qui meurent les uns après les autres, massacrés par un prédateur implacable - conserve sa force évocatrice. Projection déformée, fantasmée et cauchemardée de la sexualité et de la maternité animale vue comme un parasitage, Alien excelle dans l'établissement d'une ambiance malsaine, suintante et vaporeuse. Ridley Scott déploie ici ses talents dans la création d'un univers clôt qui semble refermer ses doubles mâchoires d'acier sur ses occupants. Les couloirs du vaisseau se transforment via l'introduction d'un parasite en une sorte de jungle biomécanique où l'équipage se retrouve réduit à jouer le rôle d'un gibier impuissant malgré la maîtrise de la technologie. On ne compte plus les trouvailles de mise en scène afin de restituer une atmosphère incroyablement angoissante et où le spectateur, qu'il soit averti et amateur d'Alien ou non, sursaute à maintes reprises.
UN HUITIEME PASSAGER SILENCIEUX
Habité par son statut d'œuvre culte, le film de Ridley Scott a su marquer son époque et se range sur la même étagère qu'une Guerre des étoiles ou qu'un Indiana Jones. Réinventant le concept du "film de monstres" des années 50, en déplaçant le climat paranoïaque propre à l'époque dans l'instinct de conservation humain, il y insère des éléments de science-fiction moderne (qui restent en arrière-plan). Alien a vu engendrer dans son sillage une longue série de suiveurs, quasiment tous incapables d'apporter autant d'originalité que leur modèle. Seules les trois suites directes (mettons volontairement de côté le futur spin of du réalisateur de Mortal Kombat, Alien Vs. Predator) ont su apporter un regard d'auteur authentique sur le mythe "Alien" et livrer ainsi autant de copies égalant l'original. La clé de voûte de l'efficacité tient dans une mise en scène à vocation documentaire, violente et agitée quand il le faut, et incroyablement calme et fluide l'instant suivant. Elle se distingue aussi par une économie de moyens, jouant avec les zones d'ombre, rendant la créature difficile à distinguer, la transformant par ce biais en pur succube, être né des peurs et fantasmes humains. L'homme craint l'inconnu et l'Etranger (signification de alien en anglais) car il lui est impossible de le comprendre. Il introduit lui-même son propre prédateur au cœur même de son milieu et lui permet de grandir. Créature biomécanique, l'alien constitue le point de jonction entre les formes rondes organiques et les lignes abruptes des couloirs du vaisseau. A mesure que l'alien s'approprie l'espace humain, il le transforme, éliminant les derniers éléments charnels afin de célébrer l'avènement de la machine. Au contraire, pour trouver son salut, l'homme doit annihiler son environnement en utilisant la seule force animale de son instinct de survie. Suppression d'une composante d'une équation inégale. Ainsi le thème de l'opposition de l'homme à la machine trouvera d'autres échos dans le Aliens de Cameron, déjà coutumier du sujet via ses deux Terminator.
I’M AN ALIEN, I’M A LEGAL ALIEN
Ridley Scott, consulté afin d’aider à la restauration de son chef-d’œuvre, désira procéder à quelques aménagements d’intérieur et à divers gommages d’imperfections. C’est ainsi que prétextant un trop grand attachement à ses décors, il choisit de couper quelques entrées et sorties de plans, trop longues, s’attardant trop sur la plastique plutôt que l’intrigue. Il décida aussi d’ajouter ou de rallonger quelques scènes abandonnées sur le sol de la salle de montage. Nombre de ses ajouts étaient déjà connus des amateurs puisqu’ils se trouvaient déjà sur les éditions Laserdisc et DVD du film, mais en dehors du montage original. Finalement incluses dans la narration, certaines scènes éclairent sous un jour imperceptiblement différent certains aspects de l'histoire. La créature adulte est montrée plus tôt, au travers d’un balancier entre deux chaînes, et les tensions au sein de l’équipage deviennent nettement plus palpables. Mais surtout l'adjonction la plus notable est la fameuse scène des cocons, d’où James Cameron tirera en 1986 pour Aliens son fameux "kill me". Cette séquence montre un cycle reproductif radicalement différent de celui imaginé par Cameron et repris par la suite. Outre ces menues variations offrant un tempo différent, Alien a joui d'une restauration complète du négatif, passé à travers les octets du numérique afin de retrouver les teintes et couleurs originales. L'audio a lui aussi connu un lifting en profondeur puisque la bande sonore a entièrement été remixée sur six pistes surround. Ce minutieux travail permet de proposer une œuvre résolument moderne, près d'un quart de siècle après sa sortie. Fondateur, effrayant, génial, Alien a fait entrer son monstre dans le panthéon des affreux du cinéma et son interprète principale, la divine Sigourney, dans celui des rôles légendaires. Sur la Terre tout le monde peut vous entendre crier.