8 Mile
États-Unis, 2002
De Curtis Hanson
Scénario : Scott Silver
Avec : Eminem, Kim Basinger, Brittany Murphy, Mekhi Phifer
Durée : 1h50
Sortie : 26/02/2003
Encouragé par ses amis d’enfance, Jimmy, un jeune rappeur blanc issu d’un quartier défavorisé de Detroit, accepte de participer à un concours de vannes en chanson, organisé dans une boîte de hip-hop. Malgré son talent, il reste paralysé par le trac et abandonne la scène.
Le projet avait de quoi inquiéter les cinéphiles. En effet, 8 Mile (lire la conférence de presse) avait toutes les apparences d’une success story supplémentaire, sous forme de faux biopic indigeste du jeune phénomène du rap américain. Un objet promotionnel bâti autour d’une star du spectacle s’avère en général catastrophique (Crossroads avec Britney Spears, Spiceworld avec devinez qui, Blue Chips avec Shaquille O’Neal, The Blackout avec Claudia Schiffer, Glitter avec Mariah Carey, Barb Wire avec Pamela Anderson ou encore Fair Game avec Cindy Crawford…), et ce malgré la qualité du réalisateur aux commandes, que ce soit William Friedkin ou Abel Ferrara. C’était sans compter l’incroyable sincérité du metteur en scène Curtis Hanson (L.A. Confidential), et son talent pour transcender la réalité et rendre crédible l’aspect fictionnel du sujet. Surprise donc, puisque 8 Mile tient la route, empruntant des sentiers déjà développés dans Rocky et Will Hunting. Un jeune homme doué, mais pénalisé par son milieu social, va devoir trouver sa voie (voire sa voix). Une intrigue simple mais qui a fait ses preuves. Scott Silver, habitué à la bande de copains défavorisés, n’échappe à aucun cliché dans la progression de son scénario: caractérisation facile de la bande de potes (un timide, un imbécile, un érudit et un tchatcheur), amourette de passage, défis lancés par des vilains méchants, rites initiatiques, scènes d’engueulade en famille, l’éternelle histoire du bon et du mauvais rappeur… Et pourtant tout fonctionne.
Grâce à la mise en scène de Curtis Hanson premièrement. Alors qu’il aurait été facile de salir son image pour se rapprocher du documentaire, ou au contraire de la polir comme pour un clip vidéo, le cinéaste choisit le Scope et une mise en scène discrète, évitant tout effet de style. 8 Mile est à ce niveau un exemple de sobriété et d’élégance. La photographie, baignée dans un bleu profond, ajoute à la froideur des rues de Detroit autant qu’à la chaleur des soirées hip-hop. Le montage est sans doute la plus belle réussite du film (à l’image d’une sublime séquence d’ouverture), rendant l’ensemble dynamique et passionnant, principalement durant les joutes verbales impressionnantes que s'envoient les chanteurs. Les comédiens, tout en finesse, finissent de rendre le film intéressant, par des interprétations réalistes et naturelles, rappelant l’univers sympathique de La Haine ou Do The Right Thing. Il est d’ailleurs tout autant agréable de retrouver Kim Basinger que Mekhi Phifer, le prometteur jeune acteur du Clockers de Spike Lee. Enfin, Eminem, et malgré l’énorme pression, interpelle par sa justesse et son charisme, rappelant à tous que l’on peut être vedette de la chanson et réussir dans le cinéma (tout comme Ice Cube, Will Smith, LL Cool J, Mark Wahlberg ou, plus récemment, Puff Daddy). Il signe également une bande originale passionnante, véritable régal pour les sens autant que pour l’intellect. 8 Mile est un film hautement sympathique, qui réussit à atteindre toutes ses ambitions, celles du réalisme et du divertissement. Tout comme il n’était pas obligé d’aimer la boxe pour aimer Rocky, il n’est pas non plus nécessaire d’aimer le rap pour aimer 8 Mile.