Alfonso Cuaròn

2006: une révolution au Mexique? Au 59e Festival de Cannes triomphent Babel d'Iñàrittu (prix de la mise en scène) et Le Labyrinthe de Pan de Del Toro (ovation méritée du public). Alfonso Cuaròn, qui a produit ce dernier et est ami avec le réalisateur du premier, peut être heureux; une nouvelle vague de réalisateurs surdoués venus de l’autre côté du Rio Grande débarque légalement à Hollywood.

CES CITOYENS DU MONDE

Loin de rester à regarder ce qui se passe à l’intérieur de leurs frontières, ces réalisateurs ont cherché à ouvrir leurs horizons. Guillermo Del Toro de filmer les troubles du milieu du siècle dernier en Espagne ou d’adapter des comics américains (Blade II et Hellboy). Iñàrittu de filmer le monde et les conséquences de ses rouages implacables dans Babel tandis que Cuaròn s’envole de l’autre côté de l’Atlantique pour y adapter des figures de la littérature anglaise, PD James, Dickens ou Rowling. Créatif, indépendant et imaginatif, le réalisateur mexicain formé à la philosophie et au cinéma à l’université de Mexico se fait la main – outre ses premiers courts métrages – en travaillant sur divers tournages comme directeur de la photo ou assistant réalisateur. On le retrouvera entre autres sur le plateau d’un film d’Arielle Dombasle réalisé au Mexique. Puis, décidé que le menu fretin ne payait pas, il se lance dans son premier opus en 1991: Sòlo con tu pareja, qui impressionne suffisamment Sydney Pollack pour qu’il lui propose de réaliser un épisode de sa mini série hommage aux films noirs: Perfect Crimes (Fallen Angels en VO), remarquable également pour avoir connu un épisode réalisé par Tom Cruise. Quatre ans plus tard, il réalise son premier film américain, La Petite Princesse, tiré de l’œuvre de Frances Hodgson Burnett, qui avait déjà traumatisé toute une génération d’enfants au travers du dessin animé Princesse Sarah. Ce fut également ce film qui rassura J.K. Rowling sur la capacité de Cuaròn à filmer l’enfance et sa cruauté. Il s’attela ensuite à réaliser une version contemporaine et américanisée du classique de Dickens, De grandes espérances, loin de la version de David Lean.

PAS DE PRISONNIER

Cuaròn se fait remarquer en France en 2001 avec Y tu mamà también, premier film mexicain du réalisateur depuis dix ans. Il confirme le talent de Gael Garcia Bernal, révélé par les Amours chiennes d’Iñàrittu l’année précédente. On y découvre un auteur engagé, aérien et puissant, qui commence également à produire ses films et ceux de ses amis. Les lumières de la renommée seront par la suite toutes braquées sur lui lorsqu’il est choisi pour succéder au fadasse Chris Columbus pour réaliser le troisième volet de la saga Harry Potter. Les histoires du petit sorcier décollent enfin lorsque la mise en scène s’affranchit de la lourdeur d’une adaptation trop rigoureuse. Le film est avidement critiqué par les fans mais connaît un certain succès critique. Puis, comme une parenthèse enchantée, Cuaròn est recruté pour réaliser l'un des courts métrages du film collectif Paris, je t’aime et signe en un simple plan séquence, un dialogue entre un père américain et sa fille française. Attendu après la démonstration de ses talents sur Harry Potter, Cuaròn reste en Angleterre avec le désespéré Les Fils de l’homme, qui montre une fois de plus sa virtuosité avec l'histoire d’une humanité en prise avec une stérilité mondiale inexpliquée. Le film, déjà célèbre pour ses plans-séquences hallucinants, n’a malheureusement pas connu le succès public escompté malgré une critique dithyrambique. Le réalisateur retournera au Mexique pour son prochain film dont la pré-production vient de débuter.