Cuirassé Potemkine (Le)
De Eisenstein Sergueï Mikhaïlovitch
Éditeur : MK2 Editions
Zone 2
Nombre de disques : 2
Durée : 1h08
Sortie : 21/08/2008
Les matelots du cuirassé Potemkine se mutinent alors que celui-ci mouille dans le port d’Odessa. Le mouvement de révolte se transmet rapidement aux habitants de la ville. La répression armée ne tarde pas.
LA RUSSIE ENTIERE S’EST SOULEVEE, SERONS NOUS LES DERNIERS?
Le Cuirassé Potemkine est le second film de Serguei Eisenstein après La Grève en 1924. Afin de commémorer les vingt ans des premières révolutions russes de 1905 le comité central du parti bolchévique commande ce film au réalisateur russe. Suite à des problèmes climatiques, qui empêchent la réalisation d’un scénario très dense dans les délais requis, la fresque prévue va se réduire à l’épisode du Potemkine dans la baie d’Odessa. La première aura lieu en décembre 1925 au théâtre du Bolchoï à Moscou et le grand poète Vladimir Maiakovski de le déclarer chef-d’œuvre qui doit impérativement être distribué. Ce qui sera chose faite le 19 décembre 1926 à Moscou avant de voir les copies circuler dans toute l’Union Soviétique. L’histoire du film ne fait alors que commencer et de nombreuses versions, plus ou moins censurées, ont suivies entre autres celles de 1950 et 1976 avant la restauration du film en sa supposée version de 1926 en 2005. Classique parmi les classiques ce film est le fruit d’un impressionnant travail. Ainsi, chaque plan est un exemple de composition minutieuse où les formes, les lignes, les mouvements sont travaillés au service de l’histoire : la naissance et la propagation du mouvement révolutionnaire. Eisenstein a poussé encore plus loin dans ce second métrage les expérimentations commencées avec La Grève. Toujours pas de personnage principal mais une masse au service de l’histoire avec ça et là des gros plans afin de donner des visages à la foule. Il s’agit ici de faire passer un message et l’identification des spectateurs doit être facilitée. Le montage est plus que jamais un instrument tels ces trois plans du lion de pierre mit à la suite le faisant se réveiller et se lever symbole de la révolte contre l’injustice et la violence. Le réalisateur concluant son œuvre sur un plan fixe en contre-plongée de la proue du Potemkine avançant qui donne l’impression que celui-ci va traverser l’écran métaphore de la survivance du mouvement révolutionnaire.
FRERES, SUR QUI TIREZ-VOUS?
Le Cuirassé Potemkine est, comme les tragédies antiques, découpé en cinq actes. Le premier met en place le contexte. L’équipage a faim et doit se contenter des miettes qu’un état tsariste pourri et gangréné (la viande qui grouille de vers servant de base à la nourriture des matelots) lui sert en patûre. Mais de cette pourriture se repaissent les larves qui montrent que cette décomposition nourrit le soulèvement à venir. Ce double message de mort qui engendre la vie reviendra régulièrement au cours du film. Ainsi quand le matelos instagateur de la mutinerie est assassiné par l’officier médecin à la fin du deuxième acte après la victoire de la mutinerie c’est pour mieux devenir le martyr qui fera se soulever la population d’Odessa. Car qui dit naissance, dit matrice féminine et le Potemkine est un territoire exclusivement masculin et tout l’entrain des matelots a briquer, préparer le terrain restera stérile. Les femmes prennent ainsi le relais dans l’acte trois et ce sont elles qui vont veiller le corps du matelot martyr, le pleurer, avant de se faire porte-parole d’un désir de vengeance qui va se propager dans la foule, la transformant en une seule et même troupe. Une troupe toute jeune et c’est donc un enfant qui va tomber en gros plans sous les balles des cosaques, mais vingt qui vont dévaler le fameux escalier d’Odessa dans le plan suivant. Le mouvement peut-être endeuillé mais plus stoppé. Tel le lion de pierre qui se dresse à la fin de l’acte quatre les canons sont au garde à vous sur le Potemkine pour le dernier acte et toute vapeur dehors le cuirassé file vers son destin à la rencontre de l’escadrille envoyée pour mater la révolte. Le tempo monte crescendo et au Tous pour un. Un pour tous du troisième acte fait place Tous contre un. Un contre tous. L’escadrille est en surnombre… mais répond favorablement à la demande de ralliement du Potemkine. Une grande liesse s’empare des matelots, l’histoire est en route.
Bonus
L’édition proposée par MK2 est composée de deux DVD, un pour le film et un pour les bonus.
Le premier bonus, Sur les traces du Potemkine, est consacré à l’histoire des copies du film de sa première projection à la restauration de 2005. Il est composé d’images du films, d’archives et d’interview de Naum Kleeman, historien russe du centre Eisenstein, Enno Patalas, historien allemand directeur de la restauration du film, et Helmut Imig, le compositeur allemand qui s’est chargé de l’aspect musical de la restauration. Ce bonus est une mine d’informations sur la destinée du film, dans et hors les frontières de la Russie. Il met notamment en parallèle les différentes versions, détaillant ainsi le travail de la censure et montre des images inédites qu’Eisenstein a choisi de ne pas utiliser. Il met aussi en contradictions certaines informations données par messieurs Kleeman et Patalas appuyant ainsi la difficulté d’établir avec certitude la véracité des faits concernant le destin du (des ?) négatif(s) du film.
Le second et dernier bonus, Naissance d’un cinéma révolutionnaire, replace le film dans le contexte historique de l’époque, dont il ne peut être dissocié, et son réalisateur Sergueï Eisenstein, notamment sur le plan artistique par rapport au mouvement de l’avant-garde soviétique. S’ensuit une passionnante explication de texte du film avec de nombreux exemples d’analyses de composition des plans et du travail de montage du réalisateur qui donnent envie de se replonger dans la vision du métrage afin de déchiffrer tous les plans qui ne sont pas repris dans les 17 petites minutes de ce bonus.