Après qu'une ancienne trêve établie entre le genre humain et le royaume invisible des créatures fantastiques est rompue, l'Enfer sur Terre est prêt à émerger. Maintenant, il est temps pour le super héros le plus indestructible et le plus cornu de la planète de combattre un dictateur sans pitié et ses légions. Il peut être rouge, il peut avoir des cornes, il peut être mal compris, mais si vous voulez que le travail soit bien fait, appelez Hellboy.




Comme nombre de réali- sateurs, Guillermo del Toro a ce chic pour alterner les blockbusters et les petits films, imposant sa patte avec plus ou moins de réus- site dans les deux registres. Cependant, la question a toujours été de savoir s’il lui était possible d’allier le charme de ses films hispa- niques personnels avec le divertissement de ses gros- ses machines hollywoodien- nes. En 2004, avec Hellboy,
 
le cinéaste s’adonnait à un premier essai dans ce sens et si le film s’avérait satisfai- sant, l’expérience n’était pas la plus aboutie. L’adaptation semblait manquer d'aisance dans l'application de certaines conventions. Le personnage de John Myers, créé de toutes pièces pour le film afin de proposer un identifiant pour le spectateur, en est sympto- matique. En effet, Del Toro essayait de lui donner un intérêt avec une espèce de triangle amoureux ne prenant jamais forme et qui ne sert qu’à souligner le choix final de Liz (accepter d'aimer un freak et donc assumer sa part de freak). Malgré ces efforts, on vit trop le film par pro- curation au travers de ce per- sonnage peut-être dispensa- ble. Globalement, c'est à ce niveau que pèche un peu le premier film, dans son expo- sition. La volonté d'adapter fidèlement le comic book ac-
 
couche d’une structure un peu bancale, avec des ap- paritions épisodiques des méchants pas toujours gé- rées aux mieux et quelques ruptures de rythme. D'au- cuns appelleront ça "une sensibilité européenne" là où il s’agit surtout de petits pièges de l'écriture. Tout cela disparaît ici. En inven- tant une nouvelle histoire, non adaptée d’une bande-dessinée pré-existante, mais sans se permettre non plus d’être aussi décompl- exé qu’un Blade II, le metteur en scène nous offre un spectacle tout aussi fun mais où il se révèle fort impliqué. Tout y paraît plus homogène, notamment en ce qui concerne l'intrigue des "méchants" justement, mais aussi ses protagonis- tes principaux ainsi que dans la prolongation d’un univers autrement plus riche.



Plus que jamais, Guillermo del Toro donne la part belle à ses créatures chéries, à ses monstres. S'enorgueil- lant d'hommages à l’illustre animateur Ray Harryhausen ou à la séquence de Mos Eisley dans Star Wars, le réalisateur propose un bes- tiaire qui transporte la fran- chise vers une autre dimen- sion. Le chapitre précédent était déjà un film de "dé- tails". Dès Cronos, son pre- mier long métrage, on pou- vait noter l'amour de l’au- teur pour les babioles, les rouages, les bestioles, etc. Et tous ses films depuis ont témoigné des mêmes mo- tifs. Hellboy ne dérogeait pas à la règle et cette suite embrasse alors davantage ce leitmotiv, multipliant les gadgets et aussi les bé-
 
bêtes. Néanmoins, la dimen- sion de l’œuvre ne se limite pas qu’à ces quelques minu- ties. Hellboy II est véritable- ment épique. Si l’on simpli- fiait grossièrement, on pour- rait qualifier le premier volet de série B tandis que celui-ci fait figure de série A. Tandis que le premier évoluait entre une trame de serial à la Indiana Jones (prologue avec nazis et occulte, aventure dans des cryptes, Raspoutine) et l'horreur tentaculaire de H.P. Lovecraft (l'Ogdru Jahad, l'Apocalypse, etc.), celui-ci épouse clairement l'heroic fantasy (trolls, princes et guer- res mythiques) et même les contes de fées. On retrouve des vestiges du Labyrinthe de Pan, évoqué notamment par le prologue mais également par certaines créatures com-
 
me l'Ange de la Mort. Quand on sait que l’opus suivant dans la filmographie du bonhomme n’est autre que l’adaptation de Bilbo le Hobbit, on n’est pas étonné de voir ce film transpirer l’envie de raconter pareille histoire.



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Plus carré dans son dérou- lement que son prédéces- seur, le film gère mieux l'équilibre entre l’exposition, les dialogues, les scènes plus calmes, plus dramati- ques, et les séquences d'ac- tion. Rien n'est sacrifié sur l'autel du cahier des charges d'une suite. Cependant,
 
celui-ci est respecté par le biais d’une surenchère de tous les instants mais, para- doxalement, Del Toro "se lâche" tout autant qu'il "maî- trise". Derrière ses apparen- ces de blockbuster, il apparaît plus personnel que le chapitre d'avant. Ce dernier traitait du thème du choix, davantage fouillé dans Le Labyrinthe de Pan, mais celui-ci retourne à ces justifications de mons- tres "gentils", ces mêmes monstres incompris que dans Cronos, L'Echine du Diable ou Blade II. Visuellement, thé- matiquement, et jusque dans les détails, Hellboy II appa- raît plus grand, plus poussé, plus riche. Tout y est mieux, à commencer par les person- nages. Non seulement les méchants bénéficient-ils
 
d’une trame plus touchante mais ce sont surtout les gentils qui prennent du galon. La relation entre Hellboy, toujours aussi cool, et Liz, moins pleurnicharde, se développe (ainsi que le thème de la paternité, a- morcé dans le premier). Abe Sapiens a plus de présence et n’est plus un simple sidekick, et le nouveau venu Johann Krauss est juste un régal. Corrigeant les bémols de la dernière fois, Guiller- mo del Toro compose un deuxième épisode bien meilleur mais avant tout, il remporte son pari en don- nant naissance à de l’enter- tainment plus grand que na- ture sans rien perdre de son âme ambrée.