Happy End
De Haneke Michael
Éditeur : TF1 Vidéo
Zone 2
Nombre de disques : 1
Durée : 1h47
Sortie : 06/02/2018
« Tout autour le Monde et nous au milieu, aveugles. » Instantané d’une famille bourgeoise européenne.
MALICE MISÈRE
Avant même que de voir le film, on se doute - à raison - que le titre du nouveau film de Michael Haneke sera probablement ironique. Ce que l'on soupçonne moins, c'est à quel point, en allant ici très loin dans la noirceur, le réalisateur autrichien se rapproche d'une frontière inattendue : celle de l' humour. Un humour certes très noir, mais à la fois cinglant et suffisamment discret pour passer inaperçu. La monstruosité de la famille bourgeoise dépeinte ici porte en elle une dimension grotesque, c'est à dire à la fois effrayante et, quelque part, risible. Sans que l'un n'empèche l'autre. Quand Isabelle Huppert laisse jaillir un éclat de violence physique envers son fils, son geste brutal est immédiatement suivi par un regard fugace et hilarant envers les témoins. Haneke n'y va pas de main morte dans Happy End, est c'est précisément alors qu'il y a de moins en moins de quoi rire au fil des scènes, que l'humour s'invite fugacement, presque comme un mirage. L'auteur d'Amour est trop habile à la fois pour ne pas en avoir conscience, ou pour aller trop loin.
Happy End débute par ses séquences les plus abruptes. Des images brutes, sans dialogues ni explications, filmées avec des téléphones, des caméras de surveillance, des webcams. Le récit ne s'invite que très progressivement dans cet ensemble qui rappelle en même temps les caméras cachées de Benny's Video et Caché, mais aussi les plans presque dénués de personnages du Septième continent. Redite? Retour aux débuts radicaux du cinéastes, plutôt. Dans les thématiques abordées se trouvent aussi de nombreux échos avec le reste de la filmographie de Haneke : la transmission, la violence enfantine, la démission de la société, les secrets étouffants, et un sens du malaise permanent, en particulier derrière des actes sociaux les plus anodins ou codés - de la réception mondaine à la sortie des élèves d'une école, en passant par une séquence karaoké.
La violence semble pouvoir sortir de n'importe quel recoin de cette maison de plage, de n'importe quel personnage de cette famille de vampires affectifs, de n'importe quelle couche de la société. Happy End ressemble à un best of Haneke, mais une compilation qui éviterait la redondance en travaillant précisément l'intranquillité. Peut-on vraiment dire d'un artiste qu'il fasse « la même chose » quand il nous pousse à nouveau vers l'inattendu, quand son œuvre continue d'interroger tel un caillou dans la chaussure? Happy End fait rire (jaune et noir), mais dérange aussi beaucoup, et ce avec une tension proche d'un film d'horreur.