Les Invisibles
De Jousse Thierry
Éditeur : Ad Vitam
Zone 2
Nombre de disques : 1
Durée : 1h55
Sortie : 02/05/2013
Bruno et son ami Noël créent de la musique électronique. Alors que Noël est un compositeur tempéré, Bruno ne semble exister qu’à travers les sons qu’il enregistre, mixe et compile à longueur de journée. Le duo est sur le point de signer un contrat avec une maison de disques quand Bruno tombe amoureux de la voix de Lisa, entendue sur un réseau téléphonique. Il passera plusieurs nuits avec la jeune femme avant qu’elle ne disparaisse de sa vie. Obsédé par les sons de ces nuits – qu’il a enregistrés – il va tenter d’en composer un morceau. Une aventure nocturne et musicale sur le chemin de la création.
LA MUSIQUE VIENT DE L'INTERIEUR
Thierry Jousse est l’ancien rédacteur en chef des Cahiers de Cinéma, et le collaborateur des Inrockuptibles et de Jazz Magazine. Il compile ses deux passions que sont le cinéma et la musique en une réflexion sur le mode de création artistique. Les Invisibles est en effet l’histoire d’une obsession amoureuse et musicale. Le réalisateur voulant montrer comment le processus créatif trouve parfois son origine dans des situations qui sortent des sentiers battus. Musicien déçu, Thierry Jousse compense au cinéma et outre ce premier long métrage, deux de ses courts sont aussi consacrés à filmer des musiciens et comment ils concilient leur rapport aux sons avec la réalité. Il a choisi Laurent Lucas, acteur de son état, et Noël Akchoté, musicien professionnel, afin que les deux puissent nourrir leurs personnages des apports de l’autre. Il est fascinant de suivre Bruno dans sa quête des sons, que ce soit dehors, ou encore lors de ses nuits avec Lisa - ses rencontres avec la belle se faisant dans l’obscurité d’une chambre d’hôtel. Et plus encore de voir avec quelle fièvre il les assemble, les mixe, les étire, ou répète pour créer un morceau, oubliant toute notion de monde extérieur. Cette même fièvre qui le fait rechercher Lisa par tous les moyens et ce, plus pour nourrir sa création que par amour pour la jeune femme, dont il n’aime que la voix et le mystère qui entoure le rite de leurs rencontres. Ce tourbillon des sens dont il ne veut plus se passer et dont il repousse les limites chaque fois un peu plus. Les quelques banalités échangées et les soupirs de Lisa pendant l’amour ne lui suffisent bientôt plus, il veut des phrases, des confidences intimes, toujours plus de matériel à travailler. Lisa n’est pas réelle pour lui, c’est un rêve éveillé, la muse qui nourrit le créateur, celle qui l’entraîne de l’autre côté du miroir, loin du monde réel. Bruno la suit aveuglément, ayant perdu tout contrôle depuis longtemps, et il acceptera de payer le prix fort pour ce passage de l’autre côté, ne devant son salut qu’à la bonne étoile qui veille sur lui. Ce dérapage contrôlé entre réalisme et touche de mystères est un charme de plus des Invisibles, fascinant conte sur le parcours douloureux du créateur à la recherche de son inspiration. Laurent Lucas est impressionnant de réalisme et de passion en compositeur obsédé par les sons et Michael Lonsdale inquiétant à souhait dans son rôle de concierge, alors que Lio joue d’une belle et sobre maturité dans le rôle de la productrice de la maison de disques. Pour le plaisir des yeux et surtout des oreilles.
Bonus
Tout d’abord, 20 minutes de scènes inédites nous font revoir les différents protagonistes. Les témoignages supplémentaires auraient eu toute leur place dans le film et n’ont sans doute été coupés que pour des raisons de minutage.
Un passionnant entretien de 40 minutes avec le réalisateur Sébastien Lifshitz lui permet d’éclairer les motivations et la construction de ce documentaire. Il s’agissait en effet, avec Les invisibles, de raconter une autre histoire de l’homosexualité, basée sur les témoignages de bonheur et de liberté d’anonymes. Pour ce faire, le réalisateur a cherché des intervenants couvrant un spectre le plus large possible, socialement parlant. Leur choix a été effectué à partir de quatre critères de base : - La capacité à se raconter devant une caméra, - Une certaine distance et une réflexion par rapport à leur vie, - L’existence de documents permettant d’incarner le passé, - Un lieu de vie cinégénique. Un autre parti pris déterminant dans la confection de ce film a été de filmer ses témoins dans le temps présent de leur vie et par là même, filmer l’amour dans le grand âge de personnes qui vont jusqu’au bout d’eux-mêmes.
Les autres suppléments consistent en un diaporama de 3 minutes « Les invisibles : homosexuels et amoureux, au début du siècle dernier » et la bande-annonce du film.
En résumé, et pour conclure, si vous n’avez pas encore vu ce film, précipitez-vous sur le Dvd.