2046

2046
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2046
De Wong Kar-wai
Éditeur : Océan Films
Zone 2
Nombre de disques : 1
Sortie : 26/05/2005
Note du film : ******
Note FilmDeCulte : ******
Location DVD online
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Années soixante. Un écrivain se remémore les femmes qui ont marqué sa vie, Lulu, Wang Jing Wen, Bai Ling et Su Li Zhen. Chacune lui inspirent les bribes d'un roman de science-fiction intitulé 2046 (le numéro de la chambre qu'elles occupent à tour de rôle) et dans lequel il projette ses amours et ses peines.

COMMENT TE DIRE ADIEU

"Je n'ai plus rien à perdre. Rien que du temps." Les valses effrénées et les sinuosités torrentielles de 2046, retraite dorée assaillie de plaintes et de murmures, ne défendent aucune histoire, seulement des éclats de voix, des adieux scellés un soir, des regrets lacérant la mémoire, des impressions confuses butinées une à une. Les ébauches d'un roman qui s'enlise, les effluves du passé qui pétrifient l'avenir, le carnet de bord d'un cinéaste tenaillé par l'échec et l'impossible... Rien à perdre: l'aveu sonne comme un caprice, mais il n'a jamais touché d'aussi près la réalité d'un tournage. Retard? 2046 est un secret bien gardé mais, sans surprise, une romance lacunaire à contretemps, un autoportrait à rebours des attentes qu'il a amplement suscitées, où se ravivent les doléances d'hier et se pressent les voluptueux détours du présent. Remontage? L'inachèvement est la seule réponse possible, un film de Wong Kar-Wai touche contre son gré la rive adverse, les errances préfèrent honorer le manque et les turbulences. Ecrivain sur le tard, intrigant Narcisse, Chow Mo-Wan n'a plus rien à perdre, seulement des naufrages à ressasser, des flirts, des rancoeurs à repriser... Ni redite paresseuse ni miroir indulgent, 2046 est la quintessence de l'énigme Wong Kar-Wai, une spectaculaire et caressante étoffe de soie qui n'en finit plus de déployer ses spectres et de faire tressauter ses ourlets. Mais ce spectaculaire touche à l'intimité d'un couple, pirogue interchangeable et immuable, et ne promet qu'un infini, celui des sentiments.

BOUCLES EPHEMERES

Wong Kar-Wai perd-il son temps? La même étincelle érotique, ces mêmes prunelles qui s'abîment; aussi complice et solidaire soit-il, 2046 n'est pas la suite d'In the Mood for Love, encore moins son décalque servile et redondant. Il serait tout aussi vain de reprocher à Wong de forer toujours les mêmes puits et de s'abandonner veulement à l'auto-citation. Les somptueuses morsures musicales enserrent aussi bien les fantômes de Truffaut, Fassbinder et Kieslowski. Bien avant le triomphe d'In the Mood for Love, tous ses films maintenaient avec force ces noeuds inextricables, cet ostensible air de famille, ces subtils et francs regards de connivence. Indécis, incorrigible, Wong Kar-Wai n'a jamais tenu qu'une seule promesse, celle de défier le temps pour étreindre un frisson, insinuer un froissement, retirer ou enfoncer l'entaille qui opprime son alter ego (Tony Leung, souverain et bouleversant). A cheval entre les âges et les souvenirs, 2046 est la pierre angulaire d'une oeuvre éclatée, la somme de rendez-vous manqués et son ultime souffle poétique. Wong voulait faire de son huitième long métrage un cirque de créatures hybrides, une transe éternelle qui échapperait aux injonctions, aux impératifs, à l'avilissement, mais reviendrait amère et mutilée vers une réalité ankylosée. Après les circonvolutions et les impasses, 2046 a conservé l'encre du passé, délavée par les remords, les repentirs, mais tressée de nouvelles nuances, inattendues, dérisoires, sublimes et essentielles.

SES YEUX BRÛLENT

Il entrevoit ses talons dansants, redoute "la Mygale" sous le gant noir, rémunère ses services pour mieux l'évincer. Le tintement de ses boucles d'oreille fait rejaillir le fiel et le spleen de Nos Années sauvages. Le fétichisme va au-delà de l'artifice, chaque objet est un monde en soi, le sceau discret de l'héroïne qu'il masque. Chow Mo Wan, l'écrivain cynique et dédaigneux, égrène ses souvenirs comme Wong Kar-Wai dépouille et réinvente les siens, s'entoure de muses inaccessibles, grâces mutines, rêvées, reniées, trop désirées, tant ignorées, quatre femmes dissemblables qui rivalisent d'atours et de fragilité. Les portraits s'épaississent et s'effilochent au gré de l'inspiration, les paroles équivoques zèbrent les pages déchirées une à une. La farouche Bai Ling (Zhang Ziyi, stupéfiante) tient les rênes de la parade sentimentale mais n'en demeure pas moins une courtisane vulnérable. Su Li Zhen l'insatiable tricheuse (Gong Li) emprunte le gant de Gilda, signe même de sa nature charmeuse et trouble. La coquette Lulu (Carina Lau), réminiscence de Nos Années sauvages, apprend la disparition de Yuddy "l'oiseau sans pattes", pendant que défilent sur un paravent les photos jaunies de leur jeunesse insouciante. Aparté magique: Wong rend hommage au regretté Leslie Cheung (Les Cendres du temps, Happy Together), décédé en 2003. Au-delà des messes basses, au détour des sanglots et des vapeurs de jouissance, un visage angélique et furtif trahit les démons du passé. In the Mood for Love emmurait les confidences, 2046 en offre la clé.

LES VESTIGES DU JOUR

Les esquives et les enchevêtrements (les images d'archives couplées à la partition magistrale de Peer Raben, l'onirisme de la sphère fantastique, couloirs rougeoyants et cité rétro-futuriste) épuisent les trames formelles et toutes les digressions amoureuses possibles. Excessif, charnel, langoureux et impatient, 2046 s'élève et se consume avec ses tourtereaux versatiles, magnifie leurs dérives, suspend une émotion apeurée et la regarde se faner. Wong se livre sans retenue (l'irrésolu qui écrit des romans grivois, fait de la science-fiction un simple trompe-l'oeil, se heurte à la page blanche, c'est lui) et réussit, malgré le chaos, malgré les cassures, à distiller de nouvelles intonations pour envelopper la beauté du manque, l'inconstance des serments. Plus fiévreux qu'In the Mood for Love, plus dense que Les Cendres du temps, 2046 est une révolution feutrée et permanente. Les romances platoniques (Jing Wen et son voisin japonais), littéraires (Lulu vient réclamer une fin d'héroïne tragique), surnaturelles (l'androïde aux sentiments différés) et sensuelles (Bai Ling et sa fierté brimée) confortent le labyrinthe mental, à la lisière du songe, à la croisée des genres et des époques. Wong gradue le film d'encoches précises: les sixties de l'enfance, Noël et son traditionnel désarroi, ces heures incantatoires qui glissent et se dérobent pendant que l'encre s'assèche. Chow Mo Wan perd son Eurydice une dernière fois. La mort dans l'âme, le joueur malchanceux continue de faire miroiter les innombrables "si" de sa vie.

par Danielle Chou

Bonus

IMAGE ET SON

Après la classieuse édition DVD d'In the Mood for Love, Océan Films et TF1 Video n'ont pas ménagé leurs efforts pour enrichir le collector de 2046, dont le tournage fleuve et la présentation mouvementée à Cannes en 2004 promettaient de longs et beaux bonus. Océan abandonne le packaging en carton pour le boîtier métallique avec hublot intégré et se fend même d'un "guide du voyageur", joli livret illustré de douze pages. Dommage que les deux galettes (celle du film et celle des suppléments), empilées l'une sur l'autre, refusent de rester en place dans la boîtier en question. Le transfert est de toute beauté, les couleurs chaudes et contrastées ont retrouvé leur éclat, et le soin méticuleux apporté à la piste audio relève du travail d'orfèvre (piste DTS 5.1 en VO). Le premier DVD dispose d'un chapitrage musical et a été agrémenté d'une version française inédite en salles de bonne tenue.

BONUS

Les trois heures de suppléments condensent les traditionnels outils promotionnels (making-of, entretiens, bandes-annonces et galeries, mais pas de commentaire audio). S'ils s'avèrent une bonne introduction à l'univers de Wong Kar-Wai, ils n'apprendront pas grand-chose aux autres, familiers de l'oeuvre ou lecteurs de la presse spécialisée. La navigation est agréable, les menus attractifs déclinent les magnifiques thèmes principaux de la bande originale de 2046. Les bonus sont composés de quatre parties thématiques, chacune dédiée à une époque du film: 1963, 1966, 1967, 2046. "2047" regroupe l'ensemble des parties et les zones 1224-1225 sont de simples encarts publicitaires. Un clip se met automatiquement en route si on laisse défiler les menus au-delà d'une certaine durée.

Zone 1963: Singapour, salle de jeu Orchad

- As de pique. Une figure imposée pour commencer, l'incontournable making-of (37 min) qui revient sur le tournage épique de 2046 et les raisons d'un telle dispersion. Le document propose les témoignages de Wong Kar-Wai et de ses principaux interprètes: Tony Leung, Zhang Ziyi la révélation de Tigre et Dragon, Faye Wong chanteuse de formation découverte dans Chungking Express, Takuya Kimura idole de la télévision japonaise, Chang Chen qui a fait ses débuts chez Edward Yang (Yi Yi) et Carina Lau, qui reprend le rôle de Lulu dans Nos Années sauvages. Manquent à l'appel: Maggie Cheung dont la présence/absence au montage final a beaucoup fait jaser, et Gong Li arrivée tardivement sur les plateaux. Au milieu d'extraits du film et d'instantanés capturés pendant le tournage, Wong précise que 2046 n'est pas une suite d'In the Mood for Love, plutôt une "variation", une "conséquence". Une vraie suite impliquerait que les personnages de Tony Leung et Maggie Cheung se retrouvent dans 2046, or Wong Kar-Wai pense avoir déjà tout dit de leur romance en pointillés.

Le making-of schématique fait la part belle aux anecdotes et aux acteurs désarçonnés par les méthodes de Wong: Faye Wong qui peine à pleurer, Chang Chen intimidé par les scènes de nu avec Carina Lau, Zhang Ziyi engagée pour son tempérament de feu et devant subir quotidiennement 6 heures de préparation (habillage-coiffage-maquillage). Précision importante: au moment où ils sont interviewés, les acteurs n'ont pas encore vu le film. Suivent deux courts documents: le premier (Dans la peau de Mademoiselle Bai, 3 min) est entièrement dévoué à Zhang Ziyi, une amusante succession de rushes, sans commentaire, où l'on voit l'actrice répéter et grimacer devant l'objectif complice. Le second (Anatomie du souvenir, 5 min), plus sérieux, s'attarde sur la conception de la ville futuriste, à l'aide de maquettes et d'ébauches de story-boards. Le film présenté à Cannes montrait le line-test en noir et blanc. Le film diffusé en salles est un compromis entre deux approches: celle de William Chang (monteur et décorateur) qui souhaitait insister sur les tableaux de néons et celle de Wong Kar-Wai, séduit par l'aspect "filandreux" de la version cannoise.

- Roi de coeur. Cette sous-section mérite le coup d'oeil puisqu'elle donne une idée (16 min) de l'évolution esthétique de 2046 en l'espace de deux ans et des incessants jeux de poupées russes auxquels s'est heurtée la production. Les promo-reel et les teasers de 2002 laissent entrevoir une ville industrielle rétro-kitsch, où Zhang Ziyi joue les funambules, Faye Wong pose en combinaison dorée et des vagabonds hantent un étrange no man's land. Chang Chen semble y jouer un rôle plus conséquent. Pas de trace des années 60 et des intrigues d'hôtel, seule une voix-off en anglais dissémine quelques indices. La plupart de ces séquences futuristes ont été évincées du montage final. Les captures d'écran de ces teasers ont néanmoins circulé sur les sites Internet bien avant la sortie du film, sans que personne ne parvienne à mettre la main sur le pitch définitif, Wong délestant son scénario au fur et à mesure. Dans le trailer cannois de mai 2004, le thème principal de Shigeru Umebayashi est lui aussi différent.

Zone 1966: Hong-Kong, Oriental Hôtel

- Chambre 2046. Les huit scènes coupées sont d'un intérêt inégal et leur durée (de 2 à 5 min) ajoute à leur caractère dérisoire. Hautement fétichiste, Pourquoi les androïdes ne peuvent-ils pas quitter le train? jette un habile parallèle entre les talons clignotants de la robote et ceux portés par Faye Wong dans les années 60. Quand M. Chow demande l'aide de Mlle Bai pour gagner son pari, Mlle Bai intercepte le veston de M. Chow et M. Chow a confié sa clé à une amie sont quant à eux des prolongements dispensables sur la complicité des deux voisins: une bouffée de jalousie envers une rivale, une liasse de billets glissée dans une poche et autant de menus et subtils détails. Triste soirée pour Mlle Bai fait directement écho à la solitude de Su Lizhen (Maggie Cheung) dans In the Mood for Love. Les trois dernières scènes coupées suscitent davantage de curiosité. La Mygale cherche M. Chow à son hôtel remet à l'honneur l'émouvant personnage de Gong Li. Avec son thème lancinant et ses inserts de dialogues écrits, la séquence muette M. Chow reçoit la visite de son personnage androïde forme une boucle onirique, à l'image des deux silhouettes qui gravissent les escaliers symétriques et de l'immense horloge montgolfière qui tourne sur elle-même. Un bel aparté qui se suffit à lui-même. La fin alternative et moins romanesque, projette l'écrivain dans le train du futur. Accoudé au bar, il regarde l'oeuf empli de secrets sur lequel s'ouvre le film.

- Chambre 2047, Bureau du directeur, Réception. Le premier segment expose une galerie de scènes coupées et de photo-montages qui pallient les absences de Maggie Cheung et montrent d'autres plans de la ville futuriste. Ces images sont accompagnées de portraits et de vues d'ensemble sur les décors du méconnu William Chang qui, en plus du montage, a également supervisé tous les costumes. Consacré à la musique, le deuxième segment est introduit par le cinéaste en personne. Wong rappelle en quelques mots l'influence des films de François Truffaut et de R.W. Fassbinder; les extraits de George Delerue et de Peer Raben baignent 2046 d'une atmosphère triste et nostalgique. Suivent les "notes poétiques" de Joanna C. Lee, déjà disponibles dans le livret de la bande originale, la liste des morceaux et les biographies des compositeurs Shigeru Umebayashi et Peer Raben. Seule surprise: un clip illustrant le morceau Casta Diva (8 min), mosaïque superflue de séquences du film, assortie de quelques plans inédits (un baiser échangé entre Takuya Kimura et Carina Lau, de nouveaux panoramas sur la ville). Enfin, le troisième segment offre une plage multimédia (fonds d'écrans, économiseurs, liens Internet, dossier de presse).

Zone 1967: Hong-Kong, restaurant Lung Kee

- Entrées. Les Légendes cannoises (27 min) détaillent le barnum de 2004 et les folles rumeurs qui ont précédé la présentation du film. Entrecoupée d'extraits de conférences de presse (à Cannes, à Rotterdam), d'images de la montée des marches et du photo-call, l'interview de Thierry Frémaux, délégué artistique du festival, retrace le parcours de 2046, depuis un déjeuner avec Wong Kar-Wai et Gilles Jacob, pendant l'été 2003. Frémaux réfute les accusations d'opération marketing et n'accorde pas plus d'importance aux remontages des films à Cannes ("pour l'amour de l'art"). Il confirme en revanche le flou généralisé entourant l'intrigue du film, les informations contradictoires d'un mois à l'autre et le silence radio jusqu'au jour J. Les séquences de Gong Li n'auraient été ajoutées qu'au mois de février, soit quatre mois avant l'ouverture du festival. Mais In the Mood for Love avait lui aussi été présenté dans une copie de travail et l'histoire de la Croisette n'est pas à une catastrophe près (Coppola était venu à Cannes avec trois fins d'Apocalypse Now). La suite, on la connaît. Retard des avions transportant les bobines, annulation le jour même de la projection de presse du matin, organisation précipitée de deux projections simultanées à 19h. Frémaux n'a pu assister qu'aux répétitions d'une seule copie. Ce qu'on sait moins, c'est que la projection de presse a eu droit à un écran noir de trente secondes; les bobines manquantes se baladaient sur une moto au moment où les premières étaient lancées.

- Plats, Desserts. Retour aux bandes-annonces françaises, hong-kongaises, teasers chinois et projets abandonnés (1 à 3 min), sensiblement identiques. Les "desserts" présentent de nouvelles galeries d'affiches.

Zone 2046: La ville où rien ne change jamais

- Tour 993, Tour 994, Tour 995, Tour 996. Deux documents, plus consistants que le making-of, concluent le tour d'horizon: les Regards croisés entre Wong Kar-Wai et Tony Leung de passage à Paris, assortis d'une interview inédite de Zhang Ziyi (17 min), et le Portrait élogieux du cinéaste (21 min) par trois plumes, Jean-Michel Frodon (Le Monde), Michel Ciment (Positif) et Pascal Mérigau (Le Nouvel Observateur) qui s'empressent de souligner les influences littéraires de Wong. On retiendra que Tony Leung et son mentor envisagent à l'avenir de "tenter autre chose". La "Tour 995" survole la symbolique des chiffres dans 2046, sans les éclairer davantage. La "Tour 996" établit une liste de fiches artistiques, biographies et filmographies de l'équipe de tournage.

Zones 1224 et 1225: Noël.

- Films asiatiques en DVD. - Catalogue DVD Océans. - Générique complet du film. - Crédits DVD.

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Après la classieuse édition DVD d'In the Mood for Love, Océan Films et TF1 Video n'ont pas ménagé leurs efforts pour enrichir le collector de 2046, dont le tournage fleuve et la présentation mouvementée à Cannes en 2004 promettaient de longs et beaux bonus. Océan abandonne le packaging en carton pour le boîtier métallique avec hublot intégré et se fend même d'un "guide du voyageur", joli livret illustré de douze pages. Dommage que les deux galettes (celle du film et celle des suppléments), empilées l'une sur l'autre, refusent de rester en place dans la boîtier en question. Le transfert est de toute beauté, les couleurs chaudes et contrastées ont retrouvé leur éclat, et le soin méticuleux apporté à la piste audio relève du travail d'orfèvre (piste DTS 5.1 en VO). Le premier DVD dispose d'un chapitrage musical et a été agrémenté d'une version française inédite en salles de bonne tenue.

BONUS

Les trois heures de suppléments condensent les traditionnels outils promotionnels (making-of, entretiens, bandes-annonces et galeries, mais pas de commentaire audio). S'ils s'avèrent une bonne introduction à l'univers de Wong Kar-Wai, ils n'apprendront pas grand-chose aux autres, familiers de l'oeuvre ou lecteurs de la presse spécialisée. La navigation est agréable, les menus attractifs déclinent les magnifiques thèmes principaux de la bande originale de 2046. Les bonus sont composés de quatre parties thématiques, chacune dédiée à une époque du film: 1963, 1966, 1967, 2046. "2047" regroupe l'ensemble des parties et les zones 1224-1225 sont de simples encarts publicitaires. Un clip se met automatiquement en route si on laisse défiler les menus au-delà d'une certaine durée.

Zone 1963: Singapour, salle de jeu Orchad

- As de pique. Une figure imposée pour commencer, l'incontournable making-of (37 min) qui revient sur le tournage épique de 2046 et les raisons d'un telle dispersion. Le document propose les témoignages de Wong Kar-Wai et de ses principaux interprètes: Tony Leung, Zhang Ziyi la révélation de Tigre et Dragon, Faye Wong chanteuse de formation découverte dans Chungking Express, Takuya Kimura idole de la télévision japonaise, Chang Chen qui a fait ses débuts chez Edward Yang (Yi Yi) et Carina Lau, qui reprend le rôle de Lulu dans Nos Années sauvages. Manquent à l'appel: Maggie Cheung dont la présence/absence au montage final a beaucoup fait jaser, et Gong Li arrivée tardivement sur les plateaux. Au milieu d'extraits du film et d'instantanés capturés pendant le tournage, Wong précise que 2046 n'est pas une suite d'In the Mood for Love, plutôt une "variation", une "conséquence". Une vraie suite impliquerait que les personnages de Tony Leung et Maggie Cheung se retrouvent dans 2046, or Wong Kar-Wai pense avoir déjà tout dit de leur romance en pointillés.

Le making-of schématique fait la part belle aux anecdotes et aux acteurs désarçonnés par les méthodes de Wong: Faye Wong qui peine à pleurer, Chang Chen intimidé par les scènes de nu avec Carina Lau, Zhang Ziyi engagée pour son tempérament de feu et devant subir quotidiennement 6 heures de préparation (habillage-coiffage-maquillage). Précision importante: au moment où ils sont interviewés, les acteurs n'ont pas encore vu le film. Suivent deux courts documents: le premier (Dans la peau de Mademoiselle Bai, 3 min) est entièrement dévoué à Zhang Ziyi, une amusante succession de rushes, sans commentaire, où l'on voit l'actrice répéter et grimacer devant l'objectif complice. Le second (Anatomie du souvenir, 5 min), plus sérieux, s'attarde sur la conception de la ville futuriste, à l'aide de maquettes et d'ébauches de story-boards. Le film présenté à Cannes montrait le line-test en noir et blanc. Le film diffusé en salles est un compromis entre deux approches: celle de William Chang (monteur et décorateur) qui souhaitait insister sur les tableaux de néons et celle de Wong Kar-Wai, séduit par l'aspect "filandreux" de la version cannoise.

- Roi de coeur. Cette sous-section mérite le coup d'oeil puisqu'elle donne une idée (16 min) de l'évolution esthétique de 2046 en l'espace de deux ans et des incessants jeux de poupées russes auxquels s'est heurtée la production. Les promo-reel et les teasers de 2002 laissent entrevoir une ville industrielle rétro-kitsch, où Zhang Ziyi joue les funambules, Faye Wong pose en combinaison dorée et des vagabonds hantent un étrange no man's land. Chang Chen semble y jouer un rôle plus conséquent. Pas de trace des années 60 et des intrigues d'hôtel, seule une voix-off en anglais dissémine quelques indices. La plupart de ces séquences futuristes ont été évincées du montage final. Les captures d'écran de ces teasers ont néanmoins circulé sur les sites Internet bien avant la sortie du film, sans que personne ne parvienne à mettre la main sur le pitch définitif, Wong délestant son scénario au fur et à mesure. Dans le trailer cannois de mai 2004, le thème principal de Shigeru Umebayashi est lui aussi différent.

Zone 1966: Hong-Kong, Oriental Hôtel

- Chambre 2046. Les huit scènes coupées sont d'un intérêt inégal et leur durée (de 2 à 5 min) ajoute à leur caractère dérisoire. Hautement fétichiste, Pourquoi les androïdes ne peuvent-ils pas quitter le train? jette un habile parallèle entre les talons clignotants de la robote et ceux portés par Faye Wong dans les années 60. Quand M. Chow demande l'aide de Mlle Bai pour gagner son pari, Mlle Bai intercepte le veston de M. Chow et M. Chow a confié sa clé à une amie sont quant à eux des prolongements dispensables sur la complicité des deux voisins: une bouffée de jalousie envers une rivale, une liasse de billets glissée dans une poche et autant de menus et subtils détails. Triste soirée pour Mlle Bai fait directement écho à la solitude de Su Lizhen (Maggie Cheung) dans In the Mood for Love. Les trois dernières scènes coupées suscitent davantage de curiosité. La Mygale cherche M. Chow à son hôtel remet à l'honneur l'émouvant personnage de Gong Li. Avec son thème lancinant et ses inserts de dialogues écrits, la séquence muette M. Chow reçoit la visite de son personnage androïde forme une boucle onirique, à l'image des deux silhouettes qui gravissent les escaliers symétriques et de l'immense horloge montgolfière qui tourne sur elle-même. Un bel aparté qui se suffit à lui-même. La fin alternative et moins romanesque, projette l'écrivain dans le train du futur. Accoudé au bar, il regarde l'oeuf empli de secrets sur lequel s'ouvre le film.

- Chambre 2047, Bureau du directeur, Réception. Le premier segment expose une galerie de scènes coupées et de photo-montages qui pallient les absences de Maggie Cheung et montrent d'autres plans de la ville futuriste. Ces images sont accompagnées de portraits et de vues d'ensemble sur les décors du méconnu William Chang qui, en plus du montage, a également supervisé tous les costumes. Consacré à la musique, le deuxième segment est introduit par le cinéaste en personne. Wong rappelle en quelques mots l'influence des films de François Truffaut et de R.W. Fassbinder; les extraits de George Delerue et de Peer Raben baignent 2046 d'une atmosphère triste et nostalgique. Suivent les "notes poétiques" de Joanna C. Lee, déjà disponibles dans le livret de la bande originale, la liste des morceaux et les biographies des compositeurs Shigeru Umebayashi et Peer Raben. Seule surprise: un clip illustrant le morceau Casta Diva (8 min), mosaïque superflue de séquences du film, assortie de quelques plans inédits (un baiser échangé entre Takuya Kimura et Carina Lau, de nouveaux panoramas sur la ville). Enfin, le troisième segment offre une plage multimédia (fonds d'écrans, économiseurs, liens Internet, dossier de presse).

Zone 1967: Hong-Kong, restaurant Lung Kee

- Entrées. Les Légendes cannoises (27 min) détaillent le barnum de 2004 et les folles rumeurs qui ont précédé la présentation du film. Entrecoupée d'extraits de conférences de presse (à Cannes, à Rotterdam), d'images de la montée des marches et du photo-call, l'interview de Thierry Frémaux, délégué artistique du festival, retrace le parcours de 2046, depuis un déjeuner avec Wong Kar-Wai et Gilles Jacob, pendant l'été 2003. Frémaux réfute les accusations d'opération marketing et n'accorde pas plus d'importance aux remontages des films à Cannes ("pour l'amour de l'art"). Il confirme en revanche le flou généralisé entourant l'intrigue du film, les informations contradictoires d'un mois à l'autre et le silence radio jusqu'au jour J. Les séquences de Gong Li n'auraient été ajoutées qu'au mois de février, soit quatre mois avant l'ouverture du festival. Mais In the Mood for Love avait lui aussi été présenté dans une copie de travail et l'histoire de la Croisette n'est pas à une catastrophe près (Coppola était venu à Cannes avec trois fins d'Apocalypse Now). La suite, on la connaît. Retard des avions transportant les bobines, annulation le jour même de la projection de presse du matin, organisation précipitée de deux projections simultanées à 19h. Frémaux n'a pu assister qu'aux répétitions d'une seule copie. Ce qu'on sait moins, c'est que la projection de presse a eu droit à un écran noir de trente secondes; les bobines manquantes se baladaient sur une moto au moment où les premières étaient lancées.

- Plats, Desserts. Retour aux bandes-annonces françaises, hong-kongaises, teasers chinois et projets abandonnés (1 à 3 min), sensiblement identiques. Les "desserts" présentent de nouvelles galeries d'affiches.

Zone 2046: La ville où rien ne change jamais

- Tour 993, Tour 994, Tour 995, Tour 996. Deux documents, plus consistants que le making-of, concluent le tour d'horizon: les Regards croisés entre Wong Kar-Wai et Tony Leung de passage à Paris, assortis d'une interview inédite de Zhang Ziyi (17 min), et le Portrait élogieux du cinéaste (21 min) par trois plumes, Jean-Michel Frodon (Le Monde), Michel Ciment (Positif) et Pascal Mérigau (Le Nouvel Observateur) qui s'empressent de souligner les influences littéraires de Wong. On retiendra que Tony Leung et son mentor envisagent à l'avenir de "tenter autre chose". La "Tour 995" survole la symbolique des chiffres dans 2046, sans les éclairer davantage. La "Tour 996" établit une liste de fiches artistiques, biographies et filmographies de l'équipe de tournage.

Zones 1224 et 1225: Noël.

- Films asiatiques en DVD. - Catalogue DVD Océans. - Générique complet du film. - Crédits DVD.

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