12 Years a Slave

12 Years a Slave
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12 Years a Slave
Royaume-Uni, 2013
De Steve McQueen
Scénario : John Ridley d'après 12 Years a Slave
Avec : Benedict Cumberbatch, Paul Dano, Chiwetel Ejiofor, Michael Fassbender, Sarah Paulson, Brad Pitt
Photo : Sean Bobbitt
Musique : Hans Zimmer
Durée : 2h13
Sortie : 22/01/2014
Note FilmDeCulte : ******
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État de New York, 1841. Solomon Northup, un Afro-Américain père de famille et né libre, est kidnappé et réduit à travailler comme esclave dans des champs de coton en Louisiane. Son calvaire durera près de 12 ans.

IS EVERY THING RIGHT BECAUSE THE LAW ALLOWS IT ?

Savoir que cette histoire vraie dure une douzaine d’années et que Solomon Northup s’en sort vivant et à nouveau libre - puisqu’il a publié son histoire en 1853 -, permet de garder dès le départ un soulagement intérieur nécessaire à la vision complète du film. Quand Steve McQueen a décidé de s’atteler à la réalisation d’un film sur l’esclavage, c’était clair que ce serait sans compromis, sans adoucir les angles, sans détourner les yeux. Amateur de plans longs, il les utilise à nouveau de manière très efficace, pour des scènes de torture physique (Solomon battu pas son geôlier jusqu’à ce que la planche casse, Solomon pendu à un arbre pour ce qui semble être une éternité) ou psychologique (le monologue, affirmant sa propre toute-puissance, de son maître Edwin Epps, interprété par l’acteur fétiche de McQueen, le désormais incontournable - à raison - Michael Fassbender). Ce n’est pas le premier à filmer des coups de fouet, mais c’est le premier qui ose un contrechamp qui soulève le coeur, révélant le dos lacéré de la victime (Lupita Nyong'o, la révélation du film), avant de conclure avec un gros plan sur son visage. Une scène si longue et intense qu’on voudrait pouvoir se lever dans la salle et crier “Stop !”.

TELL NO ONE WHO YOU REALLY ARE

Évidemment, le premier sentiment qui vient en tête devant le film est l’injustice, mais à un niveau rarement ressenti. Le sujet est-il plus sensible encore que la Seconde Guerre Mondiale ou le 11 Septembre, pour avoir si peu été exploité sous forme de fiction? À part la mini-série Roots à la fin des années 70 et une première adaptation du livre de Northup sous forme de téléfilm en 1984, il n’existe quasiment rien sur le sujet. Livrant un film d’autant plus immersif que, comme le spectacteur, le protagoniste qui est enlevé et torturé est avant tout un homme libre, McQueen nous rappelle qu’être un esclave, c’est plus que travailler dans un champ de coton du matin au soir sous un soleil de plomb (le tournage a d’ailleurs eu lieu dans le même coin de Louisiane qu’où était détenu Northup, et les acteurs ont pu eux-mêmes souffrir de cette chaleur accablante). C’est aussi bien sûr être victime de sévices physiques, et vivre en permanence dans la peur de ceux-ci, mais aussi psychologiques puisque toute humanité leur est retirée. Traité ainsi comme un animal (ce qui n’est pas sans rappeler vaguement la capture de Charlton Heston dans La Planète des Singes), Solomon se voit dépossédé de sa liberté, de son identité et de son histoire (il devra répondre au nom de Platt et prétendre venir de Géorgie), de son savoir (il devra cacher qu’il sait lire et écrire) et, surtout, de sa famille. Mais en tout temps, il se bat pour une chose : sa dignité. Et avoir choisi Chiwetel Ejiofor pour incarner Solomon, plutôt qu’un plus gros nom comme Will Smith ou Jamie Foxx, est un pari audacieux et réussi : il est tout simplement parfait.

I DON’T WANT TO SURVIVE. I WANT TO LIVE.

Avec ce (seulement !) troisième long métrage, Steve McQueen s’impose définitivement comme un réalisateur au travail impeccable et dont les thèmes sont récurrents. Après Hunger et Shame, on retrouve à nouveau celui de l’emprisonnement et la force de se battre contre celui-ci, ainsi que celui du pouvoir du corps et de l’esprit (en particulier des croyances, comme ici Epps qui interprète la Bible à sa convenance). La caméra, elle, est toujours proche des corps, qu’ils soit décharnés, sexués ou violentés, mais jamais dans une approche glauque ou crasse. Si Shame et Michael Fassbender, pourtant très acclamés, ont été injustement boudés aux Oscars à l’époque, il y a fort à parier que la prochaine cérémonie répare cela. À chaque présentation en festival (Telluride puis Toronto, New-York et Philadelphie), les standing ovations, les tweets de spectateurs - parfois célèbres - bouleversés et en larmes à la sortie, et les critiques dithyrambiques ont déferlé. S’il n’a fait aucune concession, McQueen l’ancien artiste visuel a cela dit réussi à déguiser son film d’un faux académisme : photo et palette de couleurs très travaillées, réalisation on ne peut plus soignée, musique, signée Hans Zimmer, qui colle au plus près des images, acteurs connus plus pour leur talent que pour leur renommée (à part Brad Pitt, producteur du film, qui s’offre le meilleur rôle le temps de deux scènes). McQueen lisait Le Journal d’Anne Frank au moment où sa femme lui a fait découvrir 12 Years a Slave et affirme avoir tout de suite fait un parallèle entre les deux. Mais cinématographiquement parlant, dans sa description du courage d’un homme face à l’une des pires horreurs de l’humanité, 12 Years a Slave est à l’esclavage ce que La Liste de Schindler est à l’Holocauste.

par Marlène Weil-Masson

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