Macadam à deux voies

Macadam à deux voies
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Macadam à deux voies
Éditeur : Carlotta Films
Zone 2
Nombre de disques : 2
Durée : 1h42
Sortie : 23/01/2008
Note FilmDeCulte : ****--
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Deux garçons traversent le sud-ouest américain à bord de leur Chevy 55 grise. Une jeune fille un peu perdue les rejoint dans leur périple, jusqu'à ce que leur chemin croise une rugissante GTO 70 jaune, conduite par un fringant quadragénaire. Celui-ci leur propose un marché: le premier d'entre eux qui atteint Washington gagne le véhicule de l'autre...

QUATRE VAGABONDS DANS LE VENT

Lâchés sur la route, livrés aux jeux du hasard, délivrés de toute contrainte et de tout impératif, les quatre protagonistes de Macadam à deux voies abandonnent dès le premier virage leur rêve de grandeur et d’héroïsme. La course n’est qu’un leurre exaspérant, un trou béant. Monte Hellman s’amuse à décevoir les attentes, à reporter l’action, indéfiniment. Plutôt que de filer à toute allure et de célébrer une Amérique enivrante (la griserie d’un Easy Rider semble déjà loin), le road-movie s’encrasse et se fige sur un inexorable point mort. La langueur se substitue à la vitesse, le ronronnement des moteurs couvre les dialogues dérisoires (des murmures insaisissables, un jargon technique et soporifique). Jusqu’à la sortie de route incandescente, les promesses de fulgurances restent lettres mortes. A rebours du genre, à contre-courant des lois narratives, Macadam à deux voies est une petite mort en suspens. Comme une fascinante marche funéraire à contre-sens, un monde statique et impassible au bord de l’évanouissement. Les êtres respirent encore, mais leurs repères sont bouleversés, leur vie n’a littéralement plus de sens. Elle s’est arrêtée au bord de la route, sur une aire d’autoroute ou près d’une station-service. Monte Hellman reste obstinément agrippé au présent. L’avenir n’a pas droit de cité. L’horizon (le dénouement de la course) s’assombrit au fur et à mesure. Le conducteur, le mécanicien, la fille et GTO le quadragénaire sont les quatre faces éraflées d’une Amérique éteinte, les angles morts d’un périple essoufflé et indolent. A l’exception du débonnaire Warren Oates, Monte Hellman s’est entouré de visages avenants mais scellés: le mannequin et musicien James Taylor, le batteur des Beach Boys Dennis Wilson (ami d’un certain Charles Manson, avant le meurtre de Sharon Tate) et la fuyante Laurie Bird (future compagne d’Art Garfunkel, elle se suicide en 1979). Déroutant, obsédant, Macadam à deux voies imprègne insidieusement la rétine, jusqu’à l’éblouir et la brûler.

par Danielle Chou

Bonus

Une fois de plus, Carlotta fait appel aux services du fringant Jean-Baptiste Thoret. L’entretien, détaillé et passionnant, revient sur la genèse de Macadam à deux voies, des influences contradictoires de Monte Hellman, qui se revendique à la fois de la culture européenne et de ses racines américaines. Dans les années 50, Hellman rejoint l’écurie du vétéran Roger Corman. Embauché en tant que monteur et script doctor, il s’essaie au registre de l’horreur (Beast from Haunted Cave). C’est au milieu des années 60 qu’il élabore ses premiers projets personnels comme The Shooting et L’Ouragan de la vengeance. Le premier est co-écrit et interprété par Jack Nicholson, alors son acteur fétiche. Hellman témoigne d’un style singulier, complètement décalé, en malmenant les codes du western. Corman n’apprécie pas l’exercice et refuse de diffuser les films.

Débute alors un marathon promotionnel à l’étranger, où Nicholson défend les films avec ardeur. Monte Hellman se fait une petite réputation à Cannes. A propos du "style Hellman", Jean-Baptiste Thoret met l’accent sur l’ennui et le flottement qui caractérisent Macadam à deux voies, très peu dramatisé. Passionné par les jeux et les paris, Hellman profite du motif des courses de voiture pour filmer des rituels et s’abreuver d’échanges techniques entre le mécanicien et le conducteur. Robert De Niro et Al Pacino avaient été envisagés pour le rôle du conducteur, mais Hellman a préféré s’orienter vers un casting d’illustres inconnus. James Taylor a ainsi été repéré dans les pages d’un magazine. Macadam à deux voies ayant été un cruel échec à sa sortie, Hellman dut attendre 4 ans avant de revenir derrière la caméra, pour un film de commande.

Jean-Baptiste Thoret nous gratifie d’un deuxième entretien, toujours aussi palpitant (Point mort!), une analyse plus en profondeur des arcanes de Macadam à deux voies. C’est une oeuvre qui déçoit les attentes du spectateur et montre l’envers de l’Amérique héroïque. Chez Hellman, elle est ordinaire et léthargique. Le film ne démarre jamais, il reste constamment au point mort. Thoret qualifie Macadam à deux voies de "film gris" et charnière dans lequel règne la monotonie, entre l’euphorie d’un Easy Rider et le désenchantement d’un Point Limite Zéro. Il relève aussi l’influence considérable de Hellman sur un film comme Gerry de Gus Van Sant, où les personnages s’évanouissent dans le paysage.

On the Road Again complète idéalement le tour d’horizon. Monte Hellman en personne revient sur les traces de son film, 37 ans plus tard, en compagnie de sa fille Melissa et des étudiants de CalArts. Livrée avec un commentaire audio de Hellman et un très beau livret de 32 pages, cette édition-hommage de Macadam à deux voies est d’ores et déjà un incontournable de votre dvdthèque.

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