Yves Saint Laurent – Pierre Bergé, l'amour fou
France, 2010
De Pierre Thorreton
Avec : Pierre Berge, Yves Saint-Laurent
Sortie : 22/09/2010
1958 : Yves Saint Laurent et Pierre Bergé se rencontrent. Chacun a trouvé l'homme de sa vie. Pour la première fois au cinéma, Pierre Bergé raconte leur histoire d'amour : 50 années ardentes et tourmentées, faites de succès extraordinaires et de douleurs intimes. Saint Laurent crée le vestiaire de la femme moderne et lui donne le pouvoir. Ensemble, ils révolutionnent le monde de la mode. En 2008, après la disparition de Yves, Pierre décide de se séparer de la collection d'art qu'ils ont passionnément réunie, dévoilant ainsi le fruit d'une quête permanente du beau. Des jardins Majorelle à Marrakech au Château Gabriel en Normandie, l'Amour Fou nous invite dans l'intimité de ces deux hommes qui ont un peu changé notre monde...
LIQUIDATION TOTALE
Curieux de voir, à quelques jours d'intervalle, cet Yves Saint Laurent - Pierre Bergé, l'amour fou et le documentaire signé Marie Rivière, En compagnie d'Eric Rohmer. Car à partir d'un argument voisin, souvenirs d'un disparu par ceux qui l'ont aimé, les deux films sont le jour et la nuit. En compagnie d'Eric Rohmer transpire d'un amour indéfectible, celui de Rivière, Dombasle ou Luchini pour leur mentor, et est peuplé de fous comme les trois pré-cités. Aux travellings léchés dans des demeures luxueuses qu'habitaient Bergé et son compagnon, s'oppose la mise en scène plus que rudimentaire (pour être poli) de Rivière, plus dogme que dogme avec ses cadres tordus et sa lumière surexposée. Surtout, En compagnie d'Eric Rohmer s'avère être une des meilleures comédies de l'année, une belle façon, aussi, d'évoquer le cinéma de l'auteur savant et lunaire des Comédies et proverbes ou encore des Contes des quatre saisons. Yves Saint Laurent - Pierre Bergé, l'amour fou choisit une autre voie, surprenante là encore. Plus qu'un amour fou (le titre est un vrai trompe l'oeil), c'est une douleur folle qui s'affiche à l'écran, comme une relation malade dont on ne saisit jamais l'ivresse. Par pudeur, peut-être.
Comme si l'histoire de Yves Saint Laurent et de Pierre Bergé allait être racontée autrement, par l'allégorie, où l'hagiographie est à peine écrite (Yves Saint Laurent révolutionne, on le dit, mais on n'ira pas l'expliquer, Yves Saint Laurent se retire d'un art devenu métier de commerçants, et là encore on n'ira pas plus loin). Le chemin commun de Saint Laurent et de Bergé est rythmé par l'acquisition d'œuvres d'art qui ont fini par former une extraordinaire collection. Bergé parle de l'envie de Saint Laurent de transformer telle datcha en palais proustien, de l'attachement à la beauté, et de la désolation autour. Comme si les lieux étaient tombeau, récit aux teintes sinistres d'une impossibilité à être heureux (mais avec de la soie autour: quand Bergé boude, il s'exile à l'Athénée ou au Lutetia, standing oblige). La vente de la collection revient comme un refrain dans le documentaire, comme un symbole évident, deuil et liquidation. Froid dénouement de cinquante années d'attachement.