Paranoid Park
De Van Sant Gus
Éditeur : MK2 Editions
Zone 2
Nombre de disques : 2
Durée : 1h25
Sortie : 24/04/2008
Alex, jeune skateur, tue accidentellement un agent de sécurité sur l'un des spots les plus malfamés de Portland, le Paranoid Park. Pourra-t-il garder le secret?
ROULEZ JEUNESSE
Au sortir de sa trilogie monumentale composée par Gerry, Elephant et Last Days, qui lui aura rapporté une Palme d’or et une considération comme il n’en a jamais connue jusqu’alors, Gus Van Sant s’offre, avec Paranoid Park, une sorte de récréation. Van Sant reprend ainsi quelques refrains formels de ses précédents films, tout en jouant sur quelques légers décalages, à l’image de la bande-son utilisée dans les couloirs du lycée, tout en faisant encore une fois appel à une musique concrète magnifiquement exploitée. Mais si Elephant suivait les traces de jeunes individus perdus dans leur micro société, Paranoid Park passe davantage de temps sur une épaule, un jeune skateur qui se fait héros d’un récit sur la perte de l’innocence, où l’envol d’une planche à roulettes est cassé net par le poids de la culpabilité et l’insoupçonnée tragédie.
SECRET SUNSHINE
Plus modeste que ses ambitieux prédécesseurs, Paranoid Park témoigne néanmoins de la capacité qu’a Van Sant pour capturer, filet à papillons au poing, ses quelques secondes de grâce suspendue, de beauté brute, d’une rare et précieuse hypersensibilité, et qui offre quelques instants magiques comme la scène folk où les lettres amères sont jetées au feu. A ceci s'ajoute le travail magnifique de Christopher Doyle à la photo (la scène sublime de la douche où le héros pourrait disparaître en même temps que la lumière s'efface sur son visage), et nous avons un film qui, même mineur, moins dense, moins inventif, s’avère visuellement plus fort que 90% de ce qui sort de la production américaine actuelle. La scène de l’accident, en étrange rupture sanglante, illustre surtout une liberté de ton, esprit libre qui rappelle parfois celui qui anime Mala Noche, libre mais maîtrisé, qu’on attend de voir s’aventurer dans d’autres prés mais qui demeure ici poète et souverain.
Bonus
Présenté sur deux DVD, le premier comprenant le film dans une belle copie aux contrastes travaillés et aux couleurs très pures, l’édition MK2 de ce douzième long métrage de Gus Van Sant propose quatre modules en guise de bonus, permettant d’éclaircir le film.
Le premier bonus est une préface de Luc Lagier, revenant sur la genèse du film (l’adaptation d’un roman de Blake Nelson), la recherche des acteurs (des internautes pour la plupart), le choix du chef opérateur et de la pellicule, la présentation cannoise, etc. Bien qu’assez court, puisque durant moins de cinq minutes, ce petit module permet néanmoins de fournir au spectateur une vision globale du film.
Le second module, toujours réalisé par Luc Lagier, est une analyse de l’œuvre de Gus Van Sant, que l’auteur présente comme un labyrinthe. Maîtrisant parfaitement son sujet (au point parfois d’aller un peu loin dans l’analyse et les symboles), Luc Lagier décortique les douze films du réalisateur durant 25 minutes, monte des parallèles entre les plans, déconstruit les scénarios, et s’attarde bien entendu sur ce dernier film. L’éclatement du scénario (qui abandonne totalement la linéarité du livre de Nelson), le côté inachevé de certaines scènes, l’affiche du film, la référence à Shining ou à Juliette des esprits… autant de sujets abordés par l’auteur avec brio.
Le gros morceau de cette édition reste bien entendu l’interview avec le cinéaste, que l’on sent pourtant assez peu à l’aise. Parlant lentement, cherchant ses mots, Gus Van Sant parvient néanmoins à fournir beaucoup d’indications sur le choix de ses acteurs, la découverte du livre adapté, le symbole du « paranoid park », la quasi absence des parents…
Le making of de 26 minutes, tentant surtout de restituer l’ambiance du tournage, donne quelques indications sur la manière de diriger les acteurs (laissant livre cours à l’improvisation), mais s’attarde finalement assez peu sur les choix de mise en scène. Les trois précédents modules ayant cependant fait le tour de la question, ce making of apparaît finalement comme facultatif.