Paul Schrader

Paul Schrader
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Réalisateur, Scénario
États-Unis

Scénariste de renom, notamment grâce à ses collaborations avec Martin Scorsese, Paul Schrader est aussi un cinéaste qui ne saurait être négligé. Son œuvre méconnue reflète en effet des obsessions déjà visibles dans son travail d’écriture. Une cohérence thématique qui la rend particulièrement intéressante, surtout lorsqu’on la replace dans son contexte d’origine.

JEUNE PROTESTANT

Un industriel à la très stricte morale calviniste qui, pour retrouver sa fille disparue, se plonge corps et âme dans le milieu de la pornographie en mettant de côté ses principes rigides. Un acteur de sitcom, grisé par le succès, menant une vie de débauche, qui s’enfonce lui aussi dans la pornographie, perd sa famille et ruine sa carrière. Ces deux pitchs sont ceux de Hardcore (1979) et de Auto-Focus (2002), le second semblant être la réponse au premier, film souvent considéré comme réactionnaire. À tort, car là où un réalisateur comme Joël Schumacher fait un film nauséabond (8 mm, qui est le quasi-remake de Hardcore), Paul Schrader en tire quelque chose de beaucoup plus subtil. Car Schrader n’est pas un moraliste au sens classique du terme. Il ne cherche pas comme d’autres à dénoncer débauche et comportements déviants. Il éprouve plutôt une étrange fascination, parfois assortie d’une apparente condamnation, pour toutes les formes de pratiques libertaires et de vices. Voilà tout l’intérêt de la démarche du réalisateur, dont l’origine est bien évidemment liée à son éducation et à son origine sociale. Paul Schrader a en effet grandi dans une famille protestante à la morale particulièrement rigide. Scolarisé dans un lycée calviniste où la théologie était enseignée, ses parents ne l’ont laissé voir son premier film qu’à l’âge de 18 ans. Les années hippies sont donc pour Paul Schrader, né en 1946, loin d’être synonymes de liberté et d’abus divers. Plutôt génération Nixon que Easy Rider en somme. Ces années sont pourtant celles de la découverte du cinéma, qui lui offre la liberté et l’ivresse que son éducation ne lui a pas permis de connaître.

PERE SEVERE

Motivé par la critique Pauline Kael, le jeune Schrader s’installe à Los Angeles pour étudier le cinéma à l’université UCLA. Particulièrement intéressé par le travail de Bresson, Ozu et Dreyer, sur lesquels il publie un ouvrage en 1972, il devient aussi critique de films. Parallèlement, il écrit des scénarios, mais ne parvient à vendre son premier qu’en 1975: The Yakuza est co-écrit avec son frère Léonard, spécialiste du Japon, et Robert Towne. Et c’est le jackpot: il tire 325 000 $ de cette histoire d’Américain aux prises avec la mafia japonaise. Malgré l’échec du film de Sydney Pollack, Schrader devient l’un des scénaristes en vue de Hollywood. Taxi Driver (1976), script qu’il avait écrit au début des années 1970, pendant une période de vaches maigres et de dépression, devient immédiatement un film culte. Sa collaboration avec Martin Scorsese fera des étincelles, les deux signant ensemble Raging Bull (1980), La Dernière Tentation du Christ (1988) et À tombeau ouvert (1999). Dans le même temps, Paul Schrader débute une carrière de cinéaste, avec le très convaincant Blue Collar (1978), qui se déroule dans l’univers du syndicalisme ouvrier. Son film le plus autobiographique est bien entendu Hardcore (1979). Le personnage principal, fabuleusement incarné par l’immense George C. Scott, est un calviniste de Grand Rapids, la ville natale de Schrader. Difficile de ne pas y voir la figure d’un père autoritaire en celle de James Coburn, oscarisé en géniteur indigne dans Affliction (1997), ou encore dans l’anecdote incessamment narrée par Christopher Walken dans Etrange Séduction (1990).

PAS TRES CATHOLIQUE

Mais ce qui l’intrigue avant tout, ce sont ces "déviances" qui affectent la vie de couple ou de famille: imagerie érotique très années 1980 dans La Féline (1982), remake clipesque du film de Jacques Tourneur; prostitution avec American Gigolo en 1980; pornographie de Hardcore à Auto-Focus; homosexualité avec Mishima (1985), remarquable portrait de l’écrivain japonais; échangisme dans Etrange séduction; drogues et trafics dans Light Sleeper (1992). Les destinées de ces personnages oscillent sans cesse entre déchéance et rédemption, thématique très scorsesienne s’il en est. L’art de Paul Schrader est de trouver les histoires qui le motivent, puisqu’il s’est au fil des années spécialisé dans les biographies de personnalités hors normes et les adaptations de romans des plus grands écrivains (Elmore Leonard, Russell Banks…) dont il arrive à extraire le meilleur. Mais Schrader est aussi un grand directeur d’acteurs. Il a su diriger à la perfection des comédiens atypiques comme Christopher Walken ou Willem Dafoe. L’avenir? Après la sortie de Auto-Focus, Paul Schrader sera aux manettes du quatrième avatar de L’Exorciste. Il sera particulièrement intéressant d’observer comment le cinéaste va marquer une entreprise éminemment commerciale de son empreinte.

par Yannick Vély

En savoir plus

2002 Auto-Focus 1999 Les Amants éternels 1997 Affliction 1997 Touch 1994 Chasseur de sorcières (TV) 1992 Light Sleeper 1990 Etrange Séduction 1988 Patty Hearst 1987 Light of Day 1985 Mishima 1982 La Féline 1980 American Gigolo 1979 Hardcore 1978 Blue Collar

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