Victoria
Victoria est une jeune danseuse espagnole qui rencontre lors d'une soirée dans un club, quatre hommes prénommés Sonne, Boxer, Blinker et Fuß. Sonne et Victoria se rapprochent et flirtent ensemble jusqu'au moment où ils sont interrompus par les autres, en raison d'une affaire importante à régler. Victoria se retrouve alors aux commandes pour les emmener sur le lieu de rendez-vous. Ce qui devait être une soirée normale va finalement devenir une nuit bien sombre et dangereuse.
COURS VICTORIA COURS
Il y a une quinzaine d’années cartonnait en Allemagne Cours Lola Cours, exercice de style ludique dans lequel Sebastian Schipper jouait un second rôle. Devenu depuis réalisateur, Schipper signe avec Victoria son quatrième long métrage. La tagline présente sur l’affiche ne ment pas : One girl. One city. One night. One take. Victoria est un polar fleuve (2h20) dont la particularité est d’avoir été tourné… en un plan séquence. Schipper, du dossier de presse à la conférence berlinoise, en semble très fier, avec parfois l’impression curieuse qu’il parle davantage d’un accomplissement sportif aux Jeux Olympiques que de cinéma (quand il n’est pas occupé à prendre des poses de gangsta mimant le flingue au poing pour les photographes). L’argument du plan séquence virtuose (avec des plans qui parfois semblent pourtant impossibles) pourrait n’être qu’un gadget, mais c’est le principal attrait de ce polar en temps réel.
Paraphrasant (n’ayons pas peur des comparaisons) Coppola qui disait « Apocalypse Now n’est pas un film sur le Vietnam, c’est le Vietnam », Schipper présente Victoria non pas comme un film de braquage mais un braquage. Le plan séquence fait corps avec le destin de ses personnages, et ce dès les premières minutes où, sur un beat hypnotique, la caméra s’approche d’une jeune femme qui danse – Victoria. Elle rencontre quelques gars, mecs gentiment relous qui se bastonnent dans la rue, mais Victoria semble de bonne composition et les suit. A l’image, dans un tout autre style, de Boyhood dont le tournage sur 12 ans avec les mêmes acteurs vieillissants apportait un effet de réel, ce tournage sans coupe rend plus palpable le ici et maintenant. Les discussions sont parfois anecdotiques et sans intérêt, mais le ballet apporte du souffle à cette nuit où tout va basculer, et le temps non-arrêté implique un rapport différent à l’image. La prouesse du directeur de la photographie norvégien Sturla Brandth Grøvlen est réelle.
En filmant l’avant mais aussi l’après braquage, Schipper parvient à installer une réelle tension. Victoria est divertissant et propose une expérience assez unique… à condition d’accepter quelques sauts de foi. C’est parfois l’écriture (ou la non-écriture, car le scénario fait 12 pages et les dialogues ont été improvisés) qui fait parfois tiquer : bien sûr, il faut avaler les choix discutables du personnage féminin pris dans un engrenage infernal, comme il faut parfois se pousser à croire à ces seconds rôles un peu puérils, sortis d’un polar à l’anglaise standard. Pour ceux qui y parviendront, le spectacle n’est pas banal.