Yeux clairs (Les)
France, 2004
De Jérome Bonnell
Scénario : Jérome Bonnell
Avec : Nathalie Boutefeu, Marc Citti, Judith Remy, Lars Rudolph
Durée : 1h27
Sortie : 27/04/2005
Fanny vit avec son frère Gabriel et l’épouse de celui-ci dans la maison familiale. Fanny est malade et prend des cachets pour faire fuir les voix dans sa tête. Sa vie suit son cours, entre les quolibets des enfants qui la prennent pour une folle, les visites chez le médecin, le ménage chez une vieille dame et la vie à la maison. Jusqu’au jour où la tension croissante avec sa belle-sœur éclate dans une scène d’une grande violence. Fanny décide alors de partir mais avant de commencer sa nouvelle vie, elle doit faire table rase du passé.
CONTE ET PAROLES
Le film est divisé en deux parties, celle en France et celle en Allemagne. La première partie pose le personnage de Fanny. Une jeune femme adulte mais sans expérience, qui est restée comme une enfant et vit encore chez son frère. Sa maladie, dont le nom ne sera jamais mentionné, la met à l’écart et provoque chez elle des attitudes extrêmes. Fanny est sauvage, ne se laisse pas approcher, toucher, elle est isolée du reste des gens du village mais ne fait rien pour faire évoluer la situation. Elle entretient une étrange relation avec son frère, qui a parfois une attitude ambiguë avec elle, quasi incestueuse. Il ne voit pas que la jeune femme est beaucoup plus forte qu’elle ne le laisse paraître. Le film de Jérome Bonnell s’apparente en fait à un conte pour enfants. Une jeune héroïne, qui est mal aimée des autres et dont la belle-sœur prend ici la place de la marâtre - même si en l’occurrence, c’est plutôt Fanny qui la persécute. Une crise de trop et le petit oiseau décide de quitter le nid pour voler de ses propres ailes. Il se retrouve dans une sombre forêt allemande que n’auraient pas reniée les frères Grimm, et tombe sur un prince crapaud qui va prendre soin de l’oiseau effarouché et lui apprendre patiemment que la vie peut aussi être belle; ce qui aura la conséquence de transformer le crapaud en lui conférant une certaine beauté. L’histoire a en plus la bonne idée de ne pas dire s’ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants mais de laisser le spectateur décider quelle genre de fin il veut pour les deux personnages. Ce qui rend la partie allemande du film si particulière, c’est que les deux protagonistes doivent en tout et pour tout échanger deux phrases. Elle ne parle pas allemand, lui sait seulement dire bonjour. Tout passe par le langage des corps et des yeux, les silences n’ayant jamais parlé aussi fort. Pas de musique non plus, hormis quand Fanny se met au piano, mais le bruit du vent caressant les branches, le doux ruissellement de l’eau et le chant des oiseaux. Un vrai retour au sources, que ce soit celle du cinéma – le temps du muet – ou pour Fanny le moyen de donner un nouvel élan à sa vie, sur des bases saines. Un pari audacieux et magnifique récompensé par le Prix Jean Vigo 2005.