Zodiac
États-Unis, 2006
De David Fincher
Scénario : James Vanderbilt
Avec : Brian Cox, Anthony Edwards, Jake Gyllenhaal, Mark Ruffalo, Chloë Sevigny
Durée : 2h36
Sortie : 16/05/2007
FESTIVAL DE CANNES 2007 -Zodiac, l'insaisissable tueur en série qui sévit à la fin des années 60 et répandit la terreur dans la région de San Francisco, fut le Jack l'Eventreur de l'Amérique. Prodigue en messages cryptés, il semait les indices comme autant de cailloux blancs, et prenait un malin plaisir à narguer la presse et la police. Il s'attribua une trentaine d'assassinats, mais fit bien d'autres dégâts collatéraux parmi ceux qui le traquèrent en vain.
L'ECLIPSE
Cinq ans après Panic Room, huis clos paranoïaque hanté par la violation de l’intimité, thème également exploité dans Alien3 et The Game, le cinéaste américain David Fincher revient sur le devant de la scène avec certainement son meilleur long métrage à ce jour, justement sélectionné dans la compétition officielle du 60e Festival de Cannes. Lors de la mise en production de Zodiac, beaucoup craignaient pourtant la simple redite de Se7en, thriller en avance sur son temps qui avait installé durablement les codes du film de serial killer. Que l’auteur maintes fois repris par les faussaires s’intéresse au premier assassin médiatique des Etats-Unis, dont la folie meurtrière a entraîné de nombreux copycats, paraît finalement assez logique. Enfant à l’époque des faits, David Fincher a bien sûr été marqué par la folle odyssée macabre du Tueur du Zodiaque. Il souhaitait depuis longtemps porter sa vision de l’affaire et comprendre l’obsession des trois enquêteurs successifs, Paul Avery (Robert Downey Jr, épatant), le spécialiste des affaires criminelles au San Francisco Chronicle, son collègue, le dessinateur Robert Graysmith (Jake Gyllenhaal) et l’inspecteur de police David Toschi (Mark Ruffalo). Long pour un film de genre (2h36), dense et documenté, anti-commercial au possible malgré la perfection de sa mise en scène, Zodiac rend justice au combat de ces hommes par une approche quasi-documentaire.
LES PREUX CHEVALIERS
Le film débute pourtant comme un Se7en bis. Après un impeccable générique, le Tueur du Zodiaque sévit une première fois, tue deux jeunes adolescents et envoie une première missive codée au San Francisco Chronicle, le journal local. Le spectateur est alors en terrain familier. Les héros campent devant une énigme chiffrée, relèvent les indices, échafaudent des hypothèses. Le meurtrier contacte même une chaîne de télévision pour de mystérieux aveux qui, pense-t-on alors, le mèneront à sa perte. La police semble proche de l’arrestation, David Toschi interroge même un suspect sur la foi d’un témoignage visuel du seul rescapé du Zodiac… Fausse piste. Le film ne cherche pas à trouver un coupable et une résolution ni même à créer un quelconque suspense sur l’identité de l’assassin. Si celui-ci reste hors champs lors des deux premiers meurtres, ce n’est pas tant pour cacher la vérité que pour nous mettre dans la peau des victimes et pour nous renvoyer aussi à notre propre fascination pour les monstres de l’histoire, que leurs crimes soient individuels ou collectifs. Pourquoi sommes-nous obsédé par le Mal? Pourquoi Robert Graysmith, simple cartooniste, va jusqu’à sacrifier sa vie de famille pour comprendre les tenants et les aboutissants de l’affaire ?
NAISSANCE D’UN CINEASTE
Les citations cinéphiles - Les Chasses du comte Zaroff, L’Inspecteur Harry - ne sont pas innocentes. David Fincher s’interroge bien sûr sur la portée symbolique des images et ce qu’elle provoque sur l’imaginaire collectif. Dans un premier temps, Le Tueur du Zodiaque va, par réaction, provoquer une demande du public pour les flics intraitables, avant d’être fantasmé et de devenir un produit de consommation courante, le méchant croquemitaine. Le film est d’autant plus intéressant qu’il prend à contresens tous les codes justement établis par Se7en. Zodiac respecte la vérité des faits, les erreurs et les zones troubles, fait ressentir les à-côtés non spectaculaires d’une enquête policière, évite à tout prix, surtout dans sa dernière heure, la tentation du spectaculaire. Bien sûr, David Fincher reste un surdoué de l’image et le prouve aisément en quelques séquences-choc – la deuxième série de meurtres, la visite de Robert Graysmith à l’acteur des Chasses du comte Zaroff, deux scènes hitchcockiennes. Mais en respectant son point de vue documentaire par le refus de l’efficacité et de l’artifice, il témoigne de sa nouvelle maturité et de son souci de ne pas céder aux effets faciles pour s’intéresser avant tout à ses personnages. Comme de bien entendu, le public américain a boudé ce grand film. L’histoire rétablira sa place.