The Weight

The Weight
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Weight (The)
Mooge
Corée du Sud, 2012
De Kyu-Hwan Jeon
Scénario : Kyu-Hwan Jeon
Durée : 1h47
Note FilmDeCulte : ****--
  • The Weight
  • The Weight
  • The Weight

Né bossu et élevé dans un orphelinat, Jung travaille dans une morgue et doit prendre de nombreux médicaments afin de soulager les douleurs liées à sa tuberculose et son arthrite. Malgré son état, laver et habiller les morts lui semblent une occupation noble et même belle. Pour lui, son quotidien à la morgue est à la fois une réalité mais aussi un rêve lorsque les défunts prennent vie et deviennent ses modèles et ses amis dans ses peintures, son unique plaisir sur terre. Croulant sous le poids de la vie et de la mort des corps morts auxquels il doit faire face chaque jour, Jung doit supporter la douleur et la soif tel un chameau traversant un désert aride en silence.

Voilà un film pas banal. Mais peut-être pas tant par les thèmes qu’il aborde (et pourtant : malformations physiques, transsexualité, nécrophilie…) que sa manière assez dingue de les traiter. The Weight possède en effet un ton assez unique, à la fois détaché de la réalité comme une fable et pourtant très juste dans sa manière de dépeindre une solitude quotidienne très concrète. Si Jeon Kyu-Hwan parvient à éviter le sordide et la provocation facile, c’est avant tout grâce à son sens aigu de l’absurde et du grotesque. Faut-il rappeler qu’étymologiquement, ce qui est pathétique est « ce qui suscite une forte émotion » et non pas ce qui est pitoyable ? The Weight se situe justement en plein dans le pathétique, au sens noble du terme. Le décalage loufoque est certes bien présent (même nu on garde son casque de moto, on tire sur des cadavres pour les tuer encore et encore…), mais on n’est pas là pour rigoler.

Dans un décor qui fonctionne presque comme une allégorie (une morgue où l’on ne voit passer que cadavres ou misfits relégués aux bas-fonds) Jeon Kyu-Hwan filme une galerie de personnages décalés de manière décalée, mais sans pour autant mettre des guillemets autour de leur souffrance. Un équilibre rare que l’on retrouve dans une scène à priori anodine mais qui résume bien l’ambition générale. Lorsqu’un personnage transsexuel se met à nu, ce n’est pas par fascination pour la bizarrerie mais bien par respect pour l’humanité et l’identité du personnage. Cette scène ne dure que quelques secondes, mais elle est particulièrement poignante. Elle témoigne bien du fait que The Weight n’est pas un freak show venu choquer le bourgeois : si Jeon Kyu-Hwan va effectivement chercher ses personnages à la marge de la marge, c’est pour mieux faire de son film un « human show ».

Le poids dont il est question dans le titre est aussi bien celui de la solitude que celui du karma, qui enferme les protagonistes dans le mauvais destin et le mauvais corps. La morgue en question (presque l’unique décor du film) devient alors une antichambre où l’on attend de revivre dans un meilleur corps. Derrière l’absurdité, derrière les quelques touches de naïveté se cache un film plus profond et émouvant qu’il n’y parait. Un film qui trouve une manière fort personnelle de coller à la violence de son sujet. Une réussite.

par Gregory Coutaut

Commentaires

Partenaires