Bird People
De Ferran Pascale
Zone 2
Nombre de disques : 1
Durée : 2h07
Sortie : 22/10/2014
En transit dans un hôtel international près de Roissy, un ingénieur en informatique américain, soumis à de très lourdes pressions professionnelles et affectives, décide de changer radicalement le cours de sa vie. Quelques heures plus tard, une jeune femme de chambre de l'hôtel, qui vit dans un entre-deux provisoire, voit son existence basculer à la suite d'un événement surnaturel.
I’M LIKE A BIRD
Pascale Ferran n’a peur de rien, y compris de perdre un certain nombre de fans parmi ceux qu’elle s’était faits avec Lady Chatterley puis avec son engagement politique. Bird People n’est pas le film auquel on s’attendait de la part de la réalisatrice peu prolixe – et en même temps qui pourrait s’attendre à un film comme celui-ci ? Bird People n’est peut-être pas l’œuvre la plus carrée et efficace du monde, mais il est l’un des films les plus incroyablement culottés vus depuis longtemps. Un long-métrage toujours facile d’accès et qui témoigne pourtant d’un refus des conventions presque inconscient. Pascale Ferran ne craint rien. Elle n’a pas peur d’imposer au récit un rythme et un déroulé très particuliers, elle n’a pas peur de sa propre imagination, n’a pas peur du silence comme du ridicule. Le résultat est tellement imprévisible qu’il vaut mieux en savoir le moins possible sur cette histoire de fou. La réalisatrice elle-même, par l’intermédiaire d’un petit mot glissé dans le dossier de presse, a courtoisement demandé aux journalistes de respecter le silence et le mystère qu’elle a imposé à son équipe. Et ne comptez pas sur nous pour vous vendre la mèche. La plus grande qualité ici à l’œuvre, c’est effectivement la bravoure avec laquelle sont imposés des décrochages qui laissent parfois perplexe mais plus souvent bouche bée.
A plus d’un titre, Bird People possède néanmoins les défauts de ses audaces : tantôt assommant dans sa manière de ne pas vouloir couper ou réduire la moindre conversation téléphonique et cryptique dans sa manière de retenir longtemps les informations relatives à certains personnages et leurs rapports. Surtout, à force de ne pas avoir peur du ridicule, Ferran finit par s’y salir les mains, semant çà et là des détails triviaux, presque vulgaires, et du coup difficilement justifiables (très légers spoilers en guise d’exemple: des gags dignes de Titi et Grosminet, une voix off sortie tout droit de Allo maman ici bébé ou une référence à Batman à peu près du même niveau). La réalisatrice aurait pu jouer la carte de la poésie digne et classe, à l’image de ses nombreux plans aériens sur les lumières de la ville, dessinant une émouvante cartographie d’une masse de gens invisibles. L’hybridation entre le sérieux du sous-texte (la solitude urbaine, le monde du travail aliénant, l’angoisse des lieux ou personne n’est chez soi) et le conte enfantin est un cocktail risqué, une arme qui menace plus d’une fois de se retourner contre l’ensemble. Il faut le voir pour le croire, mais Bird People ressemble effectivement à un improbable mix entre Le Quattro Volte et Gloups ! Je suis un poisson. Rien que ça. Et pourtant, rien qu’en un plan, crucial et placé au cœur du film, Ferran rétablit l’équilibre, rafle la mise et nous transporte avec élan dans sa croyance folle dans le premier degré merveilleux. Un instant de pure mise en scène où tout bascule, et le film décolle alors littéralement.