Petites coupures
De Bonitzer Pascal
Éditeur : France Télévision Distribution
Zone 2
Nombre de disques : 1
Sortie : 01/01/2003
Alors que sa femme vient de découvrir qu’il la trompait, Bruno, journaliste communiste, part à Grenoble avec sa jeune maîtresse rendre visite à son oncle. Excédé par les infidélités de son épouse, ce dernier lui confie une lettre adressée à son rival. Bruno accepte bien malgré lui de servir d’intermédiaire.
L’IRRESOLU
Heurtée, noyée, ressuscitée: la genèse de Petites Coupures a connu les mêmes affres que son personnage indécis, piégé par ses conquêtes successives. Réintroduisant la figure de l’intellectuel rabroué (Fabrice Lucchini dans Rien sur Robert, Jackie Berroyer dans Encore), Pascal Bonitzer accouche d’une chimère tourmentée progressant par à-coups, un vaudeville équivoque fait d’entrelacements et d’excroissances inopinés. Petites Coupures est le récit d’une longue errance, d’un homme arraché à ses certitudes qui oublie chemin faisant le but de ses pérégrinations. Des sinuosités de l’intrigue émerge un étrange fil conducteur: ces fameuses égratignures que Bruno conserve pendant toute la durée du film. Poussé à bout, l’époux cavaleur tente un dernier chantage auprès de la femme délaissée, en menaçant de s’amputer les doigts avec un cutter. La blessure ne se refermera pas avant l’épilogue. L’inconstance de l’amant est redoublée par la désinvolture narrative; Bonitzer prend un malin plaisir à écorcher les genres et faire sauter les coutures d’une histoire trop policée. La confusion qui plane sur le microcosme de Petites Coupures jette un premier sortilège sur le journaliste aventureux.
PETITS ARRANGEMENTS AVEC LES MOTS
Bâti autour de quiproquos amoureux, Petites Coupures dérive lentement vers les terrains mouvants du fantastique. Du bitume parisien aux cimes grenobloises, Bruno se heurte à une communauté verrouillée, insondable et hostile. Mordu, blessé (le véhicule finit à son tour ratatiné), l’intrus se laisse malmener d’un lieu à un autre, jusqu’à perdre tout contrôle sur le cours des événements. Pascal Bonitzer entraîne son protagoniste dans un labyrinthe de saynètes d’intensité inégale, en superposant aux déambulations nocturnes une énigme plus abstraite: celle des mots, savamment ordonnés, signalant la connivence entre les genres. Ancien rédacteur des Cahiers du Cinéma ayant fait ses classes chez Téchiné et Rivette, Bonitzer démontre une nouvelle fois la musicalité toute facétieuse de ses textes. Incisive, absurde, déconcertante - jamais pesante -, la parole comble les fissures d’une mise en scène multipliant les accrocs et les fondus au noir. Gérard, le mari cocu, se résout à une vengeance verbale, en adressant une lettre assassine à un amant, déjà mal en point, qui manque de suffoquer à la lecture de la diatribe. Les insultes fusent, les insinuations pleuvent. Une parole n’est jamais inoffensive.
L'AMOUR EN FUITE
Les affinités intellectuelles, les poses bourgeoises ou le parisianisme condescendant sont autant de leitmotivs comiques qui achèvent de perdre définitivement Bruno. Petites Coupures se complaît dans des amours évanescents, des échappées et des disparitions sans retours explicatifs; une dispersion générale qui est tout à la fois le charme indubitable du film et sa principale faiblesse. Ces petites ratures ironiques imposent une distance maladive entre les personnages et menacent trop souvent la fiction de tourner court. Compte-rendu d’une (quasi) nuit blanche, Petites Coupures s’oublie dans un éternel ressassement. Bonitzer instaure pourtant une circulation pragmatique des objets, reliant entre elles les quatre cibles amoureuses de Bruno. Baladés d’une main à l’autre, une bague, un rouge à lèvre, une lettre ou un revolver infléchissent la tonalité d’une séquence, accélèrent ou suspendent l'action jusqu’au sursaut final. De tout âge et de tout horizon, les seconds rôles féminins dominent très largement la distribution. En séductrice vulnérable et autoritaire, Kristin Scott Thomas excelle dans le sarcasme et l’élégance sophistiqués. Mais la palme du raffinement revient à Daniel Auteuil. Lâche, exaspérant, inconséquent, mais indispensable, l’anti-héros de Petites Coupures trouve en l'acteur l'ambassadeur rêvé.
Bonus
Le DVD de Petites Coupures nous offre le film dans une excellente copie. L’image paraît même plus contrastée que lors de la sortie du métrage en salles. Le chapitrage permet d’accéder directement aux meilleures scènes d’une œuvre à la qualité justement inégale. On peut ainsi se repasser sans fin la séquence hilarante avec le regretté Jean Yanne. En plus du film, le DVD nous gratifie d’un long making-of de 42 minutes. Le réalisateur Pascal Bonitzer y détaille ses intentions originelles: mettre en scène une comédie dramatique hitchcockienne teintée d’absurde. Les principaux acteurs (Daniel Auteuil, Ludivine Sagnier, Kristin Scott-Thomas, Emmanuelle Devos) nous confient leurs plaisirs d’avoir été dirigés par cet ancien rédacteur des Cahiers du Cinéma. Rien de bien innovant, ni dans le fond, ni dans la forme, mais un agréable prolongement du film. Enfin, bonus rare et précieux, le DVD permet l’écoute en piste séparée de l’intégralité de la bande originale expressionniste de John Scott. Un joli cadeau pour les amoureux de musique de films.
Yannick Vély
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Interactivité :
Le DVD de Petites Coupures nous offre le film dans une excellente copie. L’image paraît même plus contrastée que lors de la sortie du métrage en salles. Le chapitrage permet d’accéder directement aux meilleures scènes d’une œuvre à la qualité justement inégale. On peut ainsi se repasser sans fin la séquence hilarante avec le regretté Jean Yanne. En plus du film, le DVD nous gratifie d’un long making-of de 42 minutes. Le réalisateur Pascal Bonitzer y détaille ses intentions originelles: mettre en scène une comédie dramatique hitchcockienne teintée d’absurde. Les principaux acteurs (Daniel Auteuil, Ludivine Sagnier, Kristin Scott-Thomas, Emmanuelle Devos) nous confient leurs plaisirs d’avoir été dirigés par cet ancien rédacteur des Cahiers du Cinéma. Rien de bien innovant, ni dans le fond, ni dans la forme, mais un agréable prolongement du film. Enfin, bonus rare et précieux, le DVD permet l’écoute en piste séparée de l’intégralité de la bande originale expressionniste de John Scott. Un joli cadeau pour les amoureux de musique de films.
Yannick Vély