Thor : Le Monde des ténèbres
Thor: The Dark world
États-Unis, 2013
Avec : Kat Dennings, Idris Elba, Chris Hemsworth, Tom Hiddleston, Anthony Hopkins, Natalie Portman, Stellan Skarsgärd
Photo : Kramer Morgenthau
Durée : 1h52
Sortie : 30/10/2013
Thor se bat pour restaurer l’ordre à travers l’univers… Mais une ancienne race menée par le menaçant Malekith revient pour précipiter l’univers dans les ténèbres. Face à un ennemi auquel même Odin et Asgard ne peuvent résister, Thor doit s’embarquer dans son plus périlleux voyage jusqu’à ce jour, au cours duquel il retrouvera Jane Foster et sera contraint de tout sacrifier pour sauver l'humanité.
TORGNOLE
En 2011, Kenneth Branagh avait su convaincre une bonne partie du public avec son approche grandiloquente pour Thor, dans la direction artistique frisant le kitsch, dans la direction d'acteurs shakespearienne et en trouvant quelque chose à raconter avec cette histoire de fils préféré. Malheureusement, Thor : le monde des ténèbres ne réitère pas l'exploit. Face au dernier opus des studios Marvel, on a l'impression d'avoir affaire à un sous-Le Seigneur des Anneaux mâtiné de mauvais Star Trek, avec une intrigue qui n'est pas sans rappeler...Transformers 2. D'aucuns ont reproché, plutôt à raison, la similarité des films Marvel, programmés pour aboutir au crossover The Avengers. Une fois ce seuil passé, on espérait que les origin stories forcément redondantes cèderaient la place à des suites libres d'explorer des univers désormais exposés. Si Shane Black a remporté ce défi haut la main avec Iron Man 3, Alan Taylor, recruté sur la force des épisodes de Game of Thrones, échoue sur ce terrain, n'ayant visiblement pas trouvé d'histoire à raconter. Thor lui-même n'est pas loin d'être le personnage le moins intéressant du film, se cantonnant à être le héros d'une aventure générique avec un méchant fonctionnel qui manque cruellement d'incarnation.
Ce n'est pas un hasard si, au moment d'unir tous les héros dans un même film, c'est Loki qui fut choisi pour leur servir de rival. L'antagoniste s'impose facilement comme le meilleur méchant de la saga, tant par la caractérisation que par la performance de Tom Hiddleston, que par son statut dans l'univers global. Même dans sa première apparition, c'est le Bad Guy dont les motivations sont les plus approfondies. Ce n'est pas un simple adversaire, c'est un personnage. Et c'est le meilleur personnage ici aussi. Dès qu'il apparaît à l'écran, le film se fait plus amusant, parce que l'acteur s'en donne à cœur joie, et plus animé, parce qu'il est le seul à bénéficier d'un semblant d'arc. On reconnaîtra à ce deuxième chapitre sa tentative d'exploiter davantage les personnages secondaires. L'essai n'est pas toujours réussi (le comportement d'Odin paraît incohérent avec le film précédent, Jane Foster est réduite à un McGuffin humain) mais retenons quelques efforts louables : Frigga, mère de Thor, a un rôle plus important, Heimdall (Idris Elba) a son moment de gloire badass, et même les potes de Thor ou ceux de Jane sont plus présents...même si, pour ces derniers, on aurait préféré beaucoup moins les voir.
Une fois de plus, les passages sur Terre, s'ils ne sont pas aussi cheap que ceux du précédent, restent ce qu'il y a de plus ronflant. La volonté d'étendre l'univers, de montrer les autres royaumes, se fait ressentir, mais le récit survole tout. Même la réinterprétation que le metteur en scène fait d'Asgard, pas inintéressante dans son héritage "réaliste" de Game of Thrones - moins aérienne, plus terre-à-terre, médiévale - s'avère finalement superficielle. Taylor ne perd rien de l'iconisme de ces histoires de trône et de royaumes mais peine à incarner le tout, notamment dans les séquences à vocation émouvante qui paraissent bâclées. Dans l'action, le cinéaste s'en sort un peu mieux mais aucune scène n'est vraiment mémorable, à l'exception d'un climax au concept intéressant...même si on l'a déjà vu en mieux dans Jumper. C'est donc par moments, et en surface, que l'ouvrage parvient à être divertissant. Tout ce qui touche à l'heroic fantasy pure, comme ces deux grosses créatures, est plutôt séduisant, la direction artistique est toujours classe, et l'humour fonctionne assez bien en général. Mais on regrette que le film ne développe pas les germes thématiques pourtant présents qui auraient pu donner une œuvre avec tout le gravitas nécessaire pour transcender l'intrigue basique. À vrai dire, on ne croirait pas qu'il s'agit d'un film qui arrive après sept autres. Comparé à l'inventivité et la personnalité proposée par un Iron Man 3, Thor : le monde des ténèbres fait pâle figure pour un film de la phase II de l'univers commun Marvel et s'impose malheureusement comme le plus faible de tous.