Willard
États-Unis, 2002
De Glen Morgan
Scénario : Glen Morgan
Avec : Jackie Burroughs, Laura Elena Harring, R. Lee Ermey, Crispin Glover
Durée : 1h40
Sortie : 17/09/2003
Willard vit depuis toujours reclus dans la maison familiale auprès de sa vieille mère. Etouffé par cette dernière, humilié au travail, Willard se sent seul, jusqu'à ce qu'il fasse une curieuse rencontre, dans un coin sombre de sa cave...
DES SOURIS ET DES HOMMES
"Si le rat pesait 20 kilos de plus, il serait le maître du monde". En attendant son règne, il trône sur l'épaule de Willard. Le jeune homme taciturne est l'enfant d'un Norman Bates qui aurait troqué ses plumes empaillées pour des rongeurs animés, et du joueur de flûte de Hamelin emmenant ses rats dans son pas. Glen Morgan orchestre son exorcisme kafkaïen (isolement rédhibitoire, réalité absurde, société déshumanisée) avec un certain savoir faire et un sadisme bien dosé. Le sommet du film demeure ainsi une poursuite où un chat entre dans l'arène, mais où la course inversée apporte son piquant. La principale réussite de Willard est de rendre dans une certaine mesure ses rats effrayants, principalement en se jouant avec habileté d'un aspect grouillant, où la masse prend la place de l'individu pour créer le monstre le plus redoutable, celui dont le visage est indistinct. La gageure est transcendée lorsque Morgan parvient à insuffler de la personnalité dans des yeux de rats, un semblant d'humanité primaire qui n'est pas loin de créer un certain malaise.
RAT RACE
Pourtant, à la frontière de l'horreur, l'abandon ne s'effectue jamais totalement. Le réalisateur semble plus à l'aise avec ses rats savants qu'avec ses acteurs. En effet, le surjeu permanent (dont seule Laura Elena Harring échappe) ne fait pas bon ménage avec un effroi frontal et brut, déplaçant le récit vers une "déréalité" plus distancée et moins efficace. L'idée de départ, étirée sur tout le film, perd quelque peu de son souffle, principalement dans son dernier tiers. Ces défauts de réglage ne condamnent pas le film mais le confinent dans un enclos dont il aurait pu pousser la porte déjà entrouverte. La tension sexuelle sous-jacente est elle aussi un aspect délaissé d'une histoire où le refuge de l'enfance, les mères castratrices et la négation du sexe restent des décors flous dont les contours n'ont pas été approfondis. Quelques regrets qui n'appellent pas pour autant à quitter le navire, véhicule d'une agréable croisière dans une mer de rats.