Mercano le Martien
De Antin Juan
Éditeur : CTV International
Zone 2
Nombre de disques : 1
Sortie : 24/02/2005
Alors que Mercano, Martien simplet à tête de cornichon, promenait son chien, la sonde Voyager s’est écrasée sur l’animal. Furax, el marciano prend son pistolet laser, grimpe dans sa navette et fonce vers la planète bleue pour régler ses comptes avec elle. Seulement, une fois arrivé sur place, en Argentine, plus moyen de repartir. Et les Terriens sont des gens tellement… étranges!
MERCANO FUTURE
Une semaine après l’atomique Mondo Mulloy, le cinéma d’animation nous présente à nouveau ses trash desseins. C’est d’Argentine que nous vient cette fois la livraison subversive, après avoir transité avec succès par Gérardmer et surtout Annecy (mention spéciale d'encouragement du jury). Film à budget modique, comme souvent lorsqu’on touche au cartoon engagé, Mercano le Martien est un miraculé dans l’espace économique dévasté argentin, sans toutefois qu’il dépare dans le renouvellement culturel et précisément cinématographique du pays. Crise oblige, Mercano est un film de dépression, d’apocalypse, agité de l’énergie ironique du désespoir. Exploitant le vieux tuyau scénaristique de la confrontation des mœurs martiennes et terriennes (astuce employée justement par Mulloy, avec les Zogs de son diptyque Intolerance), dans un esprit narratif et graphique proche de l’univers du bédéaste Lewis Trondheim, Juan Antin et sa petite bande d’animateurs chevronnés et masochistes (monter un dessin animé en Argentine par les temps qui courent relève du bénévolat) livrent un instantané acide et violent de leur société libérale et corrompue. Une liberté d’esprit rare, rappelant évidemment celle d’un South Park, et une indépendance financière autorisant un jusqu’au-boutisme bienvenu, qui leur permettent d’éviter le syndrome du désamorçage moral de fin de course à la Lilo & Stitch.
LE NERD DE LA GUERRE
Le développement chaotique et le financement ric-rac ont également laissé des traces moins heureuses sur le produit fini. Ainsi, en dépit d’un scénario fort bien ficelé, de quelques bonnes idées visuelles, d’un character design pertinent et de dialogues percutants, Mercano le Martien est par moment limité par la faible envergure de ses moyens. A la différence d’un Phil Mulloy ou d’un Bill Plympton, dont la démarche artistique est intimement liée à la nécessité de minorer les coûts (Mulloy et Plympton travaillent la plupart du temps seuls, à l’économie), Juan Antin et son directeur de l’animation Ayar Blesco ont de temps à autre les yeux plus gros que le ventre (angles et mouvements de caméras audacieux, séquences en images de synthèse…). Le résultat est en conséquence parfois mitigé, car disparate et grevé de légères baisses de rythme, notamment dues à un travail pas suffisamment poussé sur la bande-son. Reste que, dans l’ensemble, la satire atteint souvent sa cible, parce qu’elle a l’intelligence de ne pas être univoque. Ainsi, le noyau dur de personnages terriens – un petit groupe de nerds à la rébellion fainéante, que l’on identifie sans mal à d’autres nerds à l’origine de notre Martien échappé d’une animation en Flash – ne cesse d’être confronté à ses propres contradictions (attraction/répulsion envers la technologie marchande et ses plaisirs synthétiques) et à sa propre appartenance au système. Antin n’épargne donc personne, pour aboutir logiquement à l’apothéose d’un final en forme de parodie de comédie musicale, dont l’issue catastrophique agitera durablement les zygomatiques les plus crispés. Aussi, malgré ces menues scories, on n’attend plus que Mercano remette ça, à l’occasion.
Bonus
IMAGE & SON
Transfert de qualité (16/9 compatible 4/3 en 1.77) pour un film déjà maintes fois numérisé, d'abord dès sa création, majoritairement informatisée, puis très vite sur les réseaux peer to peer qui, comme nous le rappelle Juan Antin dans les suppléments, ont joué un rôle de relais que la distribution en salles, mal calibrée (puisque animation égale jeune public dans la tête des exploitants argentins, le film n'eut droit qu'à des projections en journée), n'a pas su tenir. Côté sono, les techniciens perfectionnistes regretteront sans doute l'absence de 5.1 et devront se contenter d'un fort honorable Dolby Digital 2.0 stéréo. Ils se consoleront avec le packaging, très soigné, ne faisant, lui, pas l'erreur de ne pas assumer le côté adulte du dessin animé. Bel objet respectueux, donc, mais sans fioritures techniques.
BONUS
Cette édition DVD est avant tout l'occasion de revenir sur la genèse de Mercano le Martien. Mascotte télévisuelle de la chaîne argentine Much Music, notre petit homme vert était originellement chargé de dynamiser les interludes publicitaires en deux courtes minutes acides. Une (trop) sommaire sélection d'épisodes nous permet d'en prendre hâtivement connaissance. Et de constater, avant tout, le gigantesque bond graphique entre le petit et le grand écran. Faits à la va-vite, efficaces mais trop brouillons, les premiers designs patinent en effet un brin. L'esprit, en revanche, est déjà là: personnages récurrents, péripéties, gimmicks... Où l'on savoure la naissance du Martien expatrié, et où l'on saisit enfin certains clins d'œil aux épisodes TV, présents dans le long métrage, passés inaperçus lors de sa sortie aux Français que nous sommes.
Un entretien de près d'une demi-heure avec Juan Antin, le réalisateur, vient compléter cette mise en bouche. Bonne surprise: malgré les sempiternels pièges du cadre fixe et de la parole non-illustrée, on ne perd pas une miette des explications de l'animateur argentin, d'une franchise et d'une honnêteté rares au pays des bonus DVD. Outre une petite analyse géopolitique inévitable, mais pas redondante, et quelques considérations techniques pas inintéressantes, Antin nous livre également sa vision globale de l'état actuel du paysage de l'animation dans le monde, quitte à parfois adopter des positions inattendues (un peu de sucre cassé sur le dos de l'intouchable Pixar, notamment). On regrettera évidemment que sur la quinzaine de personnes qui travaillèrent bénévolement à la gestation de Mercano, Antin soit le seul à s'exprimer. Un commentaire audio collectif n'eût pas été de trop pour raconter cette histoire peu banale. Et ce ne sont pas les quelques bandes-annonces, livrées en pâture pour combler les trous, qui calmeront notre fringale. Bonne entrée en matière, donc, qui ouvre bien l'appétit - mais manque le plat de résistance.
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Interactivité :
IMAGE & SON
Transfert de qualité (16/9 compatible 4/3 en 1.77) pour un film déjà maintes fois numérisé, d'abord dès sa création, majoritairement informatisée, puis très vite sur les réseaux peer to peer qui, comme nous le rappelle Juan Antin dans les suppléments, ont joué un rôle de relais que la distribution en salles, mal calibrée (puisque animation égale jeune public dans la tête des exploitants argentins, le film n'eut droit qu'à des projections en journée), n'a pas su tenir. Côté sono, les techniciens perfectionnistes regretteront sans doute l'absence de 5.1 et devront se contenter d'un fort honorable Dolby Digital 2.0 stéréo. Ils se consoleront avec le packaging, très soigné, ne faisant, lui, pas l'erreur de ne pas assumer le côté adulte du dessin animé. Bel objet respectueux, donc, mais sans fioritures techniques.
BONUS
Cette édition DVD est avant tout l'occasion de revenir sur la genèse de Mercano le Martien. Mascotte télévisuelle de la chaîne argentine Much Music, notre petit homme vert était originellement chargé de dynamiser les interludes publicitaires en deux courtes minutes acides. Une (trop) sommaire sélection d'épisodes nous permet d'en prendre hâtivement connaissance. Et de constater, avant tout, le gigantesque bond graphique entre le petit et le grand écran. Faits à la va-vite, efficaces mais trop brouillons, les premiers designs patinent en effet un brin. L'esprit, en revanche, est déjà là: personnages récurrents, péripéties, gimmicks... Où l'on savoure la naissance du Martien expatrié, et où l'on saisit enfin certains clins d'œil aux épisodes TV, présents dans le long métrage, passés inaperçus lors de sa sortie aux Français que nous sommes.
Un entretien de près d'une demi-heure avec Juan Antin, le réalisateur, vient compléter cette mise en bouche. Bonne surprise: malgré les sempiternels pièges du cadre fixe et de la parole non-illustrée, on ne perd pas une miette des explications de l'animateur argentin, d'une franchise et d'une honnêteté rares au pays des bonus DVD. Outre une petite analyse géopolitique inévitable, mais pas redondante, et quelques considérations techniques pas inintéressantes, Antin nous livre également sa vision globale de l'état actuel du paysage de l'animation dans le monde, quitte à parfois adopter des positions inattendues (un peu de sucre cassé sur le dos de l'intouchable Pixar, notamment). On regrettera évidemment que sur la quinzaine de personnes qui travaillèrent bénévolement à la gestation de Mercano, Antin soit le seul à s'exprimer. Un commentaire audio collectif n'eût pas été de trop pour raconter cette histoire peu banale. Et ce ne sont pas les quelques bandes-annonces, livrées en pâture pour combler les trous, qui calmeront notre fringale. Bonne entrée en matière, donc, qui ouvre bien l'appétit - mais manque le plat de résistance.