C’est un miracle. Il faut dire que l’on n’y croyait plus. Les dernières adaptations cinématographiques de comic books autre que ceux de la maison Marvel laissaient quelque peu à désirer: les deux franchises reines, Batman et Super- |
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man, souillées par leurs derniers épisodes, les essais ratés de The Shadow et Le Fantôme du Bengale… Evidemment, avec la vague de succès récents, tous les titres deviennent des blockbusters en puissance. Constantine était-il destiné à la réussite? Non. Loin de là. Avec Akiva Goldsman (responsables des deux derniers Batman) à la production, et le scénariste de L’Ombre blanche (avec Steven Seagal) et le réalisateur de American Yakuza au scénario, le projet ne démarrait pas sous les meilleurs auspices. De plus, le protagoniste central, un blond avec une barbe de trois jours, vêtu d’un imperméable beige, originaire de Londres, |
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se voyait transformé en Californien brun en costard noir et rasé de près. Les puristes hurlaient déjà au scandale. Le premier réalisateur, Tarsem (The Cell) quittait le projet qui atterrissait alors entre les mains d’un anonyme venu du milieu du clip. Le film était pour ainsi dire mort-né. C’est alors qu’il ressuscita sous nos yeux. Aboutissant à un résultat finalement très fidèle dans l’esprit au matériau d’origine, Constantine s’avère une série B à des années-lumière de tout autre thriller religieux tels que La Fin des temps, Les Âmes perdues et autres Stigmata. |
Personnage né de l’imagination du grand Alan Moore (From Hell, La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, Watchmen) dans les pages de La Créature du Marais, puis immortalisé dans sa propre série, Hellblazer, John Constantine fait figure de héros atypique dans le monde des comics. Edité par Vertigo, compagnie af-filiée à DC, l’autre grande maison de la bande dessinée outre-Atlantique, le comic book est représentatif d’une ligne éditoriale destinée à un public plus adulte, plus averti, s’intéressant à un aspect différent du médium, loin des super-héros et des collants. L’ouvrage de base présente un univers urbain où vivent en équilibre forces du Bien et du Mal avec, |
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entre les deux, John Constantine, spectateur averti, témoin d’une guerre implicite à laquelle il participe de temps en temps. Malgré une image léchée, à l’instar de ses clips baignant dans une ambiance sombre, Lawrence parvient à conférer à son film un aspect poisseux et saisit la dimension underground du monde de Constantine. Une apparence faussement clean, comme les corps humains derrière lesquels sont dissimulés anges et démons. En dépit de quelques répliques mal récitées, Keanu Reeves se révèle en réalité un choix fort satisfaisant, incarnant à la quasi-perfection l’essence même du personnage, blasé et désinvolte, à l’image d’un film, dans le même esprit, qui n’a plus rien à cacher, qui ne joue pas sur le mystère. Axé |
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autour d’un protagoniste charismatique et gratifié d’une atmosphère juste ce qu’il faut de sérieux et de décomplexé, Constantine n’est pas un film-comic book semblable à ses récents prédecesseurs. Il se permet un rythme plus particulier, risquant même quelques longueurs sur la fin, et accède à un statut à part. Fidèle à sa source. |