Eminem
États-Unis
Marshall Bruce Mathers III, alias Eminem, alias Slim Shady: le nouveau symbole d’une Amérique schizophrène qui s’enfonce dans l’intégrisme moral, mais réserve un triomphe à un diablotin blond non politiquement correct. Avec 40 millions d’albums vendus et un joli succès critique et public à la clé pour sa performance dans 8 Mile, sa première apparition au cinéma, Eminem est confortablement installé en haut de l’affiche. Des mobile homes miteux de la banlieue de Détroit à la couverture du New York Times, retour sur un phénomène culturel qui fascine les foules et flirte avec le scandale.
LE VILAIN PETIT CANARD
"He won’t have it, he knows his whole back city’s ropes
It don’t matter, he’s dope
He knows that, but he’s broke
He’s so stacked that he knows
When he goes back to his mobile home, that’s when it’s
Back to the lab again..."
(Extrait de Lose Yourself)
A l’instar de Michael Moore, Marshall Bruce Mathers III est un rejeton maudit du Michigan, l’enfant perdu d’une ville sinistrée passée du rêve américain au cauchemar économique: Détroit. Loin des sunlights hollywoodiens, la jeunesse d’Eminem (contraction de M&M, ses initiales) n’a rien à envier à celle des orphelins des romans de Charles Dickens. A un père éclipsé du tableau familial et une mère hystérique s’ajoute un environnement hostile, un ghetto noir qui ne pardonne rien à un blanc-bec filiforme devenu le souffre-douleur des jeunes du quartier. Brutalisé à l’âge de neuf ans par des camarades de classe, il tombe quelques jours dans un profond coma lié à un accident cérébral. Contraint de se battre pour mériter sa place, Marshall Mathers fait une croix sur son enfance et assume tôt ses responsabilités. Il se résout à l’école de la rue et alterne boulots minables et petits trafics coupables. A dix-huit ans, pour quitter la caravane familiale, il épouse une ancienne connaissance de bahut, Kim Scott, et fonde un foyer qui devient vite instable. Après le suicide de son meilleur ami, l'écriture devient son ultime refuge, son sanctuaire intime. Il noircit page après page pour exorciser ses démons et régler ses comptes à ce foutu destin qui l’a fait naître du mauvais côté de la barrière sociale.
DR. DRE ET MISTER SHADY
"I smoke a fat pound of grass and fall on my ass
Faster than a fat bitch who sat down too fast
C'mere slut! (Shady, wait a minute, that's my girl dog!)
I don't give a fuck, God sent me to piss the world off!"
(Extrait de My Name Is)
Chaque week-end, lors de joutes verbales hip-hop organisées dans les bas-fonds de la cité, l’ange Eminem se mue en diable Slim Shady et expulse sa rage dans des rimes incendiaires. Scandés avec une violence inouïe par une petite voix nasillarde, ses mots sont des armes de destruction massive. Pour faire son nid dans un terrain d’expression réservé par tradition aux Blacks, il doit cogner plus fort. Après un premier album autoproduit au succès confidentiel, il réunit ses maigres économies pour un road trip à travers les Etats-Unis. En 1998, il rencontre son Mister Chance sous les traits de Dr. Dre, producteur emblématique de la côte ouest. Quincy Jones de la musique rap, ce dernier possède un flair unique pour dénicher l’or dans un tas de fumier. Il remarque ce jeune Blanc sulfureux lors d’un concours de rap tenu à Los Angeles et décide de produire The Slim Shady LP. L'album scelle l'alliance entre les beats acidulés de la côte ouest et le flow ravageur du bad boy de Détroit. La formule fonctionne à merveille. Une vague ordurière déferle sur l’Amérique puritaine et s'infiltre dans chaque foyer grâce à des mélodies imparables. Misogyne, homophobe, raciste, la créature créée par Eminem échappe à tout contrôle et devient l'ennemie publique numéro un des ligues de vertu.
THE SHOW MUST GO ON
"A tisk-it a task-it
I go tit for tat with anybody who's talking this and that shit
Chris Kirkpatrick, you can get your ass kicked
Worse than them little Limp Bizkit bastards
And Moby, you can get stomped by Obie
You 36 year old bald headed say blow me
You don't know me, you're too old
Let it go its over, nobody listens to techno"
(Extrait de Without Me)
Aux yeux de ses détracteurs, la baudruche Eminem se serait dégonflée au contact des dollars et de la célébrité. Soucieux de polir son image, le jeune rappeur multiplierait les gestes d'allégeance au politiquement correct. Il apparaît en duo avec Elton John, pousse une gentille chansonnette avec Dido, son ancienne choriste, et joue dans 8 Mile de Curtis Hanson, une version édulcorée de sa propre jeunesse. Condamné en 2001 pour avoir braqué le nouveau compagnon de son ex-femme, Marshall Mathers serait devenu un tendre agneau instrumentalisé par le monde du show-business, une dose de souffre sous contrôle destinée à faire grimper l'audimat. Sa musique est même utilisée comme bande-son des messages de propagande à l'adresse du monde arabe. Eminem n'a pourtant pas changé. Aucun compromis dans les textes de The Eminem Show. Conscient de son statut de star, il dégomme à tout va les icônes populaires, insulte la femme du vice-président américain et danse, déguisé en Ben Laden, sur les cendres encore fumantes de l'Amérique. Son sujet de prédilection reste le même: sa propre vie, cantonnée au ghetto de Détroit ou importée dans les palaces de Las Vegas. Derrière le masque Slim Shady s'est toujours cachée la plume sensible d'un poète urbain, un amour sincère pour sa fille Hailie et une amitié indéfectible aux hommes de son clan.
Filmographie sur FilmDeCulte
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2003 8 Mile
DISCOGRAPHIE:
2002 8 Mile 2002 The Eminem Show 2000 Marshall Mathers LP 1999 The Slim Shady LP 1997 Slim Shady EP 1995 Infinite