A l'Origine

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A l'Origine
France, 2009
De Xavier Giannoli
Scénario : Xavier Giannoli
Avec : François Cluzet, Gérard Depardieu, Emmanuelle Devos, Vincent Rottiers, Stéphanie Sokolinski
Musique : Cliff Martinez
Durée : 2h10
Sortie : 11/11/2009
Note FilmDeCulte : ******
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Philippe Miller est un escroc solitaire qui vit sur les routes. Un jour, il découvre par hasard un chantier d'autoroute abandonné, arrêté depuis des années par des écologistes qui voulaient sauver une colonie de scarabées. L'arrêt des travaux avait été une catastrophe économique pour les habitants de cette région. Philippe y voit la chance de réaliser sa plus belle escroquerie. Mais son mensonge va lui échapper.

Je suis parti de rien

On pouvait le percevoir à travers ses trois précédents films (Les Corps impatients, Une aventure et plus encore Quand j’étais chanteur), il y a chez Xavier Giannoli une véritable recherche, un véritable désir du public. Désir que l’on ne retrouve probablement chez aucun cinéaste de sa génération, désir qui s’exprime non pas par une tentative de plaire à tout prix, Giannoli n’étant pas prêt à tous les sacrifices et la durée du film le prouve, mais par une manière de respecter ce public à la façon des grands cinéastes populaires d’une époque quasi révolue (au hasard, Corneau ou Pialat). Dans un certain sens, il n’est pas forcément étonnant de le voir travailler pour la deuxième fois sous la bannière d’Europa Corps, la société du mogul Luc Besson – avec lequel il n’entretient fort heureusement aucun autre point commun. Ainsi, sous ses allures de film social (on prend peur pendant les cinq premières minutes échappées d’un mauvais Dardenne, surtout quand on sait qu’elles seront suivies de 130 autres), A l’origine, diamant brut qui élève le cinéma français à un niveau rarement atteint cette année, et certainement pas par les films dits populaires (au hasard Micmac à tire larigot ou Cinéman), est donc un grand film, un gros film, une épopée intimiste qui, sans laisser sur le bas côté un grand public adepte de divertissement et de grand frisson – et le film en est gorgé -, choisit de respecter ce public et de véhiculer autre chose qu’un spectacle décérébré. Si la durée du film passe donc sans trop de problème (on ne voit pas le temps passer, certains moments filant même à la vitesse d’un clip musical), c’est principalement grâce à ce respect qu’a le cinéaste pour un genre qu’il investit sans complexe, mais sans non plus de complaisance.

Le film tourne autour de cette figure, devenue marque de fabrique du cinéaste, du marginal, de l’insoumis. Ici, un escroc sans en être un, un gangster de petite envergure, arnaqueur de génie, qui monte un piège qui le dépasse et finit, grâce à lui, par s’ouvrir aux autres. L’ouverture vers l’autre d’un personnage enfermé dans un rôle, voila un thème qui traversait déjà Quand j’étais chanteur, pour ne prendre que le dernier film de Xavier Giannoli. Le cinéaste suit donc « l’étrange destin [qui] amène [Philippe Miller] à construire tous les murs que les insoumis "classiques" veulent abattre : d'abord le travail, mais aussi la responsabilité familiale puis sociale, la culpabilité, la morale... Je trouvais cela contradictoire, donc humain ». La grande évolution par rapport aux films précédents, c’est que A l’origine s’inscrit dans un contexte humain plus large, dépassant l’habituel schéma triangulaire qu’on a cru être un héritage de Pialat. Le personnage de Philippe Miller, qui vient à point nommer nous rappeler quel grand acteur peut être François Cluzet lorsqu’il abandonne ses insupportables tics, évolue donc au milieu d’un univers (une région sinistrée par l’abandon d’un projet d’autoroute) qu’il cherche à comprendre, à traverser, à contenter. Ce déplacement mental, humain, en même temps que géographique, constitue l’un des plus beaux voyages proposés cette année aux spectateurs, en même temps que la preuve de la supériorité de Giannoli sur tout un pan du cinéma français. Ce qui était déjà évident à la vision de son premier film, devient ici fulgurant : Xavier Giannoli s’impose comme le réalisateur français le plus intéressant de ces dernières années. Un réalisateur grand public, même populaire. Mais dans ce cadre là, ce mot n’a rien de vulgaire. Bien au contraire.

par Anthony Sitruk

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