Melancholia

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Melancholia
Danemark, 2010
De Lars von Trier
Scénario : Lars von Trier
Avec : Kirsten Dunst, Charlotte Gainsbourg, John Hurt, Charlotte Rampling, Alexander Skarsgård, Kiefer Sutherland
Photo : Manuel Alberto Claro
Durée : 2h10
Sortie : 10/08/2011
Note FilmDeCulte : ******
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À l'occasion de leur mariage, Justine et Michael donnent une somptueuse réception dans la maison de la soeur de Justine et de son beau-frère. Pendant ce temps, la planète Melancholia se dirige vers la Terre...

LE CHAOS RÈGNE

Avec son précédent film et chef d'œuvre, Antichrist, le réalisateur danois Lars Von Trier convoquait le surnaturel, visions extraordinaires, sorcières possédées, animaux dotés de parole, tout ça pour parler d'un sentiment: la culpabilité. Une culpabilité qui rendait fou le personnage de Charlotte Gainsbourg, jusqu'à ce que celle-ci s'imagine sorcière face à un mari (Willem Dafoe) monstrueusement impassible (on a une pensée encore émue pour ceux qui, à l'époque, ont accusé le film de misogynie). Melancholia, qui marche parfaitement sur les traces thématiques et stylistiques de Antichrist, jusqu'à en calquer le prologue halluciné, orchestre rien moins que la fin de toute existence, l'apocalypse sur Terre, mais c'est encore une fois de condition humaine qu'il s'agit, et ici, comme l'indique le titre, de mélancolie.

La mariée est malheureuse. Alors qu'une famille richissime organise un mariage sans prix dans un 18 trous, Justine n'a qu'un sourire de façade. Le cinéaste fait exister sa galerie de personnages en un instant, et on ne redira jamais assez à quel point, au-delà de toute polémique sur ses penchants provocateurs (ou non), il est un extraordinaire raconteur d'histoire. L'apocalypse donc. Mais dans cette soirée dorée qui s'étiole, c'est l'humour de sa série télévisée, L'Hôpital et ses fantômes, qui s'invite parfois. Justine est la reine mais Justine est en fuite, même sa limousine semble aller à la réception à reculons. Comme le chagrin coupable de Charlotte Gainsbourg dans son précédent long métrage, Lars Von Trier filme la dépression Justine, ce moment d'abdication, où le masque tombe dans toutes les dorures, portrait de famille plus acéré tu meurs. Le crépuscule est déjà là dans ce simulacre de vie, et si la mère (Charlotte Rampling, absolument ramplingnesque) a le mauvais goût de le faire remarquer, on n'hésite pas à poser ses valises hors du palais, hors de scène. Justine ne cesse d'être faible mais ce sera pourtant elle la plus forte dans cette histoire où un monde entier (une famille, la planète) s'écroule.

Revenons au prologue. Ophélie noyée, tableaux de souffrance, chefs d'œuvres de la peinture qui brûlent, le tout avec ce lustre d'étrange conte de fées qui habitait déjà Antichrist. Justine sait, et sa mélancolie lui permet d'affronter le monde de face. Le personnage de la soeur, tout aussi passionnant et interprété par Gainsbourg, d'abord fort, se révèle finalement plus vulnérable. Lars Von Trier peint avec autant d'acuité que de cruauté ces rapports complexes, dont la grandeur est accentuée par la virtuosité de la mise en scène. Certains passages laissent béats d'admiration, telle une course de chevaux filmée en plongée à travers quelques nuages de brume, un plan d'une picturalité bouleversante de Claire, défaite à la fenêtre, ou encore le dénouement, au souffle extraordinaire. Kirsten Dunst y trouve comme un double à son rôle de reine déchue dans Marie-Antoinette, une trajectoire parallèle, et lorsque le regard de Justine se fait à la fois trouble, comme endormi, et clair sur les choses, conscience aiguë, on pense au regard qu'elle jette à son époux, à la fin du film de Sofia Coppola, à l'heure où l'on sait que la vie comme la fête sont déjà terminées.

par Nicolas Bardot

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