Après l’énorme phénomène de société qu’a été la sortie du Batman de Tim Burton en 1989, Les Tortues Ninja sont devenues, juste après, le centre d’intérêt majeur de toute une génération de geeks. Déjà stars de l’univers des comics (contre toute croyance, ellessont l’œuvre de Kevin Eastman et Peter Laird, et non d’auteurs asiatiques), ces quatre créatures vertes tout droit sorties des égouts de New York avaient tout à gagner en passant du papier au celluloïd. En cas de transposition ratée, les fans auraient simplement crié à l’hérésie et seraient restés fidèles à leur bande dessinée alors qu’en cas de
 
retranscription réussie, les dollars pleuvraient sur le studio grâce aux produits dérivés. Et voilà que quelques scénaristes chevronnés et un réalisateur ambitieux plus tard, ces quatre ninjas des temps modernes trouvent le moyen de se faire connaître du monde entier au point de devenir une référence culturelle. Car en respectant le matériau de base sans jamais vraiment porter atteinte à l’œuvre originale (quoique la violence latente de la BD soit vraiment édulcorée), Langen, Herbeck et Barron accouchent d’un film à l’image bien plus sombre et aux dialogues bien plus vulgaires qu’il n’y paraît (chose qui ne serait plus envisageable à notre époque). Rien que pour ces intentions, le mérite est déjà grand. De plus, au travers de ces stéréotypes à carapace (l’ingénieur, le rebelle, le chef de meute, le comique) réunis autour d’une femme et des pizzas, les scénaristes et le réalisateur nous placent quelques grandes lignes de valeurs comme la dignité, l’héritage ("tous les pères se soucient de leur fils" nous
 
affirme une réplique récurrente) et le sens du devoir, sous couvert d’une simple histoire de gentils et de méchants. Et comme le public type visé, les tortues ne restent qu’une bande d’ados qui s’amusent avant tout. Malin non? De ce fait, l’opération marketing est profiteuse (d’un budget de 13 millions de dollars, le studio récolte la bagatelle de 135 millions de dollars rien qu’aux Etats-Unis), le dessin animé cartonne et deux suites complètement dispensables sont mises en chantier pour sortir coup sur coup en 1991 et 1993. Mais là, c’est une autre histoire.