Coffret Hou Hsiao Hsien : 6 oeuvres de jeunesse
De Hsiao Hsien Hou
Zone 2
Nombre de disques : 1
Durée : 2h07
Sortie : 08/11/2017
Chef de file de la Nouvelle Vague taïwanaise, Hou Hsiao-hsien (The Assassin) est aujourd’hui l’un des réalisateurs les plus importants de la scène cinématographique mondiale et aura, dès le début de sa carrière, touché à tous les genres : de la comédie romantique au portrait mélancolique de la jeunesse urbaine de Taipei, en passant par les chroniques adolescentes de sa quadrilogie autobiographique. Minimaliste et sans esbroufe, privilégiant les plans-séquences (qui finiront par être sa marque de fabrique), son cinéma cherche à coller au réel avec poésie. « Cute Girl », « Green Green Grass of Home », « Les Garçons de Fengkuei », « Un temps pour vivre », un temps pour mourir », « Poussières dans le vent » et « La Fille du Nil » : six œuvres de jeunesse à découvrir pour la première fois dans leur version restaurée, éditées dans un coffret par Carlotta Films.
Certains le prétendent figé, impassible, d'autres collet monté pour ne pas dire asphyxiant, mais son art, ample et philanthrope, est loin d'être aussi cloisonné qu'on ne le pense. Hou Hsiao-Hsien, lame de fond à lui tout seul, a fait déferler sur les festivals cette méconnue Nouvelle Vague taiwanaise, aux côtés d'Edward Yang (Yi Yi), son brillant comparse resté trop longtemps dans l'ombre. En 1989, un Lion d'or à Venise (La Cité des douleurs) ranime une île de beauté engourdie et secouée d'intenses mutations, à l'image du cinéma de Hou Hsiao-Hsien, qui a opéré une révolution formelle sidérante, du naturalisme des Garçons de Fengkui à la sophistication d'un Millennium Mambo.
CONTINENT A LA DERIVE
Ecartelé entre deux pays, deux nationalités, l'homme (avant l'esthète) a connu plusieurs mues: une enfance buissonnière entre Hsinchu et Fengshan, une adolescence bagarreuse, un rendez-vous manqué avec l'université, un service militaire monacal, et l'éclosion inattendue d'une vocation artistique. 1947: Hou Hsiao-Hsien naît à Canton en Chine. La fin de l'occupation japonaise a ravivé les tensions entre le Guomindang de Tchang Kaï-Chek et le parti tout-puissant de Mao Tse-Tung. Nationalistes et communistes s'entre-déchirent dans une guerre civile de quatre ans, qui se conclut en 1949 par l'exil forcé de Tchang à Taiwan, et celui de plus d'un million et demi d'apeurés. Parmi eux, les parents de Hou, mais aussi ceux d'Edward Yang, alors âgé de deux ans. Vainqueur sur le continent, Mao proclame la naissance de la République populaire de Chine. C'est cette même confusion identitaire, cette nostalgie d'une terre mutilée et devenue inaccessible, qui constituent le coeur des fresques historiques de Hou. La levée de la loi martiale en 1987 favorise la mise en chantier de sa première oeuvre maîtresse, La Cité des douleurs, dédiée à l'amertume de la fin des années 40. A travers les destins contrariés de quatre frères, Hou se fait le témoin discret et clairvoyant d'une famille rompue par la guerre, les rivalités intestines et les flottements existentiels. Intime et distancié, le regard combine précision documentaire et habileté romanesque. Hou Hsiao-Hsien s'intéresse à l'Histoire, mais surtout à celle ignorée des quidams du passé, de ces chemins de croix individuels que lui décrivait sa grand-mère, persuadée de retrouver un jour sa terre natale.
CONTES CRUELS DE LA JEUNESSE
Sur l'enfance de Hou, rien ne sera escamoté, la chaleur diffuse de ses tableaux champêtres et urbains est entièrement liée à des épisodes dérivées de sa propre expérience. Le garnement des rues grandit seul, s'empêtre dans des amitiés mouvementées et des paris sans lendemain – un désoeuvrement qui n'est pas sans rappeler les ratés du trio de Goodbye South, Goodbye. Il guette les spectacles de marionnettes d'un temple taoïste, se glisse sans payer dans des salles de cinéma. Rongés par la maladie, son père, sa mère et sa grand-mère décèdent l'un après l'autre, avant sa majorité. Le versant autobiographique de l'oeuvre de Hou s'avère en réalité un journal à quatre voix, plus touffu qu'il n'y paraît. Le cinéaste condense non seulement ses souvenirs (les prémisses du scénario d'Un temps pour vivre, un temps pour mourir datent de ses années estudiantines), mais aussi de ceux de la romancière Chu Tien-Wen, sa collaboratrice attitrée avec qui il aiguise et adoucit son regard, et du réalisateur Wu Nien-Jen. Poussières dans le vent et Un été chez grand-père puisent dans leur vécu. Film-pivot de sa jeune carrière, Les Garçons de Fengkui repose quant à lui sur les écrits de Chen Cong-Wen. A la lecture de ses mémoires, Hou y décèle une facture, une tonalité qui le séduisent aussitôt et bouleversent sa méthode de travail. Le goût du plan-séquence, le désir d'embrasser l'espace, d'en restituer la profondeur, pour mieux apprécier les paradoxes et les atermoiements de ses personnages, se précise au fil des ans.
UN SI DOUX PAYSAGE
Diplômé de l'Académie nationale des arts, assistant scénariste au sein de la Central Motion Picture Corporation (alors régi par le Guomintang qui n'est pas à un diktat près) à ses débuts, Hou travaille à l'instinct. Même si le cinéma est devenue une évidence, après une incursion dans la comédie et la chanson, l'apprenti n'a pas encore conscience de la puissance et des désagréments d'un tel media. L'émergence – laborieuse - de la Nouvelle Vague taiwanaise coïncide avec les soubresauts politiques du pays. Les nouveaux talents remettent en cause l'hégémonie du CMPC et signent deux manifestes esthétiques, In Our Time et L'Homme-sandwich, films collectifs dans lesquels Hou, déjà bien rodé, montre la voie. Au contact de la brillante Chu Tien-Wen, des salons intellectuels, baigné dans une atmosphère contestataire, Hou se penche sur la littérature, la philosophie et commence à théoriser son approche du cinéma. La découverte des cinéastes européens légitiment ses convictions. Confident mesuré, Hou choisit de s'effacer au profit de ses protagonistes, aplanit l'intrigue, peaufine les déplacements, la gestuelle jusqu'à créer une surface harmonieuse, où le corps de l'acteur ne fait plus qu'un avec son environnement – un paysage aussi poignant qu'un visage. Son oeuvre, découpée en plusieurs volets thématiques, présente des cassures distinctes. Les années mercantiles (Cute Girl, L'Herbe verte de chez nous) sont balayées par le cycle autobiographique, lui-même supplanté par la trilogie sur la mémoire. Mais ce sont ses dernières déviations qui fascinent. Deux âges, deux errances féminines, deux précis de mise en scène: la sublime hypnose des Fleurs de Shanghai et les boucles enivrantes Millennium Mambo. Et le souvenir d'une jeune fille laissant l'emprunte de son visage dans la neige.