Vincente Minnelli
États-Unis
Du nom Minnelli, on ne garde souvent en tête que l’image d’une Liza en porte-jarretelles sur un fond fané de Gene Kelly dansant dans les ruelles parisiennes. Pourtant, derrière ces solos et pas de deux merveilleux qui s’estompent, se cache l’homme qui a révolutionné la comédie musicale et l’utilisation des décors et éclairages dans le cinéma classique américain. Esthète, artiste en avance sur son temps, Vincente Minnelli a touché à tous les styles, lançant des pistes dans toutes les directions, avec pour seule trame de fond un amour inconditionnel du détail et des arts plastiques. Une œuvre de trente-quatre films a priori hétéroclites qui pourtant se répondent, s’entrecroisent, s’emboîtent comme les pièces d’un puzzle.
QUE LE SPECTACLE COMMENCE
Chicago, 28 février 1903, le rideau se lève sur le nouveau venu d’une troupe de musiciens ambulants. Tels Séraphin et Tony, les Minnelli Brothers vadrouillent de villes en villes, distillant leurs chansons et pièces de théâtre. C’est à l’âge de trois ans que Lesther Anthony (qui prendra plus tard le nom italianisé de son père, Vincente) fait ses débuts sur les planches. Il est le Little Winnie de East Lynne mourant dans les bras de sa propre mère qu’il rassurera devant les yeux des spectateurs hilares en lui signifiant que ce n’est qu’une pièce de théâtre. Dès lors, le jeune Les ne cessera de mélanger l’imaginaire et le réel dans chacune de ses prestations et créations. En 1915, la famille décide de se sédentariser et s’installe à Delaware. Une idée qui ne plaît guère au jeune garçon qui se met à voyager au travers de ses lectures et des peintures qu’il réalise. Parallèlement à sa scolarité, il se fait embaucher comme assistant peintre d’un constructeur de panneaux publicitaires qui lui apprend les astuces de la composition picturale. Son Bac en poche, il déménage chez sa grand-mère à Chicago pour essayer de faire reconnaître ses talents de plasticien. Dès son arrivée dans la ville, il s’inscrit à l’institut d’arts et commence à diffuser ses planches à dessin. Le grand magasin Marshall Field’s s’intéresse à lui, il est engagé comme assistant étalagiste. Vincente perfectionne son sens de la composition. Il fréquente également assidûment le milieu du spectacle et se fait peu à peu connaître comme dessinateur et caricaturiste de talent, si bien que le théâtre de Chicago lui propose un poste de costumier. L’engrenage est en route.
BEAU FIXE SUR NEW YORK
Les directeurs de la salle, Balaban et Katz, voyant naître sous les doigts de Vincente de réelles merveilles, lui proposent de partir pour New York où la place de costumier du théâtre Paramount vient de se libérer. 1931, le voici sur Broadway, devant alimenter en plumes et paillettes un spectacle par semaine. Installé dans Greenwich Village, le quartier des artistes d’alors, il côtoie régulièrement Oscar Lavant et les Gershwin et reçoit régulièrement, grâce à ses nouveaux contacts, des commandes de décors et illustrations. En 1932 le Paramount lui confie, en plus des costumes, la réalisation des décors de leur nouvelle grosse production, Vanities. Un poste de décorateur à part entière qu’il ne pourra garder que quelque mois, se voyant licencier par le théâtre pour restriction budgétaire. Mais qu’importe, Vincente a des relations bien placées et cette mise au chômage lui permet de décrocher en décembre 1933 la place de chef décorateur puis de directeur artistique du majestueux et mythique Radio City Music Hall. Il réalise les décors de La Nuit de Shéhérazade qui émerveillent le public par leur audace et écope par la même occasion de la régie lumière du théâtre. Son travail à ces postes clés va être unanimement reconnu, aussi bien par les professionnels que par la critique. Le nom de Minnelli est sur toutes les lèvres de l’artère new-yorkaise, il est devenu l’artiste à la mode, le spécialiste de la modernité. 1934. Le succès aidant, le peintre bohème fils de forains prend des allures de dandy et déménage sur la 52ème rue dans le Theatre District.
Le Radio City Music Hall lui propose de monter ses propres spectacles à raison d'un par mois. Une série qui sera inaugurée par Coast to Coast, une oeuvre au scénario itinérant et aux décors rendant hommage au peintre Raoul Duffy qui annonçaient déjà les prémices du ballet final d'Un Américain à Paris. L’année suivante, Lee Shubert lui commande trois shows à réaliser en dix-huit mois avec une liberté artistique totale. Minnelli quitte alors le Radio City et relève le défi en créant les trois énormes succès que seront At Home Abroad, Ziegfeld Follies 1935 et The Show Is On. Les critiques sont dithyrambiques, le metteur en scène est au sommet de son art. Les sirènes hollywoodiennes jouant de leurs charmes, il s’embarque pour la côte ouest en 1937 sous contrat pour la Paramount. Mais sous-exploité et titillé par les nouvelles sollicitations de Lee Shubert, il rentre à New York quelques mois plus tard après avoir racheté son contrat. Le projet que lui propose le producteur new-yorkais est alléchant: monter en trois mois une pièce basée sur un argument écrit par Yip Harburg. Sorti en décembre 1937, Hooray for What marche très bien. Dans l’élan, Minnelli se replonge dans l'un de ses vieux projets de ballet surréaliste intitulé The Light Fantastic, les réponses des acteurs traînent. Il est contacté pour mettre en scène "Serena Blandish" au casting uniquement composé de stars du Cotton Club sur une musique de Cole Porter, mais l’aventure trop coûteuse avorte. Broadway a changé. En 1939, il rencontre son premier flop avec Very Warm for May, il est grand temps pour lui de faire ses valises.
WEST SIDE STORY
Quand Vincente Minnelli débarque à Hollywood pour la première fois en 1937, le comité d’accueil de la Paramount qui l’attend à l’aéroport de Pasadena et son contrat de 2 500$ par semaine n’est que poudre aux yeux. Relégué dans un petit bureau avec scénariste attitré, il est devenu l’un des maillons de la politique de concurrence des studios qui se résume à acheter de nouveaux talents, quel qu’en soit le prix, pourvu qu’ils ne tombent pas entre les mains d’une autre firme. Une attitude qui avait quelque peu écœuré et blessé le metteur en scène dans son amour propre. En 1940, lorsque Arthur Freed fait sa connaissance à Broadway, la donne a changé. En dépit du peu d’argent que lui propose la M.G.M., il se voit offrir une liberté totale, le studio lui permettant de choisir les projets sur lesquels il veut collaborer, de faire des propositions et de mettre en scène certains morceaux musicaux. Minnelli quitte les planches new-yorkaises pour les plateaux du Lion. Il partage son appartement avec le directeur musical Eddie Powell qui lui apprend les rouages de la firme et prend des cours accélérés de mise en scène. On lui propose rapidement de régler certains des numéros musicaux de Lena Horne qu’il avait dirigé à New York, puis Arthur Freed l’appelle en renfort sur certains tournages comme En avant la musique (1940), Débuts à Broadway (1941), Panama Hattie (1942) ou La Parade aux étoiles (1943). Le producteur n’a qu’une idée en tête: imposer son protégé comme réalisateur à part entière.
Il arrive ainsi à décrocher les droits de l’adaptation de la pièce Un petit coin aux cieux, qui permettrait à Minnelli de réaliser enfin son grand projet d’une comédie musicale interprétée uniquement par des acteurs noirs. Le budget alloué par L.B. Mayer à ce projet est très moyen, mais il laisse cependant à Freed et Minnelli une grande liberté. Le réalisateur s’en donne à cœur joie, il impose sa propre vision des décors et ajoute une touche très réaliste à l’ensemble, permettant de faire ressortir très habilement les séquences surréalistes de conversation avec anges et démons. Il se réapproprie certains thèmes qu’il développera plus tard dans sa carrière, comme la révélation de la véritable nature des protagonistes ou la possibilité pour les rêves d’être également d’horribles cauchemars. En mai 1943, la Minnelli's touch s’empare des écrans. Il est alors propulsé sur une commande qui ne l’intéresse guère, un remake sous forme de comédie musicale de Spite Marriage intitulé Mademoiselle ma femme. Il expédie l’affaire en quelques mois, étant bien plus attiré par le nouveau projet qu’Arthur Freed lui a dégoté, Le Chant du Missouri. Il travaille d’arrache-pied sur le scénario, les décors et les costumes, se bat aux côtés de son compère pour convaincre Judy Garland d’intégrer le casting. Le tournage traîne et prend des allures chaotiques, mais le film qui en ressort en mars 1944 est flamboyant. Un grand bond en avant dans la carrière du réalisateur qui signe son premier chef-d’œuvre, mais également dans sa vie privée puisque cette œuvre marque le début de sa romance avec l’actrice Judy Garland.
Filmographie sur FilmDeCulte
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1976 Nina 1970 Melinda 1965 Le Chevalier des sables 1964 Au revoir Charlie 1963 Il faut marier papa 1962 Quinze jours ailleurs 1961 Les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse 1960 Un numéro du tonnerre 1959 Celui par qui le scandale arrive 1958 Comme un torrent 1958 Qu'est-ce que maman comprend à l'amour? 1958 Gigi 1957 La Femme modèle 1956 Thé et sympathie 1956 La Vie passionnée de Vincent Van Gogh 1955 Un étranger au paradis / Kismet 1955 La Toile d'araignée 1954 Brigadoon 1953 Le Roulotte du plaisir 1953 Tous en scène 1953 Histoire de trois amours 1952 Les Ensorcelés 1951 Allons donc, papa! 1951 Un Américain à Paris 1950 Le Père de la mariée 1949 Madame Bovary 1948 Le Pirate 1946 Lame de fond 1946 La Pluie qui chante (uniquement les séquences de Judy Garland) 1945 Yolanda et le voleur 1945 L’Horloge 1945 Ziegfeld Follies 1944 Le Chant du Missouri 1943 Mademoiselle ma femme 1943 Un petit coin aux cieux