La Fille inconnue

La Fille inconnue
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La Fille inconnue
De Dardenne Jean-Pierre, Dardenne Luc
Éditeur : Diaphana
Zone 2
Nombre de disques : 1
Durée : 1h46
Sortie : 21/02/2017
Note du film : *-----

Jenny, jeune médecin généraliste, se sent coupable de ne pas avoir ouvert la porte de son cabinet à une jeune fille retrouvée morte peu de temps après. Apprenant par la police que rien ne permet de l’identifier, Jenny n’a plus qu’un seul but : trouver le nom de la jeune fille pour qu’elle ne soit pas enterrée anonymement, qu’elle ne disparaisse pas comme si elle n’avait jamais existé.

RIEN DE NEUF DOCTEUR

"Ecoute", dit Jenny à son stagiaire. C’est le tout premier mot du film. L’héroïne l'incite ainsi à prêter attention à leurs patients, mais le mot possède ainsi un double sens ironique : du début à la fin du film, c’est Jenny qui va s’occuper de résoudre l’enquête autour de la mort de cette fille inconnue. Jenny est ce qu’on pourrait appeler un personnage à la Tintin: un personnage positif mais tellement lisse qu’elle en devient presque une allégorie (de la bonté, de la simplicité…) plutôt qu’un être humain. Elle aide tout le monde, parfois même contre leur gré, elle est intègre (pas de faux certificat maladie avec elle), sa pureté la rend inattaquable, alors que le film nous montre qu’elle a sans cesse plus raison que les autres. Médecin, enquêtrice, assistante sociale, ange gardien: Jenny s’occupe de tout. Les autres n’ont qu’à écouter.

Difficile de faire simple, et les frères Dardenne n’ont plus à prouver leur talent pour l’épure, qui n’empêche ni l’efficacité ni l’émotion. Leur formule magique est pourtant à la peine dans leur dernier film, qui avance de façon un peu trop pépère sur les rails attendus. La Fille inconnue raconte une enquête, mais on peine à retrouver ici le suspense et le rythme tendu du Silence de Lorna. Adèle Haenel apporte un certain charisme bougon à un personnage pas évident, mais qui ne suffit pas toujours à donner du relief à un scénario qui n’offre que le SMIC de la part des frères belges. Le cinéma des Dardenne a perdu de sa radicalité et de son âpreté à mesure qu’ils gagnaient en admirateurs. Sans tomber dans les travers manichéen de Ken Loach, La Fille inconnue brosse un peu trop le spectateur dans le sens du poil pour susciter plus qu’un intérêt poli.

On aimerait qu’une qualité particulière vienne distinguer ce nouvel opus du tout-venant, mais c’est au contraire une maladresse qui saute aux yeux. Jenny est blanche, comme tous les autres personnages du film. A l'exception du commissaire, qui ne résout rien et oublie ses promesses, et la victime, jeune fille noire dont Jenny suppose sérieusement qu’elle va être enterrée "dans son pays", sans que rien dans le film n’ait pourtant indiqué auparavant qu’elle n’était pas belge (une gaffe parmi d'autres, jamais remise en question par le reste du film). Les Blancs ne sont pas tous bons, mais du début à la fin, ce sont eux qui tirent les ficelles du récit : les Noirs ne sont là que pour être sauvés et venir dire merci (aux Blancs, forcément) à la fin. Il y a un potentiel très cinglant qui aurait pu être tiré de cette histoire de tort collectif, mais le scénario ne vient jamais mettre la responsabilité des personnages en perspective. La Fille inconnue est tellement peu mordant qu’on dirait que les frères Dardenne ont voulu réaliser là une prescription médicale contre la culpabilité des Blancs. Un film qui rassure plutôt qu’un film qui interroge.

par Gregory Coutaut

Bonus

Les frères Dardenne étant relativement avares en interviews filmées, il est intéressant de se pencher sur cet entretien de 25 minutes durant lequel ils reviennent sur leur méthode de réalisation, évoquant les repérages, les répétitions enregistrées pendant cinq semaines, la vingtaine de prises par scène, et surtout ce premier montage réalisé immédiatement après le tournage, qui leur sert de point de départ au montage définitif. Un chouette document qui permet de mieux comprendre leur cinéma.

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