When Night Falls
Wo Hai You Hua Yao Shuo
Chine, République populaire de, 2012
De Liang Ying
Scénario : Liang Ying
Avec : An Nai
Durée : 1h10
La mère d’un assassin se prépare à rencontrer son fils. L’histoire vraie d’un homme qui tua six agents de Shanghai après avoir subi des violences par la police parce qu’il roulait sur une bicyclette non homologuée.
LA NUIT DE TOUS LES MYSTÈRES
Prix de la mise en scène et prix d’interprétation féminine au dernier Festival de Locarno, When Night Falls permet de découvrir le réalisateur chinois Liang Ying dont les précédents longs métrages n’ont pas été distribués en France. When Night Falls s’inspire d’un fait divers qui a fait grand bruit en Chine. Un jeune homme a assassiné des policiers, avant d’être jugé puis condamné à mort. Mais les circonstances sont, jusqu’au bout, restées très brumeuses. Avec son film, Liang Ying s’est attiré les foudres des autorités chinoises qui l’accusent de manipuler la réalité. When Night Falls s’ouvre littéralement comme un documentaire, avec une succession d’images fixes présentant la véritable scène de crime, le tribunal, l’accusé, les journalistes. Une voix-off, celle de la mère, commente avec sévérité, rappelle le contexte, ce qu’elle a vécu.
When Night Falls rentre ensuite de plain-pied dans la fiction avec la transposition de ce récit qui passe des faits bruts à la reconstitution. Un choix qui colle avec le point de vue parcellaire du personnage principal. On voyait arriver de loin le film à charge (ici, la dénonciation du système judiciaire chinois) légèrement étouffe belle-mère. En adoptant le point de vue de la mère, Liang Ying parvient à trouver une respiration et à raconter deux histoires en même temps. L’héroïne, interprétée par An Nai (productrice de Lou Ye), n’a pas pu défendre son fils et a été internée de force dans un hôpital. Aux ellipses du film correspondent les questions de cette mère, le vide laissé par la chambre du fils, l’incompréhension face à cette tragédie dont les tenants et aboutissants sont du coup restés mystérieux.
Assommée, la mère erre dans son appart, sous l’affiche improbable de Robocop 3, placardée par son fiston. Liang Ying ne donne pas dans la surenchère doloriste, anesthésiante, raide comme la justice. Son film est court et sec (70 minutes), et lorsqu’on assiste à une très longue scène parlée (celle du jugement), celle-ci est suivie, avec un sens du timing comique parfait, par une chute lamentable de la mère sur le bitume, comme pour un slapstick. Sauf que ce n’est plus comique, mais totalement tragicomique. Liang Ying sait mettre du cinéma dans son récit édifiant. On suivra ses prochaines œuvres de près.