Pour beaucoup, le phénomène Pixar a débuté en 1995 avec la sortie en salles de Toy Story, premier long métrage d’animation en 3D. Le studio n’a pourtant cessé de tâtonner, d’expérimenter et d’innover pendant ses années d’apprentissage. En réalisant une série de courts métrages pimpants, emplis d’abeille, de poupon, de jouet, de lampe et de bonhomme de neige, John Lasseter a montré la voie aux artisans de Pixar et imposé un langage convivial, éloquent, immédiatement attachant. L’ordinateur peut désormais se plier à toutes les exigences; Lasseter greffe des sentiments humains à des figures géométriques, les habille d’une histoire et leur infuse une merveilleuse dimension poétique. La relève exaltée (Pete Doctor, Jan Pinkava, Ralph Eggleston) promet déjà de belles étincelles.


L'HOMME-ORCHESTRE
One Man Band
Etats-Unis, 2005
Mark Andrews, Andrew Jimenez
Scénario: Mark Andrews, Andrew Jimenez
Durée: 4 min


Une petite fille s’apprête à faire don de son unique pièce d’or. Mais à qui? A la fontaine impassible qui, par tradition, peut exaucer tous les vœux? A l’homme-orchestre de droite muni d’un tuba et d’une grosse caisse? Ou à l’homme-orchestre de gauche, virtuose du violon? Mark Andrews, déjà scénariste de Baby-sitting Jack Jack, et Andrew Jimenez, technicien accompli de Monstres & Cie, du Monde de Nemo ou des Indestructibles, réalisent l’un des meilleurs (et plus hilarants) courts métrages de la maison. Parfaitement dosé, d’une formidable précision rythmique et tactique, L’Homme-orchestre ressuscite la figure maîtresse de Pixar: le bambin, le chérubin, le petit ange ou la petite vermine pas plus hauts que trois pommes. Tin Toy était l’ancêtre de Jack-Jack (Les Indestructibles), Couette (1001 Pattes) et Bouh (Monstres & Cie), le Petit Chaperon anonyme de Jimenez et Andrews ne déçoit pas et ne demande qu’à faire fondre les cœurs taillés dans le roc. Le point d’orgue est d’anthologie. Incapable de trancher, absorbée par la rivalité des deux musiciens, la gamine perd malencontreusement sa pièce. La faute à qui? Les gags se précipitent et le coup de théâtre relève du génie. Sans la moindre ligne de dialogue, L’Homme-orchestre remplit divinement sa mission d’amuseur public.

Danielle Chou



BABY-SITTING Jack Jack
Jack-Jack Attack! Etats-Unis, 2005
De Brad Bird
Scénario: Brad Bird, Mark Andrews, Rob Gibbs, Teddy Newton, Bosco Ng
Durée: 5 min


On en avait déjà eu un aperçu dans Les Indestructibles via les messages laissés sur le répondeur d'Helen Parr. Baby-sitting Jack-Jack nous livre la version non expurgée des aventures de Kari, la baby-sitter en charge du petit dernier de la famille Indestructible. Le principe est d’une simplicité enfantine: comment le petit Jack-Jack, bébé de son état, apparemment normal - si on oublie la houppette en point d'interrogation - a découvert ses super pouvoirs et comment la jeune ado en a fait les frais. Feu, glace, téléportation, lévitation erratique, rayons de la mort, tout y passe. Ses parents craignaient qu’il soit normal, né sous le signe de l'évolution et de l'interdiction des super pouvoirs, obligé par la nature de cacher ce qui le différencierait des autres. Il n'en est rien. Bébé, il ne maîtrise pas ses pouvoirs qui s'expriment dans l'anarchie la plus totale, pour le seul plaisir de faire tourner en bourrique sa baby-sitter, qui aimerait bien comprendre ce qui lui arrive. Jubilatoire, le court, présent sur le DVD des Indestructibles, s'avère être un complément rigolo du long métrage de Brad Bird, jouant à fond la carte de la famille dysfonctionnelle. Et ça lui va plutôt bien.

Nicolas Plaire



SAUTE-MOUTON
Boundin'
Etats-Unis, 2003
De Bud Luckey et Roger Gould
Scénario: Bud Luckey
Durée: 4'30 min


Ambiance country et invitation à la danse avec ce neuvième court métrage Pixar. Mettant en scène un magistral mouton rose et blanc, honteux d’avoir perdu sa tonsure, et un jackalope monté sur ressorts, prompt à ragaillardir tous les êtres dépressifs, le film revisite l’univers du Middle-West américain, ses sheep-boy, ses vastes paysages. Musique enregistrée dans les célèbres studios country de Nashville, danses de saloon reprises en chœur par des chiens de prairie et un hibou farceur, petit canyon et végétation aride, voix off grave égrenant de façon monotone quelques rimes narrant l’histoire de notre quadrupède bondissant. Ecrit, réalisé, interprété, mis en musique et produit par Bud Luckey (dessinateur et character designer sur les quatre premiers longs métrages des studios Pixar ainsi que voix de l’agent Rick Dicker dans Les Indestructibles), cette partie de saute-mouton reste relativement anecdotique par rapport aux autres courts de la maison. Cependant, son côté atypique, ses textes savoureux et sa bonne humeur communicative lui auront permis de récolter un Annie et une nomination à l’Oscar du meilleur court métrage animé en 2004;

Julie Anterrieu