Oncle Boonmee
De Weerasethakul Apichatpong
Éditeur : Pyramide Video
Zone 2
Nombre de disques : 1
Durée : 1h45
Sortie : 16/02/2011
Oncle Boonmee souffre d'une insuffisance rénale. Comme il pratique avec passion le yoga, il est très conscient de son corps. Il sait qu'il va mourir dans 48 heures. Il appelle ses parents éloignés et leur demande de le ramener de l'hôpital pour qu'il puisse mourir à la maison. Là-bas ils sont accueillis par le fantôme de sa défunte épouse, qui est réapparue pour s'occuper de lui. Son fils mort revient aussi de la jungle sous la forme d'un singe. Le fils s'est accouplé avec une créature connue sous le nom de "fantôme singe" et a vécu avec elle dans les arbres pendant 15 ans.
NOS VIES HEUREUSES
Le cas Apichatpong a toujours divisé, entre les huées neuneu de Cannes et sa place aux cimes de quelques tops de la décennie passée avec des films comme Blissfully Yours ou Tropical Malady. Chez nous aussi, le Thaïlandais divise, mais Oncle Boonmee, véritable joyau du Festival de Cannes 2010, devrait mettre tout le monde d’accord. Ecran noir. Dès les premiers instants, la mélodie nocturne de la jungle envahit la salle, comme un premier voyage sonore. Des déjeuners sur l’herbe de Blissfully... aux apparitions merveilleuses de ...Malady, la jungle thaïlandaise a souvent été le décor privilégié de Weerasethakul, lieu où se rencontrent le trivial absolu (premiers plans ici sur un homme tirant une bête au bout d’une corde) et le fantastique qui guette sur la moindre branche. On est à peine surpris, dans Oncle Boonmee, de voir resurgir l’épouse défunte, devenue fantôme, à la table de la famille, on l’est à peine plus lorsqu’on assiste au retour du fils disparu, évanoui dans la nature, devenu un singe aux yeux brillants dans la nuit. Le fantastique est quotidien, la réincarnation est naturelle : c’est un monde entier, et sa conception, que Weerasethakul regarde d’un autre œil, abolition des frontières, voyage vers la mort qui est celui du corps meurtri, mais aussi voyage spirituel d’une âme en transit.
L’oncle Boonmee a des regrets. Pense que ses souffrances sont dues à son karma, éprouvé à la guerre, lui qui a tué « trop de communistes ». Un parent tente de le rassurer, c’était une bonne action. Boonmee, lui, n’en est pas si sûr… Plus loin dans le film, l’oncle a des flashes du futur, ces images de soldats brisant l’harmonie d’alors, comme un lointain écho, figé en quelques photos, des conflits que traverse la Thaïlande aujourd’hui. Réminiscence coupable ou mauvais présage, même si l’atmosphère est à la quiétude et la réconciliation, la guerre et sa barbarie planent comme une menace. De la même façon que le récit tient du trivial et du merveilleux, Oncle Boonmee et son décor fantastique sont malgré tout liés au réel et à ses ombres. Le monde vu à travers un miroir magique, grand coffre de légendes thaïlandaises, inouï réservoir à songes, un peu comme si la seconde partie de Tropical Malady (celle avec le Tigre mystique et l’arbre à lucioles) durait tout un film en forme d’ode au fabuleux. Avec une grâce poétique folle, Apichatpong Weerasethakul réussit une fascinante séance d’hypnose, où l’extraordinaire semble se nicher dans la moindre cavité de grotte thaïlandaise au creux de laquelle quelques poissons se baignent (séquence proprement vertigineuse), au bord d'une cascade enchantée dans laquelle se ressource une princesse défigurée (autre sommet du long métrage). Comme une aura autour de l’écran, ce genre de projection rare où la beauté de la mise en scène est aussi beauté des sentiments et de l’imaginaire. Au fond des bois, les miracles s’accomplissent. Ce film en est un autre, un véritable chef d’œuvre.
Bonus
Outre des bonus plus traditionnels mais tout à fait intéressants (un entretien de 16 minutes avec le réalisateur Apichatpong Weerasethakul, ainsi que 7 scènes coupées d'une durée totale de 24 minutes), le trésor de cette édition dvd, c'est la présence du court-métrage Lettre à Oncle Boonmee, première pierre du projet Primitive et qui a servi de base pour le film. A noter qu'un livret de 24 pages accompagne le dvd. Une belle édition pour ce chef d'œuvre.