White People
Det vita folket
Suède, 2015
De Lisa Aschan
Scénario : Lisa Aschan
Durée : 1h23
Une jeune femme tente de survivre et de s'échapper alors qu'elle a été mystérieusement été internée dans un centre de détention.
LE LABYRINTHE DU SILENCE
Révélée par Voltiges (premier long métrage primé à la Berlinale, vainqueur des Oscars suédois et sorti en France en 2011), la réalisatrice Lisa Aschan (lire notre entretien) revient avec White People, un film aussi gonflé que casse-gueule. Le récit d'apprentissage raconté par Voltiges fonctionnait déjà sur une dynamique d'usure et de frustration. Aschan radicalise ce geste quitte à se mettre une partie du public à dos. White People, adapté d'une pièce de théâtre, ne fournit aucune clef. Où sommes-nous ? Qui sont-ils ? Le début du long métrage déstabilise, alors que nous pénétrons dans un bunker dont les couloirs semblent mener vers la demeure de Jabba the Hutt. Aschan dit s'être davantage inspirée de l'hôtel de Shining. Cette entrée en matière installe une menace, rompue par des personnages... qui sabrent le champagne. Que célèbrent-ils ? On ne le saura pas.
Créer ainsi du mystère peut être parfaitement cinégénique, mais ce n'est pas si facile. White People flirte parfois avec une certaine complaisance à empiler ses plans sibyllins. Dans un registre cousin, on pense à la demeure coupée du monde et aux règles mystérieuses d'Innocence de Lucile Hadzihalilovic, mais sans la même richesse, sans la dimension ludique. Sans la même générosité non plus. Car le ton ici est plus glacial que chez la réalisatrice française, moins porté sur l'imaginaire également. Davantage sur la parabole sociétale, avec un étrange marchandage humain auquel on n'assiste qu'en partie et qui est traité de la même façon qu'une partie de bingo. La frustration en surplace encouragée par la cinéaste est risquée, et prive d'ailleurs le film d'un certain relief.
Aschan sait cela dit y faire visuellement, filmant un bambin seul chouinant dans un couloir, puis un homme en flammes qui s'engouffre dans la pénombre, un autre qui dans une cellule prie devant un faux soleil, d'autres qui tentent de fuir et que la caméra observe en un plan superbe, en plongée au-dessus des arbres enneigés. Au-delà du soin esthétique qui s'invite ici ou là, une question se dessine : qui mange, qui sera mangé ? Aschan explorait déjà dans Voltiges les jeux de pouvoir, et, au-delà de la simple relation binaire du dominant et du dominé, parle de l'extrême fragilité de ce rapport et de sa facile inversion. Dans ces rôles, Aschan dirige l'expérimentée Pernilla August et la singulière Vera Vitali, repérée dans Blind. Le film est suffisamment ouvert pour accueillir de nombreuses interprétations - presque trop - mais ce traitement radical force plutôt l'admiration.
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White People vient d'être dévoilé en première mondiale au Festival de Stockholm.