Dans notre société où la consommation est reine, les produits dérivés de films sont devenus les objets d’une véritable industrie parallèle. Parties intégrantes de la promotion cinématographique, ils répondent à une stratégie commerciale bien étudiée mélangeant satisfaction du public et enrichissement des majors. Hauts en couleur, s’adressant à toute tranche d’âge et proposant des personnages sympathiques et attachants, les dessins animés Pixar sont des sources d’inspiration parfaites pour la création de tels accessoires. Portés par la maison mère Disney, Buzz, Woody, Tilt, Jessie, Sulli, Bob, Bouh, Nemo, Marin, Dory, la famille Indestructible et leurs amis s’affichent sous les formes les plus diverses sur les étagères des magasins spécialisés et des grandes surfaces. Voyage dans le temps et tour d’horizon au pays du plastique et des peluches.


LE MODELE DISNEY: DE L’ART DE PLAIRE AUX ENFANTS

Si le 21ème siècle n’imagine pas le paysage cinématographique sans un seul de ces fameux produits dérivés, il est intéressant de noter que ces petites bestioles n’existent sous leurs formes actuelles que depuis le crépuscule des années soixante dix. Si l’on remonte dans le temps, les premières traces de collectionnite aiguë concernant le milieu du spectacle datent des années vingt. A cette époque charnière pour l’industrie cinématographique qui a vu l’avènement du sonore et du parlant, la tendance est à l’imitation des vedettes. Il faut avoir la même coiffure, le même chapeau, les même bas que les acteurs que l’on admire sur grand écran. Les industries textiles et les coiffeurs emboîtent le pas, créant des lignes d’habits "à la Rudolph Valentino" et autres idoles de l’époque. Ce phénomène de mode copié sur les stars se retrouvera périodiquement au cours des grandes étapes de l’histoire du cinéma. Dans le même laps de temps, Walt Disney sort ses premiers courts métrages. Le cinéma touche enfin les enfants. Avant même que Mickey prenne vie (en 1928), la nouvelle amie des bambins est une jeune fille du nom d’Alice qui, de 1923 à 1927, voyage dans des univers de dessins animés et dont les petites affichettes s’arrachent chez les marchands de journaux. Le père de l’animation sonore et colorée va ainsi développer et garder le monopole des produits dérivés destinés aux enfants pendant plus de cinquante ans, principalement sous la forme de jouets et livres d’images à l’effigie de ses personnages.


Dix ans après cette mise en place de l’industrie enfantine à l’effigie des stars Disney, la firme met à profit cette politique pour son premier long métrage animé, Blanche Neige (1937) et se voit emboîter le pas par la MGM. En 1939, alors que sort sur les écrans du monde entier leur grand film destiné à un jeune public, l'adaptation du Magicien d’Oz, les studios du lion rugissant profitent de la renommée du conte pour mettre sur le marché bons nombres de produits dérivés dont les tous premiers T-shirts arborant des personnages de cinéma, et font faire un grand bond à cette industrie parallèle. Fort du succès des flockages de Dorothy (pour les petites filles) et de ses comparses du pays d’Oz (pour les petits garçons), la MGM applique la recette à son tout nouveau département animation. Le format court métrage et l’idée de personnages récurrents comme l’avaient été Alice, puis Mickey, Minnie, Donald, Winnie et ses amis pour Disney, leur permet de développer un marché de T-shirts, petits livres et affiches mettant en scène Droopy, Tom et Jerry et toute la bande Tex Avery. Mais l’aspect beaucoup plus adulte et ironique de ces dessins animés va les contraindre à abandonner à perte cette politique et à s’orienter principalement vers les objets de collection édités à peu d’exemplaires. En 1958, la MGM et Droopy tirent leur révérence et mettent fin à un marketing de luxe et de qualité qui ne ressortira de la gueule du lion qu’au cours des années soixante avec le succès de la franchise James Bond.


LE RELAIS DU PETIT ECRAN

Une seconde vague voit le jour à la fin des années cinquante, début des années soixante, avec l’avènement de la télévision grand public et des séries à personnages récurrents. Les principaux shows sont des westerns comme Maverick (1957 – 1962) ou Rawhide (1959 – 1966) qui s’adressent aux adultes et adolescents et proposent une quantité de memorabilias: des vinyles reprenant les airs de leurs cowboys favoris aux chapeaux et bottes à éperons, en passant par les tirelires et autres contenants fantaisistes. Magnifique clin d’œil de Pixar qui va s’inspirer de ces objets pour constituer la remarquable collection d’Al autour de la série Western Woody dans Toy Story 2. Mais, malgré ce fort engouement pour le produit dérivé télévisuel, l’industrie cinématographique reste très peu productive. Hormis Disney, qui développe peu à peu de nouvelles idées toujours dirigées vers les enfants, et les objets de collection James Bond édités par la MGM, les autres grandes majors se contentent, elles, de mettre en vente occasionnellement certaines affiches et photos dédicacées lorsqu’un film promet un beau casting composé de stars de renommée internationale. Le principal problème que représentent les produits dérivés à cette époque est leur temps de fabrication. Il faut au minimum dix-huit mois pour concevoir, usiner et distribuer de tels objets, qui arrivent sur le marché, dans le meilleur des cas, lorsque le film est en fin de carrière. Il faudra attendre la fin des années soixante-dix et George Lucas pour qu’une telle industrie ne soit plus considérée comme un luxe.


JE SUIS TON PERE

En 1973, après le succès d’American Graffiti, Lucas négocie son contrat avec la Fox pour son film à venir, La Guerre des étoiles. Sa demande principale porte sur les droits concernant une suite éventuelle et tous ceux afférents aux produits dérivés. Compte tenu du contexte commercial, la major accepte sans sourciller. Le réalisateur déclare: "Je veux faire le film le plus conventionnel qui soit: un Disney. Les Disney rapportent toujours 16 millions de dollars, mon film va donc rapporter 16 millions de dollars. Il en coûtera dix. Mais on se fera une bonne marge sur les produits dérivés". Lorsque le film sort en 1977, Lucas tape dans le mille. Pour un coût total de 11,5 millions de dollars, promotion comprise, sa mythologie créée de toutes pièces empochera 100 millions de dollars en seulement trois mois – une somme faramineuse pour l’époque – et écoulera plus de deux millions d’exemplaires de la novélisation du film. En 1997 lors de sa ressortie, la vente de la licence Star Wars rapporte près de trois milliards de dollars. La recette est simple: faire un film familial basé sur le visuel, le rythme et l’émotion, laissant la porte ouverte à l’imagination. Avec La Guerre des étoiles, Lucas a inauguré l’ère du merchandising moderne et des produits dérivés comme outils de promotion. Il est l’homme qui a permis aux studios de réaliser que cette politique pouvait être une source de profit presque aussi importante que les recettes du film.