La Visita
Chili, 2014
De Mauricio Lopez Fernandez
Scénario : Mauricio Lopez Fernandez
Durée : 1h22
Sortie : 11/05/2016
Coya est domestique au sein d’une famille chilienne catholique et conservatrice. Dans la grande demeure bourgeoise, patrons et employés cohabitent sous le même toit. La mort du mari de Coya va occasionner une visite inattendue qui va bouleverser l’ordre apparent…
LE FANTÔME DE LA LIBERTÉ
On ne s'en rend pas forcément compte tout de suite, mais la quasi-intégralité de La Visita se déroule entre les quatre murs d'une maison. Une maison familiale, avec ses domestiques, mais où les hommes sont absents, morts ou dénués de responsabilités. Une maison où ce sont les femmes qui commandent... ou bien est-ce plutôt que ces femmes-là n'osent pas sortir de chez elles ? La seule à venir de l'extérieur, c'est Elena, qui revient auprès de sa mère après des années d'absence. La cause de son retour: un décès dont on parle à peine. La cause de sa fuite il y a des années: personne n'aborde le sujet. On devine un secret sur les visages stupéfaits de recroiser Elena, on lui demande de ne pas rentrer dans la chambre des enfants, et même sa mère a du mal à se laisser embrasser quand elle la revoit pour la première fois, comme si elle n'était que le fantôme de qui elle était avant... Le pitch officiel choisit de ne pas en révéler d'avantage, nous ne spoilerons donc pas sur la révélation en question.
Ce qu'on peut dire, c'est que La Visita fait preuve de beaucoup de pudeur. Les retrouvailles familiales auraient pu tourner au règlement de compte amer et violent, mais c'est au contraire un processus de réconciliation que nous montre le film. Une réconciliation difficile et progressive (La Visita prend son temps pour déployer son récit) mais étonnamment bienveillante. La maison familiale où chacun tente de réintégrer Elena du mieux qu'il peut, sert de métaphore pour le portrait d'une société où l'on cherche à bien faire malgré le poids écrasant des traditions, une société chilienne où les générations anciennes ne réalisent ou ne comprennent pas toujours la liberté dont profitent les plus jeunes. Une liberté qu'Elena a gagné en fuyant le domicile parental, et qu'elle va malgré elle réinjecter à son entourage. Plutôt qu'une lutte de classe entre patrons et domestiques, le réalisateur Mauricio Lopez Fernandez propose une lutte des sexes: celle de femmes, unies malgré leurs différences sociales, pour accepter la liberté qui leur est offerte. Bien vu.