Gemini Man

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Gemini Man
États-Unis, 2019
De Ang Lee
Scénario : David Benioff, Darren Lemke, Billy Ray
Avec : Mary Elizabeth Winstead, Clive Owen, Will Smith
Photo : Dion Beebe
Musique : Lorne Balfe
Durée : 1h57
Sortie : 02/10/2019
Note FilmDeCulte : ***---
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Henry Brogan, un tueur professionnel, est soudainement pris pour cible et poursuivi par un mystérieux et jeune agent qui peut prédire chacun de ses mouvements.

CLONE TRISTE

Imaginé en 1997 par Darren Lemke, l'idée au cœur de Gemini Man est passé entre les mains de plusieurs scénaristes, réalisateurs, acteurs, producteurs et studios avant de se concrétiser enfin maintenant que la technologie le permet. Le pitch - un assassin est poursuivi par son clone jeune - était caractéristique des high concepts qui faisait le sel des blockbusters d'action des années 90. Une décennie où chaque année semblait avoir son mètre-étalon du genre à partir d'une idée improbable : Speed (1994), Une journée en enfer (1995), The Rock (1996), Volte/Face (1997)... On pense beaucoup à ce dernier devant Gemini Man : pour le face-à-face qui traverse le film, pour la présence d'un réalisateur chinois expatrié derrière la caméra, mais surtout pour le potentiel dramaturgique derrière le postulat vaguement ridicule. John Woo avait su en tirer une réflexion sur la figure du héros chère à ses obsessions doublée d'un actioner redoutable, signant son meilleur film américain et l'un des meilleurs films de sa carrière. Malheureusement, Ang Lee ne s'en sort pas aussi bien.

Toujours dans sa phase d'expérimentation technologique après L'Odyssée de Pi, tourné sur fonds verts et déjà en 3D, et Un jour dans la vie de Billy Lynn, en 3D mais surtout en 120 images par seconde, le cinéaste paraît, au vu du résultat mais également quand on l'entend parler du film, avoir été motivé en premier lieu par le défi technique que lui a inspiré le pitch du film : faire jouer les deux rôles par un seul et même acteur. À l'inverse de bien des exemples récents, notamment dans les productions Marvel, Gemini Man ne se contente pas de rajeunir par un "lifting numérique" le visage de Will Smith. En effet, le comédien a bien interprété son propre clone jeune sur le plateau mais recouverts d'une combinaison et de marqueurs de performance capture, comme pour Gollum pour citer l'exemple le plus connu. Ainsi, le personnage de Junior est donc une création intégralement composée d'images de synthèse. Le chemin parcouru depuis la trilogie animée du pionnier Robert Zemeckis est dingue. À l'exception de quelques mouvements de bouche encore un peu bizarres et d'un épilogue bizarrement moins convaincant, ce "faux" Will Smith jeune est à 99% indissociable d'une personne réelle.

L'aspect méta que revêt cette prouesse n'est évidemment pas innocente : le clone aussi humain, si ce n'est plus - il est bien plus émotif que son double âgé - que son modèle. Toutefois, il s'agit là d'une des nombreuses ébauches de thématique que le film ne traite que superficiellement. Intégralement dénué de surprises, l'écriture déroule un récit des plus simplets sur la trahison du protagoniste par ses employeurs, la rencontre avec le clone et les conséquences attendues de celle-ci. Tardivement, le film aborde la question de la parentalité bienveillante, de l'inné vs. l'enseigné, mais, comme pour tout ce qui attrait à la psychologie des personnages, le scénario se contente de l'exposer de façon didactique et élémentaire au cours de scènes de dialogues plates.

Par ailleurs, dans ces séquences, l'utra-clarté du HFR (high frame rate, déjà pas convaincant sur les Hobbit de Peter Jackson) ne pardonne pas. Au bout du 10ème champ-contre-champ suréclairé, on se demande où réside l'intérêt des images supplémentaires par seconde. Il faut attendre l'arrivée du premier morceau de bravoure, une longue course-poursuite à pied puis en moto, pour apprécier la qualité d'immersion proposée. Jusqu'alors, on avait l'impression d'être aux côtés des personnages mais que ce fusse dans l'image ou dans l'histoire, on aurait dit du b-roll. Comme si le "réalisme" de l'image amplifiait l'inconséquence de la scène basiquement écrite. Dès que ça bouge, c'est pas la même limonade. On y est. On est accrochés aux basques du héros. On se cache avec lui derrière un mur. On est au volant de la moto. Inventif, le set-piece demeure la meilleure séquence du film. Suivront un combat plutôt réussi et une fusillade à la spatialisation bien gérée mais si le film s'anime durant ces passages, il peine à s'incarner le reste du temps. Au final, ce qui aurait pu être le nouveau Volte/Face est plutôt le nouveau Assassins.

par Robert Hospyan

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