Lost Highway
De Lynch David
Éditeur : MK2 Editions
Zone 2
Nombre de disques : 1
Sortie : 16/11/2005
Fred Madison se produit chaque soir dans une boîte de nuit et mène apparemment une vie paisible avec sa femme Renee. Un matin, Renee découvre dans son courrier une cassette vidéo contenant des vues de sa maison, d'abord extérieure puis intérieure. Fred commence alors à cauchemarder jusqu'à ne plus faire de différence entre une réalité paniquée et un irréel onirique. Par ailleurs, son existence est menacée par l'apparition d'un homme à l'identité mystérieuse. Un soir, il rêve qu'il découpe sa femme en morceaux et finit condamné à mort. Il réussit à disparaître de sa cellule et un autre jeune homme prend sa place. Mais est-ce vraiment un songe?
"Pour moi, il y a plus d'un mystère dans Lost Highway. Un mystère est ce qui se rapproche le plus du rêve. Le simple mot mystère est excitant. Les énigmes, les mystères sont merveilleux, jusqu'à ce qu'on les dévoile. Je crois donc qu'il faut respecter les mystères." Paroxysme du genre lynchien par excellence, le thriller fantastico-schizophrénique, en incessante quête d'une vérité multiple, d'une déstabilisante recherche de compréhension sous forme de tempête cataclysmique sous un crâne malade. Comment essayer de discerner les lois du genre lorsque ce genre n'existe justement pas? Trip sous acide, collage délirant entre l'organique et le minéral, multiplicité labyrinthique, Lost Highway a réinventé le cinéma, au milieu de l'avant et de l'après, atomisant toute logique. Le film sur le principe d'une temporalité déphasée où la capture de certains événements, donnés à voir avant même qu'ils se soient produits, précède parfois leur accomplissement. En somme, l'exemple type de l'oeuvre à la psychologie en deux dimensions. Tissant une toile saccadée où le spectateur est forcément mis dans une situation de voyeur dérouté devant cet engrenage fondé sur l'isolation sensorielle, inexprimable et touchant presque à l'ésotérisme, l'intrigue voilée et conspiratrice de ce cauchemar grandeur nature (on nous cache tout, on nous dit rien... De quoi finir totalement parano, d'autant plus que certains effets glacent les sangs sans crier gare) gagne à être revue pour réussir à atteindre cet infime état de réceptivité qui permet de capter chaque fois un petit plus, tout en restant dans le flou le plus hagard.
Le dictat de scènes mentales extraordinaires amplifie un effet d'enfer extatique où l'ultra-expérimental griffé Lynch s'affirme comme un remède à tout critère mettant en danger la puissance d'un imaginaire jamais rassasié, vecteur traumatique de sensations événementielles. Construisant ses méthodes narratives comme un morceau musical enclin à tout larsen, cherchant l'atmosphère et la tonalité perturbante, Lynch se pose en scientifique sensoriel concoctant ses lois de l'esthétique aux combinaisons infinies et instinctives. Bric-à-brac underground, d'une violence destructrice et d'un nihilisme contrasté, la bande originale du film joue également sur les ruptures et les variations. Gigantesque mixe entre le dub, le jazz, l'easy leastening, le rock et le trip hop, ce voyage sonore entre directement dans un univers angoissant par un Bowie dérangé, radicalisé brutalement par du Ramstein ou la décadence de Kraftwerk. Déjouant les dédales de la mythologie hollywoodienne, ce coït ininterrompu entre fond et forme célèbre le triomphe de l'émotion plastique des obsessions virtuelles d'un cinéma métamorphosé, désagrégeant temps et espace.
Bonus
Avant tout, saluons la beauté du digipack – dont le visuel change en fonction de l’angle d’inclinaison -, absolument magnifique et très proche de l’atmosphère mystérieuse que peut dégager le film. On s’en doute immédiatement, quelque soit son contenu, cette nouvelle édition du chef d’œuvre de Lynch (cet homme-là a-t-il de toute façon réalisé autre chose que des chefs d’œuvres, Dune mis à part ?) enterrera sans le moindre problème celle de TF1 Vidéo disponible depuis 2001.
Surprise, l’édition propose très peu de bonus. Alors, collector et définitive ? Sans doute, tant le film, présenté dans une copie absolument sublime, se suffit à lui-même. Bien entendu, un commentaire audio aurait été le bienvenu (rêvons un peu, mais n’oublions pas que Lynch n’est pas très friand de ce genre d’exercice), ou bien un long documentaire qui expliquerait les tenants de l’histoire… Sauf que le film, justement, ne doit pas être expliqué. Bien au contraire. A partir de là, quels bonus ajouter ? On regrettera simplement que le concert Industrial Synphonie, un temps annoncé par l’éditeur, ne soit finalement pas proposé.
Donc quid de cette édition et de ses bonus ? Ceux-ci sont regroupés sur le second disque, tandis que le premier contient le film ainsi qu’un petit module permettant, pour les moins assidus, de resituer chaque personnage dans le film. Premier bonus, une interview du réalisateur assez déstabilisante, tant il se révèle avare en informations, comme s’il ne souhaitait surtout pas expliquer son film et le rendre moins opaque. Rares sont cependant les mots de Lynch sur ce film, donc ceux proposés ici font office de petit trésor à revoir plusieurs fois pour en apprécier toute la teneur. Une seconde interview fait suite à la première, cette fois enregistrée lors du tournage du film il y a près de dix ans. Lynch y parle principalement de ses acteurs et de sa manière de les diriger.
Une petite interview promotionnelle d’époque permet de voir Bill Pullman répondre aux questions et parler des méthodes de tournage du cinéaste. L’interview de Patricia Arquette se révèle déjà bien plus intéressante. Rappelons que sa théorie sur l’histoire du film, rapportée par Chris Rodley dans son livre d’entretiens avec Lynch, reste l’une des plus cohérentes. Enfin, l’entretien avec Robert Loggia permet de bien prendre en compte le fait suivant : les acteurs se sont engagés dans le tournage en faisant simplement confiance à Lynch, sans rien comprendre à l’histoire !
Un making of de 9 minutes est proposé, sous forme d’images de tournage. On y voit Lynch au travail, expliquer les scènes à ses acteurs, diffusant la musique du film à même le plateau. Une seule chose à dire : neuf minutes, même si passionnantes, c’est court ! Le DVD se termine par un petit teaser, la bande annonce d’époque, et un second making of promotionnel.
Alors déception ? Bizarrement non, car la simple sortie du film dans une belle copie fait figure d’événement, surtout après celles de Twin Peaks chez le même éditeur, et de Dune chez Opening.
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Interactivité :
Avant tout, saluons la beauté du digipack – dont le visuel change en fonction de l’angle d’inclinaison -, absolument magnifique et très proche de l’atmosphère mystérieuse que peut dégager le film. On s’en doute immédiatement, quelque soit son contenu, cette nouvelle édition du chef d’œuvre de Lynch (cet homme-là a-t-il de toute façon réalisé autre chose que des chefs d’œuvres, Dune mis à part ?) enterrera sans le moindre problème celle de TF1 Vidéo disponible depuis 2001.
Surprise, l’édition propose très peu de bonus. Alors, collector et définitive ? Sans doute, tant le film, présenté dans une copie absolument sublime, se suffit à lui-même. Bien entendu, un commentaire audio aurait été le bienvenu (rêvons un peu, mais n’oublions pas que Lynch n’est pas très friand de ce genre d’exercice), ou bien un long documentaire qui expliquerait les tenants de l’histoire… Sauf que le film, justement, ne doit pas être expliqué. Bien au contraire. A partir de là, quels bonus ajouter ? On regrettera simplement que le concert Industrial Synphonie, un temps annoncé par l’éditeur, ne soit finalement pas proposé.
Donc quid de cette édition et de ses bonus ? Ceux-ci sont regroupés sur le second disque, tandis que le premier contient le film ainsi qu’un petit module permettant, pour les moins assidus, de resituer chaque personnage dans le film. Premier bonus, une interview du réalisateur assez déstabilisante, tant il se révèle avare en informations, comme s’il ne souhaitait surtout pas expliquer son film et le rendre moins opaque. Rares sont cependant les mots de Lynch sur ce film, donc ceux proposés ici font office de petit trésor à revoir plusieurs fois pour en apprécier toute la teneur. Une seconde interview fait suite à la première, cette fois enregistrée lors du tournage du film il y a près de dix ans. Lynch y parle principalement de ses acteurs et de sa manière de les diriger.
Une petite interview promotionnelle d’époque permet de voir Bill Pullman répondre aux questions et parler des méthodes de tournage du cinéaste. L’interview de Patricia Arquette se révèle déjà bien plus intéressante. Rappelons que sa théorie sur l’histoire du film, rapportée par Chris Rodley dans son livre d’entretiens avec Lynch, reste l’une des plus cohérentes. Enfin, l’entretien avec Robert Loggia permet de bien prendre en compte le fait suivant : les acteurs se sont engagés dans le tournage en faisant simplement confiance à Lynch, sans rien comprendre à l’histoire !
Un making of de 9 minutes est proposé, sous forme d’images de tournage. On y voit Lynch au travail, expliquer les scènes à ses acteurs, diffusant la musique du film à même le plateau. Une seule chose à dire : neuf minutes, même si passionnantes, c’est court ! Le DVD se termine par un petit teaser, la bande annonce d’époque, et un second making of promotionnel.
Alors déception ? Bizarrement non, car la simple sortie du film dans une belle copie fait figure d’événement, surtout après celles de Twin Peaks chez le même éditeur, et de Dune chez Opening.