Les Adieux à la reine
France, 2011
De Benoît Jacquot
Scénario : Benoît Jacquot, Gilles Taurand
Avec : Xavier Beauvois, Diane Kruger, Virginie Ledoyen, Noémie Lvovsky, Léa Seydoux
Photo : Romain Winding
Sortie : 21/03/2012
En 1789, à l’aube de la Révolution, Versailles continue de vivre dans l’insouciance et la désinvolture, loin du tumulte qui gronde à Paris. Quand la nouvelle de la prise de la Bastille arrive à la Cour, le château se vide, nobles et serviteurs s’enfuient… Mais Sidonie Laborde, jeune lectrice entièrement dévouée à la Reine, ne veut pas croire les bruits qu’elle entend. Protégée par Marie-Antoinette, rien ne peut lui arriver. Elle ignore que ce sont les trois derniers jours qu’elle vit à ses côtés.
LA FILLE SEULE
Marie-Antoinette, Jeanne d'Arc, même combat. On ressort régulièrement Jeanne d'Arc pour la faire immanquablement grimper sur son bûcher, encore une fois cet automne avec Jeanne captive. Un grand jeu très ludique. De même, il y a un spectacle assez pervers à exhumer la Marie-Antoinette pour inéluctablement lui arracher la tête, et la version récente de Sofia Coppola (This, Madame, is Versailles) est encore dans tous les esprits. Les Adieux à la reine présente à nouveau une Marie-Antoinette de mythologie puisqu'elle est vue à travers les yeux fascinés de sa liseuse. Benoit Jacquot filme la perte des illusions d'une jeune femme dans un monde dont la mise en scène s'écroule. Comme dans L'Apollonide, souvenirs de maison close, Jacquot emploie des metteurs en scène parmi ses comédiens (Beauvois, Nolot, Lvovsky - les mêmes) avec évidemment une idée derrière la tête, tandis que dans cette bulle coupée du monde, Marie-Antoinette se fait lire des récits et déguise sa liseuse en une autre. Les chimères de Versailles inspirent encore aujourd'hui, jusqu'à se projeter directement dans notre époque (des Converse du Coppola aux fantasmes de Murakami). La version de Jacquot est plus traditionnelle mais témoigne du ravissement intact provoqué par ce petit théâtre, source inépuisable de fiction.
Les Adieux à la reine raconte le cheminement à fleur de peau d'une jeune femme, tout comme l'urgence dans laquelle se retrouve un microcosme qui jusque-là dansait sur un volcan. Le filmage vif de Jacquot (caméra à l'épaule, multiplication des zooms) imprime un rythme haletant à son long métrage, tandis que la bande originale de Bruno Coulais, lors d'une scène de fuite, rappellerait presque le thème des... Dents de la mer. Dans le souffle officiel de la grande histoire, Jacquot se concentre sur quelques jours, un personnage anecdotique, et au final une autre façon de raconter une histoire mille fois racontée. Dans le succès des Adieux à la reine, le duo formé par Léa Seydoux et Diane Kruger compte beaucoup (plus que Virginie Ledoyen, largement plus limitée). La première, immature et intraitable, et la seconde, enjôleuse à l'accent d'Autrichienne, sont particulièrement mises en valeur dans ce long métrage à la fois mineur et captivant.