Pour ceux qui ne connaî- traient pas les particularités du Punisher version papier, imaginez un mélange de L’Inspecteur Harry (ses premières apparitions le montrent même croqué à la Clint Eastwood) et Paul Kersey (héros de la série Un justicier dans la ville avec
 
Charles Bronson), qui ne fait ni dans la dentelle ni la demi-mesure, une sorte de côté sombre d’un Batman qui aurait franchi la frontière de la paranoïa et de l’intégrité. Vigilante qui préfère l’efficacité d’une bastos en pleine tête plutôt que le combat à mains nues, livré avec d’intermina- bles dialogues, cet ancien du Viêt-Nam applique d’abord le droit de tuer afin d’en finir avec la pègre qui a assassiné sa famille, puis use de sa justice expéditive pour mieux exterminer la vermine qu’il croisera sur son passage et qui gangrène son pays. Bref, un beau anti-héros très bor- derline qui aura au départ beaucoup de mal à trouver un camp (super héros ou super méchant?) chez les lecteurs.
 
Et pour celui qui n’était d’abord qu’un second cou- teau et/ou cheveu sur la soupe de la série Spider-Man, l’essor de la politique ultra libérale de Reagan dans les années 80 et la période de guerre froide qui l’entoure font du justicier un utilisateur de la violence contre la violence, à qui chacune des séries offre un lot de cadavres conséquent (Marvel lance seulement la première série officielle et régulière consa- crée au personnage en 1987, alors que sa création date tout de même de 1974. Cette série sera sui- vie par deux franchises régulières: Punisher War Journal et Punisher War Zone).


Voici pour la genèse du personnage et son évolu- tion. Car de la création de Gerry Conway, Mark Gold- blatt (l’un des monteurs les plus efficaces/populaires de Hollywood, à qui l'on doit aussi la réalisation du fen- dart Flic ou Zombie) et sur- tout Boaz Yakin, ne gardent qu’une version édulcorée tout juste cynique et cin- glante, où la violence, trop peu démonstrative pour être choquante et respectueuse du support original, ne s’ex- prime pas vraiment de la manière la plus brute qui soit, le côté radical du per- sonnage ne s’appliquant que par le regard sombre (quel joli maquillage !!!) de Dolph Lundgren et les "pu- nitions" frôlant le ridicule (après tout le film contient moins de violence que dans un actionner typique de Sly
 
ou Schwarzy). Du coup, se re- trouver avec un film quasi tout public pour un person- nage pourtant si "adulte" tient plus de la mauvaise blague qu'autre chose. Certes, en l'ami Dolph, on reconnaît au moins le côté monolithique et froid (de là à dire qu’on a du mal à trouver une franche ex- pression dans son regard…), mais le voir revêtir l'accoutre- ment d'un biker tout en cuir (ultime symbole macho et viril?) pour aller délivrer des enfants retenus en otage (on ne dira pas qu'ils sont inno- cents puisqu'ils sont quand même la progéniture des familles de la mafia locale donc tant pis pour eux) par une bande de Yakusas trop stéréotypés pour êtres honnê- tes et bien décidés à faire main basse sur le crime or- ganisé de la ville, fait plus passer notre équarrisseur des
 
temps modernes pour un gentil bougre solitaire que pour le réel punisseur, dur et tatoué qu'il est censé être. C'est à croire que le seul châtiment du film, qui faisait déjà pâle figure à sa sortie et qui a encore plus mauvaise mine aujourd’hui, se définit juste par le fait de l'infliger aux spectateurs.