Howl
De Epstein Rob, Friedman Jeffrey
Éditeur : CONDOR ENTERTAINMENT
Zone 2
Nombre de disques : 1
Durée : 1h34
Sortie : 03/12/2012
San Francisco, 1956. Allen Ginsberg, un jeune écrivain s'apprête à publier le poème Howl. Il est alors loin d'imaginer que son oeuvre, ambitieuse et révolutionnaire, est sur le point de déclencher un scandale retentissant et de donner naissance à l'un des mouvements les plus importants de la littérature américaine : la Beat Generation.
RÉCITATION APPLIQUEE
Comment rendre une œuvre d’art vivante au cinéma ? Il a plusieurs semaines sortait Bruegel, la moulin et la croix, hybride expérimental de fiction et documentaire qui, en ne parlant à priori que de détails d'un tableau de Bruegel (tel élément ou tel personnage à priori anodin mais se révélant fort révélateur) et en les interprétant dans des mini-fictions, parvenait à la fois à enrichir et éclaircir le sens global de l’œuvre. L’imagination et l’interprétation du spectateur étant laissée libre, celui-ci pouvait créer sa propre relation au tableau. Il n’est pas ici question d’un tableau mais du poème Howl d’Allen Ginsberg, texte-clé du mouvement beatnik. L’enjeu reste le même, car Howl a la double ambition d’être un biopic de l’auteur qu’une adaptation en creux du dit poème, mais il prend pour cela l’approche inverse.
Ce premier film de fiction de réalisateurs de documentaires engagés et multi-primés (The Times of Harvey Milk et The Celluloid Closet pour les plus connus) ne manque pas de concept. Soient quatre films en un, qui vont et viennent via un montage systématique : une interview d’Allen faisant le bilan de sa carrière, Allen lisant son poème en public, la reconstitution du procès de son éditeur, et une partie animée illustrant le poème lui-même. Le problème c’est que ces quatre parties font exactement la même chose : illustrer platement l’œuvre en question. Et cette illustration, trop fidèle à force de vouloir honnêtement documenter (les dialogues sont de vraies citations, les scènes de procès basées sur le vrai procès verbal…), finit par ne jamais laisser de place au spectateur. Pas forcément la place de réspirer mais plutôt l’espace nécessaire pour créer sa propre relation au poème, étape fondamentale et indispensable à toute relation à une œuvre d’art. Cette désagréable impression d’application scolaire et stérile culmine dans les séquences où James Franco joue Allen en train de lire son propre poème, et qui restent désespérément vides de sens, d’idées et d’émotion.
Cette volonté de pure illustration est de plus méchamment naïve. La partie animée ne fait preuve que de très peu d’inventivité ; toute la partie procès manque cruellement de crédibilité, plombée par des dialogues hyper didactiques et d’un manichéisme immature. Comme si les réalisateurs, par respect absolu du poète et de son œuvre, avaient voulu la laisser bien propre sous cloche de verre, sans y apporter rien de neuf ou personnel mais surtout sans jamais prendre au sérieux des arguments autres que hagiographiques. Du coup Howl ne ressemble qu’à l’ombre du film qu’il aurait dû être, reste lisse et impersonnel comme une image en papier glacé, trop tendance pour être honnête. Le principal intérêt du film est finalement extra-filmique, c’est James Franco, idéalement casté pour ce génie homosexuel, moitié playboy moitié hirsute. Ce rôle est l’occasion pour l’acteur de poursuivre la construction de son statut hors-normes : à la fois acteur hollywoodien, écrivain romantique et thésard intello, à la fois vrai hétéro et personnalité queer (capable de poser sérieusement travesti et maquillé en une de magazines) à l’ambigüité décidément fascinante. On aimerait pouvoir appliquer le même adjectif au film.
Bonus
Pas de bonus vidéo, alors qu'un petit doc historique sur Ginsberg aurait été le bienvenue.