Voici venu le temps
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France, 2005
De Alain Guiraudie
Scénario : Alain Guiraudie
Avec : Eric Bougnon, Jacques Buron, Pierre Louis Calixte, Guillaume Viry
Durée : 1h23
Sortie : 13/07/2005
Voici venu le temps où les guerriers d'Obitanie sont à nouveau sur le qui-vive, lancés à la poursuite de Manjas-Kébir. Fogo Lompla, guerrier de recherche, se pose lui des questions existentielles sur son métier, ses engagements et ses amours.
IL ETAIT UNE FOIS
De Du soleil pour les gueux à Voici venu le temps, Alain Guiraudie trace un sillon atypique au sein du cinéma français, mêlant avec réussite dialogues surréalistes et pensée militante. Du Eugène Green (Le Pont des arts) rural et original, rabelaisien dans son désir d'associer le conte à des motivations beaucoup plus contemporaines. Moins aimable que Pas de repos pour les braves, son meilleur long métrage à ce jour, Voici venu le temps en est le pendant pessimiste. Si le savoureux travail sur les détails et le décalage demeure, Alain Guiraudie semble avoir perdu ses dernières illusions. Il ne croit plus à l'imaginaire comme échappatoire possible. Les personnages de Voici venu le temps se cognent ainsi à la réalité et aux frontières géographiques ou sociales. Chacun espère sortir de sa condition mais tous sont finalement forcés de reprendre leur triste vie d'avant. Le guerrier d'attente attend en vain que sa proie passe sous son arbre, le brigand d'escapade revient au pays malgré les dangers qui le guettent. L'action violente et radicale est également sans issue, elle légitime les programmes sécuritaires et l'arrêt des négociations.
LA SENSUALITE
Le cinéaste aurait pu reprendre le titre de l'un de ses moyens métrages en y ajoutant une négation de circonstance: "ce vieux rêve qui ne bouge plus". Il y a quelque chose de pourri en Obitanie. La machine capitaliste a broyé les hommes, condamné certains à donner leur sang pour survivre. Voici venu le temps privilégie les retours en arrière aux grandes échappées, les digressions sentimentales aux trouvailles visuelles. La tendresse devient le seul remède pour échapper à la morosité ambiante. Qu'importe que les bras soient bourgeois ou ouvriers, ceux d'un banquier ou d'un inventeur d'étranges machines. Alain Guiraudie filme frontalement l'amour et rend érotique chaque frôlement dans la nuit étoilée. Dans un geste sublime, pour la plus belle scène du film, Bondolo le sculpteur cède enfin à son désir et choisit la passion à la raison, l'abandon à la vie. Malgré le jeu parfois très amateur de certains acteurs et l'emploi trop systématique de la nuit américaine, sans doute pour masquer le manque de moyens, Voici venu le temps confirme le talent d'Alain Guiraudie pour nous emmener au-delà des sentiers balisés.
