Enter the void
De Noé Gaspar
Éditeur : Wild Side Video
Zone 2
Nombre de disques : 1
Durée : 2h07
Sortie : 01/12/2010
Oscar et sa soeur Linda habitent depuis peu à Tokyo. Oscar survit de petits deals de drogue alors que Linda est stripteaseuse dans une boite de nuit. Un soir, lors d'une descente de police, Oscar est touché par une balle. Tandis qu'il agonise, son esprit, fidèle à la promesse faite à sa soeur de ne jamais l'abandonner, refuse de quitter le monde des vivants. Son esprit erre alors dans la ville et ses visions deviennent de plus en plus chaotiques et cauchemardesques. Passé, présent et futur se mélangent dans un maelstrom hallucinatoire.
SOUDAIN LE VIDE
C'est irréversible: la sortie de chaque nouveau long métrage de Gaspar Noé semble accompagnée d'une odeur de soufre, d'une trainée de poudre, d'un tribunal en carton jugeant sa soi-disant volonté de choquer le bourgeois. Si cela s'explique dans Seul contre tous ou Irréversible, Enter the Void met rapidement fin au débat: rien de bien choquant ici, pas spécialement de teasing bêta (hormis quelques plans de cul potaches et superflus), le nouveau Gaspar Noé n'est ni dans le jeu, ni dans la provocation, plutôt une forme qui fait corps avec son sujet pieu, obsessionnel, habité. Entrez dans le vide, pas celui, littéral, du titre français finalement abandonné (Soudain le vide) mais celui, plus imagé, spirituel, du titre anglais: Enter the Void. Celui du Bardo Thödol, le Livre tibétain des morts, dont les principes sont ici adaptés par le cinéaste franco-argentin. Soit l'aventure intérieure d'une âme quittant son corps à la suite d'un accident et qui va vivre les différentes étapes décrites dans le texte religieux: la lumière vers laquelle la caméra de Noé, en lévitation, semble attirée, ses faux-semblants, ses états intermédiaires, réminiscences et renaissance.
Une expérience. Enter the Void, pendant 2h40, joue sur les boucles formelles, la dilatation temporelle, séance d’hypnose dont la démarche est assez proche de celle d’une installation expérimentale, qui pourrait durer indéfiniment, en un long labyrinthe des songes. « Une mélodrame psychédélique », de la bouche même de l’auteur, qui trahit son approche naïve, frontale, premier degré, vraiment au pied de la lettre, mais portée par une irrésistible ambition. Rien de moins que ça : Enter the Void est une expérience psychotrope comme jamais vue à l'écran, un trip en lymbes disco-tokyoïtes, extase psyché et voyage parmi les morts, qui pourrait n'être qu'un pur objet sensitif à mise en scène incantatoire (ce qu'il est en partie, admirablement), mais certaines séquences, comme celles, saisissantes, des gamins, apportent de la chair aux stroboscopes hallucinés. A l'heure où la 3D est sur toutes les bouches, Noé, aidé de ses comparses Benoît Debie à la photo et Thomas Daft Punk Bangalter au son, prouve si besoin était qu’il n’y a pas forcément besoin de lunettes pour une immersion radicale – les 160 minutes d’Enter the Void sont de celles, rares, qui se regardent avec les yeux plus grands ouverts que d'habitude.