Vie de Michel Muller est plus belle que la votre (La)

Vie de Michel Muller est plus belle que la votre (La)
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L’humoriste Michel Muller a signé un contrat avec une équipe de télévision, autorisant un caméraman et un preneur de son à le suivre où et quand bon leur semble, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, pendant un mois. Il ne va pas tarder à regretter cette décision…

SUICIDE MEDIATIQUE

Qu’y a-t-il encore à attendre des humoristes français lorsqu’ils se frottent à l’expérience du grand écran? Bien forcés fils de TV, nos amuseurs se doivent, pour ne pas sombrer dans l’oubli, de tenter le passage de la petite à la grande lucarne, désormais étape obligée sur la route de l’affirmation artistique. Affirmation triple: reconnaissance publique et/ou critique, succès commercial, épanouissement personnel. Les résultats sont de tout ordre (des affreuses grimaces d’un Double Zéro, jusqu’aux vents ambitieux et aimables de Quand la mer monte, en passant par les plus fédératrices gauloiseries de Mission Cléopâtre) et, il faut bien l’avouer, les bonnes surprises de plus en plus rares. Reste une voie détournée, déjà éprouvée par Laurent Baffie et ses inégales Clefs de bagnole. Celle-là même que creuse plus avant Michel Muller dans son premier long: l’auto-parodie connivente. Foin de gros budgets gonflant les chevilles par paquets d’hélium. Il s’agit ici de taquiner le spectateur du coude et de ne pas le duper en prétendant faire autre chose que ce qu’on sait déjà faire. Dès le titre (qui, à l’origine, devait être Suicide médiatique, jugé au final trop négatif), cartes sont jouées sur table: Muller va faire du Muller.

FREQUENSTAR

Soit donc un vrai-faux reportage sur la bête, à la foire hors la scène. Pour son confort, sans doute, comme Baffie avant lui, l’amuseur sort son plan hexagonal du gotha cinéma: Depardieu, Semoun, Solo, Miller, Dujardin, Le Pogam… Et Muller s’amuse avec comme un grand enfant pervers. Sauf que, là où Les Clefs de bagnole s’empêtrait dans les limites du film référentiel, Baffie s’avouant infoutu d’écrire une vraie histoire, Muller se contente de faire comme si, pour que son film l’en démentisse mieux. Bonne nouvelle: souvent, le stratagème fonctionne. Endossant la défroque qu’on lui connaît du personnage immonde qu’il vaut mieux se passer d’inviter, s’entourant d’une équipe de bras cassés jouant bien le ridicule, et réfléchissant véritablement à ce qu’il montre et à la manière de ménager ses effets, plutôt que de chercher le rire-minute, Muller fait mouche. L’esthétique de docu-plan-plan, façon Fréquenstar partant en sucette, est finement pastichée, et l’humoriste parvient régulièrement à dépasser la simple potacherie du film de potes. Certes, la dimension auto-critique (notamment un savoureux et pertinent regard sur une filmo personnelle désastreuse et un milieu cinématographique à deux vitesses – belle giflette à Besson au passage) pourra échapper aux non-initiés.

C’EST ARRIVE PAR CHEZ LUI

Mais lorsqu’il envisage et même tutoie un autre cinéma, celui qui, de C’est arrivé près de chez vous à Strass, franchit ses limites artisanales pour donner dans ce qu’un vocabulaire réducteur nommerait trash, La Vie de Michel Muller est plus belle que la vôtre s’autorise à aller plus loin que prévu. Ainsi en va-t-il des grinçantes scènes de viols dans les WC d’un night-club minable, du chat crevé sanguinolent, ou de cette hilarante séquence épilogue qui accompagne le générique final... Dans ses meilleurs moments, en effet, La Vie de Michel Muller… relève, c’est heureux, moins de Jackass que de son grand frère spirituel Aaltra, modèle plus ou moins avoué. Reste que là où Benoît Delépine et Gustave Kervern avaient osé aller à fond dans leur logique (vrais partis pris de tempo, de découpage et d’esthétique), Muller refrène ses ardeurs et évite le jusqu’auboutisme vers lequel il aurait dû tendre – voir à ce titre la dernière partie du métrage, censée parodier la Nouvelle Vague, et soi-disant filmée via une caméra de surveillance, finalement très propre et donc déceptive. Dommage, car ce film-là, on aurait adoré le voir. Pour une vie meilleure?

par Guillaume Massart

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