Where To Invade Next

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Where To Invade Next
États-Unis, 2015
De Michael Moore
Durée : 1h59
Sortie : 14/09/2016
Note FilmDeCulte : *****-
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Dans Where to Invade Next, Michael Moore enfile le costume de l'envahisseur qui débarque de l'autre côté de l'Atlantique. Son but ? Importer les meilleures pratiques des pays étrangers pour changer l'avenir des États-Unis.

L’ENVAHISSEUR

Le plus grand éclat de rire de la Berlinale fut donc... un documentaire. Pas si étonnant pour un festival faisant la part belle aux différentes familles du genre, plaçant en compétition des propositions aussi diverses que Fire at Sea ou Zero Days. Dans laquelle de ces familles se classe Where to Invade Next ? Un documentaire de Michael Moore, ce n’est pas la même chose qu’un documentaire de Raymond Depardon. Plus que jamais, le réalisateur américain utilise comme outils la farce et l’outrance, pour créer ce qui est peut-être la sous-famille la plus rare : le documentaire de divertissement. Qu’attendre d’un film de Michael Moore ? Certes, pas de la subtilité. Mais ceux qui croient qu’un documentaire ne peut dire la vérité que quand il est austère et humble ne se trompent-ils pas ? Ceux qui accusent Moore de manipulation, jouent sur un amalgame, ne confondent-ils pas manipulation et malhonnêteté ? Et quitte à enfoncer des portes ouvertes : se peut-il qu’un film, même documentaire, ne soit pas manipulateur du tout ? Vous avez quatre heures.

Where to Invade Next est le film le plus excitant de Moore depuis un petit bout de temps. Le projet est maboul en même temps que simple comme bonjour. Se demandant avec malice comment améliorer la qualité de vie américaine, le cinéaste fait un tour d’Europe et d’Afrique du nord pour piocher des idées sociales propres à certains pays. Ces idées ne sont pas choisies au hasard : des cantines françaises aux congés payés italiens, elles offrent un double programme. Elles permettent d’abord de réitérer pour la bonne bouche des clichés sur certains peuples (les Allemands pas drôles, les Italiens obsédés) puis sur les États-Unis. Puis elles proposent en miroir le portrait d’une société américaine absurde et glaçante. D’abord on rit (parfois jaune, mais le plus souvent, franchement) puis on a peur. Il y a un effet récurrent dans Where to Invade Next, irrésistible à chaque fois, où en apprenant telle ou telle différence entre leur pays et les États-Unis, les intervenants demeurent bouchée bée l’espace d’un instant, restant stupéfaits, comme sur le point d’éclater de rire.

Moore n’est pas dupe, et il n’a aucune raison de penser que le spectateur l’est non plus. Comme dans tout discours parodique, le trait est ici forcé. L’Europe ressemble à une succession d'endroits paradisiaques, comme les cartes postales présentant les villages d’Intervilles. Le film n’a pas plus de réserve quand il s’agit de filmer l’envers du décor, quitte à sombrer momentanément dans le mauvais goût (comme ce clip musical sur des brutalités policières). Mais derrière la façade aussi réaliste que celle d’It’s a Small World, derrière la succession de vignettes impayables, on découvre peu à peu un autre discours, plus sérieux et posé, sur la dignité humaine, la place des femmes ou le rôle de la révolution. Et bien sûr sur les États-Unis. Pas un plan de Where to Invade Next n’y a été filmé, et pourtant le film ne parle que de la patrie de Moore. On en ressort avec une drôle de sensation. Comme si un « vrai » documentaire sérieux s’était glissé mine de rien derrière les gags, comme si on avait été manipulés... pour notre plus grand plaisir.

par Gregory Coutaut

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