Voyage de Chihiro (Le)

Voyage de Chihiro (Le)
Envoyer à un ami Imprimer la page Accéder au forum Notez ce film
Voyage de Chihiro (Le)
Sen to Chihiro no kamikakushi
Japon, 2001
De Hayao Miyazaki
Scénario : Hayao Miyazaki
Durée : 2h05
Sortie : 10/04/2002
Note FilmDeCulte : ******

Pour Chihiro, jeune fille de dix ans, tout commence le long d'une route solitaire de campagne, alors que ses parents cherchent le chemin de leur nouvelle maison. Egarés dans la forêt, ils s'aventurent dans un village abandonné, où un étrange sortilège va frapper les parents de la fillette qui va devoir les sauver.

BONNE CHANCE CHIHIRO, AU REVOIR

Sorti harassé par le titanesque labeur que nécessitait la réalisation de Princesse Mononoke, Hayao Miyazaki fut en partie requinqué par l'accueil triomphal du film durant l'été 97 au Japon. Suffisamment, en tout cas, pour remettre le couvert avec un autre projet ambitieux, Le Voyage de Chihiro, auréolé d'un succès record au pays du soleil levant (23 millions de spectateurs). On sait l’homme magicien, et ce Voyage sera l’occasion de plonger de plein pied dans une rêverie débordante comme l’eau qui monte autour du parc à thème délabré. L’essence du merveilleux, ses couleurs et parfums, comme cœur d’un film-songe au début duquel la jeune Chihiro tente de se réveiller («C’est un rêve…c’est un rêve»), avant de commencer, peu à peu, à disparaître et s’y allonger, au son lointain des trains qui emmènent leurs passagers inconnus vers des destinations qui ne sont plus indiquées sur la carte. Pour réapparaître et retrouver sa chair, pour sauver ses parents atteints d’un mauvais sort, la fillette va devoir, comme souvent chez le Maître, tracer dans les brumes du merveilleux son chemin initiatique.

CHIHIRO AU PAYS DES MERVEILLES

Pendant que Kiki enfourche son balai et fait son apprentissage de la vie au gré de ses trouvailles de sorcière, Chihiro doit subir une succession d’épreuves dans cet établissement de bains lumineux où les dieux se sont donnés rendez-vous. Affronter le vide ou retenir sa respiration, trouver du travail dans la fournaise de Kamaji, savonner l’échine des dieux dans des bassines d’eau géantes, faire face à l’ire d’une sorcière ou céder aux caprices d’un bébé aux proportions gargantuesques, autant de travaux fantastiques, des plus simples aux plus surnaturels, posés sur le chemin de la jeune fille. Dans cet univers merveilleux, Miyazaki rencontre Lewis Carroll, là où le fantastique se niche au bout d’un souterrain obscur, où l’on avale des baies rouges pour ouvrir grands les yeux sur ce mirage halluciné, où le bestiaire fabuleux marche d’un pas lent sur un pont reliant les rives du quotidien à celles de la féérie, et où le chemin est parsemé d’indices spirituels (les statues que croise la voiture familiale, des oratoires à l’orée de la forêt). Du fantastique comme d’une religion, à l’image de la grâce sacrée de Mon Voisin Totoro, où la peluche bedonnante fait office de divinité de la forêt zen.

CHIHIRO DANS LE CIEL

Motif récurrent dans l’œuvre de son réalisateur aérien, l’ivresse des hauteurs est une nouvelle fois au rendez-vous dans Le Voyage de Chihiro. Porco Rosso déchire les nuages à bord de son avion, les châteaux semblent flotter dans le ciel, et Chihiro s’agrippe, elle, aux cornes d’un dragon ou aux bras de son ami lors de chutes dans le vide, d’envols vers l’horizon aussi bien physiques que spirituels. Sommet poétique dont l’imaginaire semble dépourvu de toute limite, ce voyage dispense ses quelques moments de pureté miraculeuse, comme un périple en train sur l’eau, dans un monde où, derrière un masque inquiétant, se cache parfois un entité bienveillante, où les sorcières aigries cachent aussi une généreuse jumelle. Le film de Miyazaki fait une date dans le cinéma d’animation, et dans sa visibilité de par le monde: premier triomphe historique de l’anime en France, et conquête de Hollywood où le long-métrage remporte l’Oscar du film d’animation au nez et à la barbe des Américains. Mais plus loin encore, Le Voyage de Chihiro gagne tout simplement sa place au panthéon des plus beaux films du monde. Avec, à sa tête, une jeune fille rêveuse, aux grandes cannes fragiles, la tête dans les nuages.

par Nicolas Bardot

Partenaires